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Henriette Ekwe de son nom de guerre "Nyangon". L´âme de l´UPC

 
Elle fait partie depuis plusieurs années déja des figures médiatiques connues des camerounais. La directrice de publication de l`hebdomadaire Bebela a été et reste une militante politique engagée.


Vous avez effectué vos études secondaires au lycée Leclerc à Yaoundé puis au lycée Joss à Douala. Comment était l’ambiance à l’école et quel genre d’élève étiez vous ?

J’ai fait l’internat au lycée Leclerc où il y avait des élèves qui venaient de partout. Cela a été une grande expérience de mixité. On apprenait des choses les uns des autres. On trouvait des élèves qui venaient de l’Ouest, de Yokadouma, du pays Bamoun, de Bafia. Au début c’était difficile, car la nourriture n’était pas bonne. Je me disais que mes parents m’ont sacrifiée mais mon père tenait à ce que j’aille au lycée Leclerc, car c’était le prestige. J’ai eu le concours d’entrée en sixième, j’étais boursière, alors j’y suis allé.


Qui y retrouvez-vous comme camarade de classe ?

Par exemple, Jean Claude Ottou est mon camarade de promotion. Yimgaing Moyo, l’architecte. Quant à Fopoussi Evariste, lui a été mon camarade au Lycée Joss.

Quel métier souhaitiez-vous exercer jeune ?

Mon père voyait en moi une très bonne enseignante, surtout que je m’occupais de mes cadets quand ils avaient des problèmes en français car je n’étais pas très douée en Calcul et mathématiques. Mon père insistait pour que l’on lise beaucoup. Il achetait des journaux, des livres. Aujourd’hui encore, beaucoup d’éléments de la page mémoire vive du journal Bebela, je les retrouve dans les archives familiales.

Souhaitiez- vous vous orienter vers une carrière d’enseignante ?

Oui, mon père me voyait professeur de philosophie, mais moi ça me paraissait rébarbatif alors j’ai fait anglais.

Vous obtenez votre Bac en 1969 et vous vous rendez en France. Avez-vous bénéficié d’une bourse de l’Etat camerounais ?

Au début non, parce que je faisais anglais. Mais, c’est après ma licence que j’ai eu droit à une bourse.

Est-ce votre père qui a financé vos études ?
Oui.

Avait-il beaucoup d’argent ?

Il était directeur de Douanes, il était parvenu au sommet de sa carrière. En fait, il n’était pas aussi riche que ça, car à l’époque le contrôle de l’Etat était assez sévère. Certains collègues de mon père se sont retrouvés en prison à cause des sommes comme 100.000f ce qui fait que l’on a connu beaucoup de drames familiaux du genre.

Lorsque que vous arrivez en France dans quelle ville résidez-vous ?

Je vais dans la ville de Tours car mon frère aîné y était étudiant. Je vais y effectuer des études en langue anglaise.

Mais pourquoi allez-vous étudier l’anglais en France et pas en Angleterre ?

A Tours, il existait une branche de l’université de Stanford et j’ai pu séjourner en Angleterre, car les études d’anglais étaient complétées par un séjour en Angleterre. Où j’ai eu un poste d’assistant. Donc, j’enseignais le Français pendant que j’apprenais l’Anglais.

Si vous nous parliez de vos contacts avec les mouvements estudiantins notamment l’union nationale des étudiants kamerunais, proche de l’Upc…

C’est une association dans laquelle je milite, j’étais la présidente de nos activités. C’était d’abord la solidarité entre les étudiants, des cercles d’études parfois marxistes parce qu’on était très marqué à gauche. C’était aussi l’époque de la guerre froide, certaines colonies à l’instar des colonies portugaises n’étaient pas encore libérées. Donc, on était imprégné de ces choses là qui forgent l’esprit et cela donne une culture particulière.

Quand vous quittiez le Cameroun que pensiez-vous du régime Ahidjo ?

D’abord je suis une privilégiée. Quand je quitte le Cameroun, l’essentiel des choses comme l’éducation, la santé sont dans une solidarité nationale mais je constate aussi qu’il y a beaucoup de disparités. Nous, on a grandi à Bonanjo mais dans d’autres quartiers il règne la misère. Donc, je trouvais qu’il y avait de l’injustice. Lorsque mon père est parti en stage en France avec mes frères nous sommes allés vivre à New Bell en 1959, où la répression a été extrêmement sanglante. Nous avons assisté à l’incendie du quartier Congo, ce qui a été mon premier grand traumatisme.

Pensiez-vous que ce régime était dur ?

