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De Ruben Um Nyobè à Thomas Sankara

 
[Yaoundé - Cameroun] - 13-09-2008 (Shanda Tonme)


C’est sans doute l’assassinat lâche de Ruben Um Nyobè, qui donne, peu avant 1960, le ton et l’énergie nécessaires à l’Assemblée Générale des nations Unies, pour faire voter la déclaration 1514 relative à l’octroi de l’indépendance aux peuples et territoires non autonomes sous l’impulsion de l’Union soviétique alors dirigée par Karatchev. La mort du chef du parti camerounais UPC, n’était pas un inconnu dans les instances de l’ONU.

 


De Ruben Um Nyobè à Thomas Sankara
Martyrs énigmatiques et sectarisme de la Cour pénale internationale

 

C’est sans doute l’assassinat lâche de Ruben Um Nyobè, qui donne, peu avant 1960, le ton et l’énergie nécessaires à l’Assemblée Générale des nations Unies, pour faire voter la déclaration 1514 relative à l’octroi de l’indépendance aux peuples et territoires non autonomes sous l’impulsion de l’Union soviétique alors dirigée par Karatchev. La mort du chef du parti camerounais UPC, n’était pas un inconnu dans les instances de l’ONU où il avait notamment conduit une délégation dite des pétitionnaires pour plaider la cause de la dignité et de l’indépendance du peuple camerounais.


Dans la catégorie des crimes ignobles attribués au colonialisme et à ses potentats, l’assassinat de Ruben Um Nyobè n’égale à aucun autre, au regard des circonstances dans lesquels celui-ci intervient. Les historiens ont pu établir sur la base de témoignages dorénavant crédibles, que le chef de l’UPC fut abattu à bout portant par une patrouille mixte faite de soldats du corps expéditionnaires français et des subalternes camerounais. Il fut surpris dans sa cachette à Boumnyebel en pays Bassa, après avoir été semble-t-il trahi, donc livré, par quelqu’un de proche, quelqu’un que l’on a pu identifier comme Mayi Matip, compagnon de lutte qui sera plus tard récompensé par un poste de vice-président de l’Assemblée nationale du régime installé à Yaoundé par la France.


Il est particulièrement important de souligner, que le Mpodol, nom affectueux de commandement par lequel le peuple lui traduisait sa plus grande affection, fut abattu alors qu’il n’avait opposé aucune résistance, et alors qu’il ne portait aucune arme susceptible de constituer une menace pour ses assassins. L’ordre semble avoir été de le ramener mort, de lui ôter la vie sans sommation. C’est ce qui fut fait.


Il est aussi fondamental de noter, que l’UPC, la locomotive du mouvement nationaliste camerounais et l’un des tous premiers partis de ce genre à voir le jour dans les colonies françaises, ne prônait pas la violence. La violence et la lutte armée furent imposées à l’UPC par les envoyés de la France au Cameroun, lesquels firent preuve d’une barbarie égale seulement à celles déployées en Indochine et en Algérie. Des noms célèbres à l’instar de Roland Pré, pierre Messmer, et bien d’autres administrateurs cruels affectés au Cameroun pour éradiquer toute revendication nationaliste, n’ont pas encore réellement pris toute leur place dans les livres d’histoire. La raison est fort simple, c’est que l’histoire du pays continue de faire peur des côtés de la méditerranée.  A Paris comme à Yaoundé, ceux qui craignent l’ouverture du dossier des génocides en pays Bassa et en pays Bamiléké, sont trop nombreux.


Plus qu’un exemple, un symbole


Il faut sans doute se situer exactement dans le contexte de la fin des années 1950 et des aspirations des peuples d’Afrique et d’Asie à la dignité, pour mieux comprendre l’œuvre, la stature, et le martyr de Ruben Um Nyobè. L’homme ne tint jamais un autre discours que celui de la démarche pacifique, de la non violence, de l’indépendance, et de la réunification de son pays. Lorsque quelques révisionnistes écrivent aujourd’hui que l’UPC plongea le pays dans le chaos et l’insécurité, il s’agit d’un pur mensonge pour salir la mémoire de mémorables nationalistes.


La France agissait au Cameroun pour l’exemple, pour une punition dissuasive, pour une correction finale de nature à décourager les velléités de résistance dans les autres territoires sous sa domination. Les propres témoignages des militaires français qui furent en action à l’Ouest du Cameroun, décrivent un véritable enfer de bombes et de napalm. Des centaines de villages furent incendiées et entièrement détruites avec leurs habitants. La suite, ce sera une succession d’assassinats de pauvres paysans qui avaient été contraints de se réfugier loin dans les brousses. D’autres traîtres ont encore pu écrire sans honte, que l’UPC n’était pas soutenu. Il s’agit d’une pure affabulation historique. Nulle part sur le continent, parti nationaliste ne fut autant populaire. C’est d’ailleurs ce qui fait que à l’annonce de la mort de Um Nyobè, de multiples petits groupes se formèrent et se radicalisèrent, se livrant à des actes désespérés de vengeance que l’on a pu confondre à des formes de terrorisme.


Le cas du Cameroun, est pathétique à plus d’un titre, lorsque l’on s’appesanti sur le caractère criminel et génocidaire du régime colonial. Tous les dirigeants historiques furent liquidés lâchement : Félix Roland Moumié par empoisonnement dans un restaurant à Genève,  et Ernest Ouandjié par fusillade sur la place publique après un procès bidon du régime fantoche de Yaoundé. Les procès à venir, devront statuer sur le fait que Ouandjié bien que s’étant rendu de lui-même au régime, n’en fut pas moins assassiné.


Au Burkina Faso, Thomas Sankara fut liquidé dans la même tradition d’élimination des grandes figures révolutionnaires et des porteurs d’espoirs des peuples du continent. Mais avant le leader de la révolution d’octobre 1984 au pays des hommes intègres, plusieurs autres martyrs tombèrent sur le champ d’honneur. Lumumba du subir les pires tortures avant d’être assassiné, découpé en morceaux et les restes plongés dans de l’acide. Les écoliers de Soweto allient suivre, puis Amilcar Cabral de guinée Bissau, puis Steve Biko et Dulcie September d’Afrique du Sud, puis les autres, puis tous les meurtres explicites ou implicites, couverts ou ouverts de la période récente, à l’instar de celui du chef de la coordination des partis d’opposition au régime sanguinaire d’Idriss Déby au Tchad.


En réalité, l’opposition catégorique de la France à l’accession au pouvoir de l’UPC au Cameroun, annonçait la couleur de ce qu’allait être le sort des peuples sur le continent, et participait de la détermination de l’impérialisme à ne rien accepter qui ressembla à une émancipation effective des peuples comme l’avaient réclamé les rares dirigeants d’Afrique et d’Asie à la conférence de Bandoeng en  1955.


La problématique idéologique comme axe de justification des crimes

Que ce soit à propos de l’UPC et de ses dirigeants ou des autres mouvements et dirigeants nationalistes d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des caraïbes, la seule idéologie conductrice de leurs actions demeuraient l’attachement aux  principes de l’autodétermination et du droit des peuples à disposer d’eux mêmes. Les impérialistes ont prétendu pour fonder leurs crimes, qu’ils combattaient des hordes de communistes à la solde tantôt des chinois, tantôt des soviétiques. L’UPC fut accusé d’être inféodé au parti communiste français et au mouvement communiste international.


Une lecture assidue des textes majeurs rédigés par tous les dirigeants de l’UPC, n’apportent aucun début de preuve dans ce sens. Certes, une alliance objective existait entre les pays du bloc communiste emmené par l’URSS, avec les peuples en lutte, les peuples opprimés, mais il s’agissait d’avantage d’une alliance de raison et de tactique circonstancielle, que d’un choix stratégique ancré sur une adhésion partisane au regard de la rivalité que se livraient les deux grands blocs dominants du monde.


Nous ne pouvons cependant pas nier, que par pure opportunisme ou par exigence de repères pour la formation des cadres et plus tard la conscientisation des masses, les mouvements nationalistes durent verser dans des rhétoriques révolutionnaires qui entretenaient leurs propres mythes. Si à l’opposé, les peuples ne pouvaient connaître que humiliation, domination, exploitation et asservissement de la part de français, belges, américains, et tous ces adeptes des idéologies de conquête, ils retrouvaient à Moscou, Pékin et Cuba, le discours de solidarité, d’amour, de compassion et d’espoir suffisant pour animer leurs luttes et surmonter l’adversité.