Il était dur, mais je ne m’en rendais pas compte dans ma vie quotidienne. Je m’en suis rendu compte à New Bell. Ce que j’ai vu à l’époque de la répression des upécistes était assez violent.

En France vous militez dans diverses associations et plus tard au Manidem, pour quelles raisons ?

Parce que c’était un peu le prolongement naturel de ce que nous pensions. Il fallait plus de démocratie, de liberté, de solidarité, car notre pays était assez riche pour assurer ces éléments là et nous étions contre le néocolonialisme. Jusqu’à présent je le suis toujours, mais je pense qu’il y a une amitié franche entre la France et le Cameroun, mais le régime néocolonial nous a coûté cher, surtout en termes de développement.

Ce manifeste africain pour la nouvelle indépendance et l’instauration de la démocratie : le Manidem, qui est différent de celui incarné par Anicet Ekane aujourd’hui, qu’est ce que c’était exactement ?

C’était une sorte de front pour tous ceux qui voulaient une instauration de la démocratie au Cameroun. Et la personne qui avait rédigé ce manifeste n’était entre autre que Mongo Beti.

Donc, tout parti pouvait y adhérer ?

Oui, mais beaucoup ne l’ont pas fait car le manifeste était bien tenu par l’Upc et c’était la porte naturelle pour adhérer à l’Upc clandestine.

Mais vous avez adhéré à l’Upc un an plus tard, en 1975. Qui vous a parrainé ?

J’avais beaucoup d’amis à l’Upc. J’étais en province. C’est quand je termine ma maîtrise que je vais à Paris pour travailler. Je rencontre alors mes amis et quelques aînés comme Nsamè Mbongo et Moukoko Priso qui sont dans la région parisienne. L’Upc clandestine, pour y entrer, il fallait suivre une longue formation politique. Vous étiez testés, il fallait voir si vous êtes ponctuel, car c’est une règle de clandestinité élémentaire. Il fallait connaître l’histoire de notre pays, l’histoire des idées politiques à travers le monde, l’histoire africaine. Donc, quand on arrivait à l’Upc, on avait déjà une grande formation. En plus, tout ce que l’on a eu comme formation était tellement vaste que beaucoup d’upécistes sont devenus de très hauts cadres.

Qui est Nyangon ?

C’est moi !

Pourquoi vous appelait t-on ainsi ?

Quand on est en clandestinité, on se doit d’avoir un pseudonyme, car il ne faut pas que l’on vous repère. Par exemple, en 1985, certains de nos camarades ont été arrêtés et torturés à l’électricité. Ce qui est amusant est qu’on voulait arrêter un haut cadre qui était dans un ministère, on cherchait un certain Assiko. Or personne ne le connaissait sous ce nom là. Moi même j’ai été dénoncé mais ne connaissant pas mon véritable nom, personne ne pouvait remonter jusqu’à moi.

En quoi consistaient vos activités clandestines dans les années 70 en France ?

A avoir des réunions, à se former, à recruter des gens et à convaincre. Nous écrivions un journal qui s’appelait « La Voix du Cameroun ». On voulait être présent dans les activités des Camerounais, essayer de disséminer les idées selon lesquelles il doit y avoir une démocratie au Cameroun et créer le multipartisme.

Vous a-t-on persécuté en France ?

Oui, la police était présente. Des membres des services secrets camerounais rodaient autour de la cité universitaire et nous repéraient, ce qui faisait qu’on pouvait avoir des difficultés à venir en vacances au Cameroun, car on était fiché.

Avez-vous été agressé physiquement ?

Non, mais certains camarades l’ont été. Ils étaient agressés par des militants de l’UNC en France.

Qui, à l’époque, était militant de L’Unc ?

Les plus connus étaient des gens tels Hervé Nkom…

Hervé Nkom menaçait-il les gens ?

Non, mais il donnait les noms, car il était assez proche du pouvoir.

Est-ce vrai que vous avez enseigné le Français en Angleterre ?

En fait, dans les programmes de la formation en anglais il y a de l’assistanat c´est-à-dire dans votre programme vous pouvez décider d’aller enseigner pendant un an et être plongé dans la langue ce qui vous permettait au final de parler couramment.

Où résidiez-vous en Angleterre ?

A Londres. Souvent j’ai été à la « Anc house ». C’est la permanence de l’Anc où j’ai rencontré beaucoup de militants comme Thabo Mbeki.

[b Est-ce votre ami ?

C’est mon compagnon de lutte. Nous avons gardé de bons contacts jusqu’en 1980

A quel moment avez-vous rencontré les ivoiriens Dacoury Tabley et Laurent Gbagbo?