Pourquoi a-t-on pu dire que ce qui était en cause, c’était la liberté contre le totalitarisme, au point de pratiquer des génocides que les livres d’histoire toujours majoritairement contrôlées par les auteurs de ces crimes, tardent à révéler ?


Lorsque le Président Ronald Reagan accède à la Maison Blanche en 1981, il remet toute l’histoire du monde depuis 1945 à table, pour affirmer sans gêne, que les Etats Unis n’ont aucune excuse à demander à personne, que les américains morts dans les multiples guerres en Indochine, en Corée et ailleurs, ont combattu pour la bonne cause, et enfin que ce que l’on a qualifié de sale guerre en parlant du Vietnam, n’est qu’une infâmante propagande des ennemis de l’humanité.

Ce discours est non seulement dangereux, mais profondément choquant pour ceux qui ont une perception du monde comme une sphère d’uniformisation des principes moraux et religieux. C’est en fait la philosophie d’existence de chaque peuple qui fonde ses actions et déterminent la couleur de son jugement. Les peuples dominants en imposant leurs volontés au reste de l’humanité, ont tracé le cadre normatif des institutions internationales et partant, des cahiers de charge des tribunaux de l’histoire.


Comment casser les repères subjectifs d’hier ?


Au sortir de la guerre de 1939-1945, les puissances victorieuses s’étaient empressées de juger et de mettre à mort les dirigeants de l’Allemagne nazi. Pourtant, les mêmes puissances ne s’étaient pas du tout embarrassées de récupérer pour leurs laboratoires, quelques uns des plus grands génies et scientifiques d’Hitler. L’on ne saura jamais complètement combien ils étaient, et comment ils ont été utilisés dans les industries américaines, anglaises, françaises et même soviétiques.


La réalité c’est que le procès de Nuremberg apparaît aujourd’hui, comme un piteux règlement des comptes. Nous n’avons d’ailleurs pas hésité de qualifier ce Tribunal de Tribunal des vainqueurs fâchés.


Si tant est que nous pouvons et devons être contredits par des personnes qui allèguent que Nuremberg fonda les bases d’une moralisation de la guerre et énonça les premiers principes purs d’un droit international humanitaire ou d’une droit international propre et respectueux, avec quels arguments nous convaincra-t-on que les mêmes moralisateurs si soucieux de l’avenir de l’humanité, ont pu mener les massacres d’Algérie, déversé des millions de tonnes de bombes au Vietnam, rasé des centaines de villages au Cameroun, commis des centaines d’assassinats, soutenu les régimes d’apartheid en Afrique Australe pendant des décennies, installé des régimes sanguinaires et dictatoriaux dans de nombreux pays ?


Les différents rapports des dirigeants de la CIA devant le Congrès des Etats Unis, ont permit d’établir sans aucune contestation, que les différents gouvernements du pays, se sont livrés à des actions qui rentrent bien dans la classification des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Parce que les systèmes démocratiques de ces pays permettent de découvrir de telles horreurs, le monde devrait s’interroger sur la conduite à tenir pour ne pas laisser impuni, tous ceux qui donnèrent les ordres.


L’évocation de la nécessité de procéder à un inventaire puis au jugement des criminels de guerre, crée à n’en pas douter une psychose qui met à mal la conduite des Etats à l’intérieur comme à l’extérieur, mais c’est devenu une obligation incontournable pour l’assainissement des meurs de notre humanité. Il faudrait envisager avec urgence, des stratégies nouvelles pour aborder ces questions, de façon à reconnaître à chaque peuple, le droit de procéder à un intime sondage de son passé.


En prenant la liberté de créer sa propre commission d’enquête nationale pour rechercher la responsabilité de la France dans le génocide de 1994, le Rwanda, petit pays certes mais dotée d’une grande vision, a jeté les bases d’une nouvelle articulation des rapports des forces dans les relations internationales. Ce qui a si longtemps manqué aux peuples opprimés ou marginalisés, c’est cette capacité à se projeter dans l’arène mondiale pour exprimer de façon indépendante, des positions uniques, originales et souveraines sur les questions les plus délicates. L’on était habitué jusque là, à subir les enquêtes subjectives, vexatoires et toujours biaisées des maîtres à penser de l’Occident. Le Rwanda administre la preuve, même si c’est de façon trop partisane, d’une possibilité de suffisance théorique et doctrinale.


La question qui devrait animer les débats dorénavant, doit être porteuse de promesse de contestation active et d’attaque contre les forteresses intellectuelles et diplomatiques des criminels d’hier qui semblent oublier ou cacher leurs fautes. Sans une démarche audacieuse pour l’inventaire des crimes et l’exigence de la traduction de leurs auteurs devant les tribunaux nationaux ou internationaux, les peuples opprimés demeureront assujettis à des littératures d’absolution.


Tribunaux nationaux contre tribunaux internationaux


L’étalage argumentaire de nos premières interpellations, prouvent à suffire, que la construction des relations internationales depuis 1945, s’est faite dans un presque mouchoir de poche machiavélique et pour la consécration des normes juridiques entièrement ou partiellement biaisées. Les puissances dominantes avaient certes imaginé par exemple le Tribunal de Nuremberg ou encore la Cour permanente d’Arbitrage et la Cour internationale de justice, mais il est essentiel de rappeler que toutes ces instances n’ont reçu que des compétences relatives. Il demeure non seulement écrit, mais défendu ardument en doctrine, que les Etats restent libres de reconnaître ou de ne pas reconnaître la compétence de ces Tribunaux.


En fait, derrière les expressions de moralisation du monde, se cache en permanence, le défi des puissants et des nantis qui ne reconnaissent de règle que pour autant que leurs intérêts vitaux ne sont pas menacés. La Cour internationale de Justice n’est donc ni le prétoire universel attendu, ni le moule judiciaire universel espéré. Les Etats Unis ont si bien démontré et réaffirmé cette réalité élémentaire, qu’ils ont simplement dénié à la Cour pénale internationale, toute validité dès lors qu’un citoyen américain pouvait être mis en cause.


Il faut maintenant tirer les conséquences de ce qui ressemble à une tromperie permanente, voire un abus de confiance aggravé organisé par des pays qui clament leur très grande avance morale et la supériorité de leur civilisation. Les pays de la périphérie doivent faire preuve d’audace et pousser la logique d’une indépendance d’esprit jusqu’au bout. Cela suppose que le concept de la compétence universelle fasse l’objet d’une large appropriation par ces pays et une intégration conséquente dans leur système judiciaire. Si la Belgique ou la France peut arrêter un dirigeant d’Afrique  et le traduire devant les tribunaux français au nom de la compétence universelle, pourquoi le Sénégal ne feraient-ils pas autant pour un dirigeant français ?


Les auteurs des plus grands crimes commis dans les pays de la périphérie sont encore vivants et ils méritent d’être poursuivis devant des tribunaux spéciaux ou ordinaires constitués dans ces pays. La Cour pénale internationale ne lancera jamais des enquêtes et des poursuites contre les assassins de Ruben Um Nyobè et des génocides au Cameroun. C’est au peuple camerounais, agissant dans le cadre d’institutions politiques nationales, indépendantes, et souveraines, qu’il reviendra tôt ou tard de conduire cette action.

L’évolution du monde épouse dorénavant une somme de complexités qui rendent plutôt possibles, la rupture avec des dogmes de faiblesse et de subordination. Si hier les Etats Unis pouvaient encore aller arrêter un Chef d’Etat au Panama et le traduire devant leurs tribunaux, ils ne peuvent plus le faire avec une égale facilité aujourd’hui, sans redouter des implications insurmontables. Certes, il a été possible d’envahir l’Irak et de renverser son président sous de fallacieux prétextes plus tard dévoyés, mais la jurisprudence qui est construite à travers ce hold up moderne, est de nature comme nous en la preuve chaque jour depuis cinq ans, de donner plus d’arguments aux ennemis de Washington.


L’autre aspect de la question réside dans la nature des régimes locaux qui ne sont pas assez forts ou nationalistes pour créer des dynamiques internes d’attaque envers les grands pays regorgeant d’auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. L’on n’imagine pas le régime de Paul Biya au Cameroun engageant des poursuites contre les auteurs de l’assassinat de Ruben Um Nyobè, ni même le régime du sanguinaire Comaporé  mettant en place une commission d’enquête pour élucider l’assassinat de Thomas Sankara.  En l’absence de cadres institutionnels et politiques viables ou appropriés, les peuples représentés par leurs sociétés civiles, devraient constituer les tribunaux pour traquer et juger les criminels des pays Occidentaux. L’avenir des peuples africains passe absolument par ce sursaut de révolte et de contestation qui permettrait de combler momentanément l’inaction ou l’incapacité des régimes corrompus du continent.