Quand j’arrive à Paris, je m’inscris en Fac d’histoire en 1975, j’en avais marre de l’anglais, ce n’était pas si passionnant que cela. Donc je m’aligne pour m’inscrire, je cause avec une dame et quelqu’un remarque mon accent camerounais. C’était un Ivoirien qui avait travaillé dans son pays comme commissaire de police. On sympathise, puis je lui vends la littérature de l’Upc. A un moment, il me fait rencontrer un ami à lui. C’était Laurent Gbagbo avec lequel il préparait quelque chose. Laurent était en exil. On va donc garder de très bons rapports. Moi, en tant que militante upéciste, je leur vends notre littérature et eux seront fascinés par notre combat. On reste en rapport puis on se perd de vue jusqu’au jour où on se revoit ici au Cameroun pour un congrès.

Plus tard, vous êtes inscrite à la Sorbonne, mais vous n’y mettez pas long pourquoi ?

Ils étaient farouchement anti-communistes et moi j’étais profondément communiste. L’institut de hautes études internationales était une école très prestigieuse. On recevait régulièrement des personnalités comme le secrétaire général de l’Otan, le directeur de l’Unesco. On y apprenait l’économie internationale, le droit international, l’histoire des relations internationales, mais c’était une école où il n’y avait qu’un bloc : le bloc occidental, celui auquel nous appartenions durant la guerre froide. Par conséquent, il y avait des prises de positions assez sévères contre ceux qui se disaient socialistes en Afrique. Nyerere de Tanzanie entre autres était toujours vilipendé, des mouvements se mettaient en place à chaque fois. On disait que les communistes sont en train d’infiltrer l’Afrique alors que nous étions dans un combat démocratique.

Est-ce votre parti qui vous pousse à abandonner vos études ?

Non, j’en avais assez de ce discours monolithique. Par contre, je me sentais bien en fac d’histoire, puisqu’on étudiait le moyen âge en Afrique, les migrations et les grands royaumes bantous. J’ai eu mon année, puis un jour j’ai décidé d’arrêter. J’en avais assez.

Lorsque le président Ahidjo démissionne en 1982, comment vous sentiez vous ?

Je suis très contente. Ça été la surprise parce qu’un de mes frères m’a annoncé la nouvelle. Alors, j’ai appelé mes camarades et les dirigeants; je la leur ai annoncée. La direction du parti a décidé de contacter Paul Biya afin de lui tendre la main. Les dirigeants du parti, Kuisseu, Moukoko Priso et Woungly Massaga lui ont envoyé un message dans lequel ils espéraient que le Cameroun irait vers une autre voie : de la démocratie et moins de répression.

A l’époque, connaissiez-vous bien le président Biya ?

Pas du tout, on ne le connaît pas. C’est la personne qu’on attend le moins parce qu’il n’était pas le plus actif sur la scène politique. Il y avait, par exemple, Victor Ayissi Mvodo qui était vraiment le dauphin. Lorsqu’on apprend que c’est Paul Biya, on est surpris puisqu’on suivait la politique du pays étant abonnés à Cameroun Tribune et à d’autres journaux. On connaissait les modifications qui avaient eu lieu, on savait aussi que c’était le Dauphin constitutionnel. Mais la personne, on ne la connaît pas très bien et le premier geste de l’Upc était de lui tendre la main et donc de lui adresser un courrier.

Vous a-t-il répondu ?

Il est au pouvoir depuis novembre 1982, il arrive en France en février, une question lui est posée et il dit alors que tout le monde peut rentrer au pays personne n’a plus besoin d’aller en exil pour exprimer son opinion et nous décidons que certains cadres du parti et des dirigeants doivent rentrer. Et donc je fais partie du peloton.

Donc c’est le parti qui décide qui revient au pays, peu importe ce que vous faisiez en France ?

Oui, quand vous menez une lutte, ce n’est pas pour rester en exil, mais pour rentrer chez vous.

Est-il vrai que lorsque vous arrivez, vous avez des propositions de travail à la Cnps et votre parti s’est opposé à votre embauche ?

Oui, mais on était un parti organisé, ce n’était pas de la dictature. Il y avait des choix à faire, des choix certes difficiles dans cette lutte, mais il fallait payer le prix. Il y a aussi eu des camarades sortis de grandes écoles en France, en Angleterre et en Allemagne, qui décidant de travailler dans certaines entreprises ont été orientés ailleurs.

Quelles pouvaient être les représailles, si vous ne vous soumettiez pas ?