Notre propos tends à soutenir que les burkinabés devraient constituer un tribunal pour juger les auteurs de l’assassinat de Thomas Sankara. Ce tribunal ne devrait pas forcément statuer publiquement ou absolument sur le territoire national. Les camerounais devraient faire autant pour tous leurs martyrs.


De la relativité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité


Même si le témoignage d’un ancien chef de guerre devant la commission vérité et réconciliation du Libéria a pu établir que Sankara fut assassiné par un gang de mercenaires internationaux commandités de loin avec la participation active de Compaoré, cela ne veut rien dire pour l’Occident et cela ne peut pas émouvoir la Cour pénale internationale. Même si une commission d’enquête tchadienne a pu établir l’implication de monsieur Idriss Déby dans l’assassinat du chef de la coordination des partis d’opposition, cela ne vaut rien aux yeux des Etats Unis, de la France et de la Grande Bretagne. Et lorsque le premier Ministre italien présente ses excuses au peuple libyen et accepte de verser des compensations pour des décennies d’occupation, tout cela ne change pas du tout les humeurs des dirigeants de la France.


Nous sommes en présence de la dure réalité du subjectivisme qui caractérise la démarche des Etats dans les relations internationales, et particulièrement les pays occidentaux. C’est à un petit groupe de pays et à eux seuls, qu’il revient de décider ce qui est crime contre l’humanité et ce qui est crime de guerre. Parce qu’ils contrôlent les médias, parce qu’ils tiennent la fiance internationale, parce qu’ils ont la main mise sur les trois quarts des richesses du monde et dictent la conduite à tenir à de nombreux gouvernements impopulaires, les Pays Occidentaux tiennent les martyrs des autres peuples pour des chiens errants qui ne méritent aucune récitation de mémoire. La Cour pénale internationale est leur outil par excellence pour l’instrumentalisation des emmerdements contre les tenants des idéologies et des doctrines contraires à leurs aspirations mercantiles. Cette espèce bizarre de tribunal sectaire est devenue le compas qui permet de dessiner toutes les figures d’intrigues, d’inquisition, et de forfaiture diplomatique.


En Géorgie, celui qui a déclenché la guerre sera absout, pendant que ceux qui n’ont fait que réagir seront mis en cause. Il suffit d’un coup de canon, et voilà l’autre machin à la solde de Washington que l’on appelle Union européenne qui tient réunion et se fend en déclaration pour décider de la création d’une commission d’enquête internationale. En Afghanistan, le corps expéditionnaire de l’OTAN peut déverser des bombes sur de paisibles citoyens célébrant un mariage, mais aucune voix ne se lèvera pour demander une enquête internationale. Au Liban, il suffit de la mort certes regrettable par attentat du premier Ministre Rafik Hariri, et voilà le Conseil de sécurité vite convoqué pour mettre sur pied une commission d’enquête internationale. Mais, le vice président du Soudan peut décéder dans un accident d’hélicoptère plutôt bizarre, et il n’y aura jamais de commission d’enquête internationale.


Nous pouvons aller plus loin dans la démonstration pour observer que des personnes considérées comme criminels nazis ou traîtres de la guerre de 1939-1945 continuent d’être recherchées, traquées, jugées et sévèrement condamnées en Occident, quand en Afrique, il n’est même pas question de porter un regard sur les crimes contemporains. Cette manière d’envisager l’ordre du moral du monde en plusieurs poids et plusieurs mesures, traduit la plus inacceptable des escroqueries anthropologiques et déontologiques. Nous vivons dans une mécanique juridique et intellectuelle qui produit une idéologie de profonde discrimination entre les cultures. En fait, les maîtres du monde ont installé mais à leur défaveur, une base de contestation qui prépare la guerre et annonce l’apocalypse.


Lorsque les pays Africains sont invités à se soumettre à la Cour pénale internationale, ils sont loin de douter que l’Occident à simplement à cœur de cristalliser leur soumission éternelle à des lois et des règlements qui sont de purs prolongements des normes antiques d’avilissement. Nous avons régulièrement soutenu et défendu la thèse selon laquelle l’Union Africaine n’est qu’un piètre syndicat de potentats et d’affairistes disqualifiés pour parler au nom des peuples du continent. Pourtant, sur la réaction de cette institution après l’annonce par le procureur de la Cour pénale internationale de la mise en cause du président soudanais El Béchir, nous n’avons pas hésité à saluer l’argumentaire qui a consisté pour elle, à émettre le doute sur l’impartialité de la Cour. Il y a en effet lieu de demander à ce fameux Procureur pourquoi n’avait-elle pas enquêté sur les morts qui ont marqué l’accession de Eyadema fils au pouvoir au Togo, ou sur les quelques dizaines de morts officiels des émeutes de la vie cher au Cameroun.


Même les esprits les plus tordus sont bien renseignés sur la relativité avec laquelle un certain Bernard Kouchner, ministre des affaires Etrangères de la France, traite des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre. En réalité il en va chez ces idéologues de l’esclavagisme moderne à propos des crimes, comme à propos de la démocratie et des démocrates. Les Um Nyobè, Biko, Cabral, Lumumba et autres, n’ont jamais été et ne pouvaient pas être des démocrates, le qualificatif est réservé dans leur vision aux Bongo, Déby, Musseveni et quelques amis inconditionnels.


Si Mandela peut être célébré en Occident au point de se voir consacré au plus haut des panthéons de son vivant, c’est qu’il représente très bien ce que l’Occident n’a pas pu obtenir des autres traités de terroristes, de communistes, d’agités, d’empêcheurs de tourner en rond et de chiens errants. Mandela a pu accepter le compromis qui lui fut imposé de voir la majorité noire accéder au pouvoir à condition que les traîtres qui avaient collaboré avec le régime raciste ne soient pas punis, que le dossier de la coopération nucléaire avec l’Occident soit gardé secret, que les mécanismes qui permettaient de violer l’embargo de l’ONU ne soit pas révélé, et enfin que l’Afrique du Sud sous la conduite de la majorité noire, s’abstienne d’encourager ou de soutenir les mouvements révolutionnaires sur le continent. Voilà une réalité bien trop cruelle que beaucoup d’africains ne connaissent pas, et qui ne souffre pourtant d’aucun doute pour ceux qui maîtrisent les négociations sécrètes de ce marché.


Une autre vérité troublante est de dire que à bien observer, la Cour pénale internationale peut être considérée comme un instrument de police planétaire contre les sauvages et les indésirables. C’est le principe même de la juridiction mondiale qui est ainsi profondément et raisonnablement remis en cause. Tous les tribunaux spéciaux qui ont été constitué l’ont été d’abord parce que l’Occident n’était pas et ne pouvait pas être mise en cause. Il en est ainsi du tribunal spécial pour le Rwanda, de celui pour l’ex Yougoslavie, de celui pour la Cambodge et plus récemment de celui pour le Liban.


A chacun son martyr


Au-delà de toutes les considérations que l’on pourrait dégager en conclusion des analyses sur le sujet, il convient de reconnaître que vouloir contraindre l’Occident à accorder des égards quelconques à nos héros procède du manque de réalisme. Dès lors que nous avons établi avec force, arguments et exemples, que la Cour pénale internationale est une simple fabrication des puissances dominatrices qui d’ailleurs ne lui attribuent que des pouvoirs relatifs, nous devons plus en attendre une démarche faite de loyalisme et d’équité.


Les rues, les avenues, les places et toutes sortes d’institutions à Paris, Londres, Bonn, Rome ou Washington, portent les noms de citoyens vénérés pour telle ou telle raison et dont la mémoire demeure vive dans la vie quotidienne des citoyens. Ce sont des siècles d’histoire qui sont racontées à chaque coin de la rue, ou représentés par des monuments. Ce n’est pas et c’est encore très loin d’être le cas de l’Afrique où l’instant présent se vit comme une fin complète et certaine du monde.


Le devoir de mémoire pour nos martyrs à devrait commencer par notre volonté à multiplier les opportunités de réminiscence au quotidien. Tant que l’enfant de quatre ans ne peut pas demander à ses parents ce que représente un monument ou une effigie mis en exergue publiquement et permanemment, il faut conclure que nous sommes des peuples sans mémoire et ne faisons rien pour sortir de cette honte. La nature des régimes corrompus qui écument le continent ne suffit plus ou pas. Rien n’empêche les Africains à l’échelle individuelle de graver quelques symboles forts dans leur environnement privé. Même une petite table à domicile serait dédiée à Ruben Um Nyobè, à Félix Roland Mounié ou à Ernest Ouandjié que ce serait déjà une marque élevée de conservation historique. Pour un pays comme le Cameroun, disposer dans son passé des martyrs à l’instar de Rodolphe Douala Manga Bell ou de Martin Paul Samba, est une source intarissable pour l’orientation des enfants et l’enracinement du patriotisme des citoyens. On aura beau essayer de bannir le nom de Sankara au Burkina faso, celui-ci s’imposera dans les livres d’histoire, et il appartiendra aux citoyens de ce pays de tous les niveaux, de toutes les confessions et de toutes les idéologies, d’en faire le socle d’une émancipation et d’une fierté politiques.


L’une des principales faiblesses des pays de la périphérie réside justement dans l’absence de dispositions pratiques pour la promotion de leurs causes dans un contexte non conflictuel et non contentieux. L’intelligence médiatique mondiale demeure largement et insolemment confisquée par une foule d’organisations non gouvernementales originaires des pays riches. Amnesty international, Transparency international, la ligue internationale des droits de l’Homme, Journalistes sans frontières, Human rights watch  etc… sont en réalité des courroies de transmission de l’influence de leurs pays de création. Ces organisations sont devenues des institutions de nuisance dans certains cas, et se permettent, avec la bonne grâce de leurs tuteurs et financiers occidentaux, de dicter l’ordre du jour de l’actualité internationale et de la morale humanitaire.


Ce sont elles qui déterminent la gravité de telle ou telle crime. Ce sont elles qui les premières, invoquent ou non le crime contre l’humanité ou le crime de guerre. Ce sont elles qui annoncent les chiffres des morts. Ce sont elles qui souvent en toute ignorance, valident ou invalident une information. Ce sont elles qui disent au monde, qui est martyr dans quel pays, pourquoi et pour quelle cause. Ces organisations incarnent un autre impérialisme aussi dangereux que celui officiel des puissances étatiques arrogantes.


Il y a un urgent besoin de briser le monopole des organisations de défense des droits de l’Homme crées en Occident, et le seul moyen est la multiplication des initiatives dans les pays africains, asiatiques et latino américains. Malheureusement, nous sommes encore loin du jour où les intelligences actives et réellement progressistes d’Afrique par exemple, se réveilleront et comprendront enfin qu’elles doivent conquérir leur place sur la scène internationale et auprès de l’opinion mondiale. Il s’agit de réfuter la prétention des impérialismes culturels et diplomatiques qui confondent volontairement la volonté d’un petit groupe minoritaire de pays, avec la volonté du monde. Le discours qui se cristallise sur « la prétendue communauté internationale » limitée dans les faits aux Etats Unis et ses dépendances européennes, est le fond du problème, la cible, la cause de toutes les déviances colonialistes et impérialistes. Les organisations internationales citées tantôt, se situent dans cette logique de promotion d’un monde globalisé concentré sur de simples in jonctions occidentales. C’est ce que l’on dénommait le siècle dernier « européocentrisme ».


C’est finalement une nouvelle vision du monde qu’il faut entièrement construire en déplaçant le centre culturel de domination impérialiste, et en redéfinissant les priorités. Les martyrs à l’instar de Ruben Um Nyobè, Sankara ou Lumumba, Ernesto Guevara, combattaient pour un monde où selon leur compréhension, la dignité de l’être humain aurait la même signification, la même dimension et la même valeur partout. La pléthore d’intellectuels qui existe au milieu des peuples hier oppressés et humiliés, et aujourd’hui exploités et dominés dans tous les sens, doit assumer cette responsabilité de reconversion  du monde, et de réparation des torts. C’est la condition incontournable pour la reconnaissance et la célébration légitime voire permanente de la mémoire des martyrs. Il faut donc commencer par créer nos panthéons et nos mausolées.


En tout état de cause, il est intéressant de retenir que la défense et la célébration de la mémoire des martyrs, cristallise toute la problématique de la nature et du contenu des rapports de coopération entre les Etats dans les relations internationales. Cette problématique induit des propositions d’initiative tantôt au niveau des Etats, tantôt au niveau des peuples, et tantôt au niveau de la société civile./.

 

SHANDA  TONME   11 Septembre 2008

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