Quand vous êtes engagés dans une lutte et que vous avez des convictions vous y tenez. L’Upc a beaucoup recruté parmi les étudiants et on avait comme principe d’être parmi les meilleurs. On était arrivé au stade où on pouvait avoir 80 cadres, tous des ingénieurs, des enseignants du supérieur, des médecins etc. Le parti pouvait trouver qu’il n’a pas d’allié dans l’administration centrale, voilà comment on pouvait décider d’y envoyer des gens.

Lorsque vous décidez de tout plaquer sur le plan professionnel, de quoi viviez-vous ?

J’ai très mal vécu, parce que lorsqu’on ne vous accorde pas le droit de travailler dans un secteur, on décide que vous allez faire une affaire et chez moi l’affaire a mal tourné.

Qu’a dit votre père l’époque ?

Il l’a très mal pris, ça été dur pour lui. Il était prévu que le parti m’envoie de l’argent de temps en temps, mais après il n’y a pas eu d’argent à m’envoyer.

[b Que s’est-il passé ?
Je crois que l’argent a été détourné.

En quoi consistait votre travail au Cameroun ?

Je faisais beaucoup de choses. En tant que permanente il m’était arrivée de voyager de nuit pour rencontrer des upécistes dans d’autres localités. Par ailleurs, j’étais rédactrice en chef du journal clandestin « Cameroun Nouveau » et je tenais aussi une imprimerie clandestine.

En 1985, vos camarades de l’Upc sont arrêtés, comment réussissez-vous à vous échapper ?

Un de nos camarades rentre du Congo, Zé Zé Samuel. Un jour, on lui confie des exemplaires de « Cameroun Nouveau ». Il se rend à Yaoundé, s’asseoit à la gare routière et se met à le lire en mangeant. On reconnaît le symbole du crabe et on le suit. Il se fait arrêter à Sangmélima. Nous apprenons cela, on fait donc une opération nocturne. On se déploie à 2h du matin, on distribue des tracts dans cette ville. Des agents de la police vont arrêter dans un village le vieux Owona Minbo’o qui était en contact avec nous, on le torture et il nous dénonce. Comme la clandestinité nous a appris des techniques diverses pour communiquer, un de nos camarades qui travaillait à l’ESSTIC me fait parvenir une note qui me dit de partir quelque temps. Alors, je pars pendant environ un an et je vais séjourner un peu partout. Je finis à l’Ouest où je reste entre les Bamboutos et la Menoua chez des anciens upécistes et des plus jeunes.

Mais quand vous rentrez, vous avez changé car vous êtes enceinte.

Je ne suis pas enceinte quand je pars au mois d’août 1985. Comme préalable à une visite d’Etat du président Biya en Allemagne, les officiels de ce pays demandent qu’on libère les prisonniers politiques, car il y avait là-bas une forte communauté upéciste. Je me souviens aussi que la section d’ « Amnesty international » située en Allemagne voulait me récupérer, mais moi je ne voulais pas quitter le pays, car je pensais à mon père. Je retrouve mes camarades et on décide de passer une année sans activités. Alors Abanda qui est un personnage taquin me dit : « Henriette il faudrait que tu penses à faire un enfant, à 37 ans il est temps ». Voilà !

Est-ce encore le parti qui vous ordonne de faire un enfant ?

Non, on n’avait plus d’activités, alors moi aussi je me suis ouverte.

Etait ce avec un upéciste ?

Non, malheureusement.

Le père de votre fille savait il que vous étiez une militante ?

Oui, il le savait et cela a été l’une des raisons de son départ.

Avez-vous reçu une aide de la part de vos dirigeants ?

Oui, c’est le parti qui prépare le trousseau et qui paie l’accouchement.

Non, je parlais de l’aide lors de cette arrestation.

Le parti a même fait une chose extraordinaire, on a acheté une page dans le journal « Le Monde »pour annoncer qu’il y avait des prisonniers politiques au Cameroun. M Senga Kouoh est allé à Accra puis à Conakry rencontrer de vieux upécistes qui vivaient là-bas afin de leur demander de rentrer au pays.

Au début des années 90, vous êtes arrêtés en compagnie de Yondo Black, Anicet Ekanè et beaucoup d’autres. Qui vous a trahi ?

Disons que lorsque l’on attrape Anicet, mon nom figurait dans un calepin qu’il possédait.

Dans quelles circonstances êtes vous arrêtée ?

Le matin de mon arrestation, Abanda vient chez moi à 8h, il m’apprend la capture d’Anicet Ekane et me suggère de fuir puisque mon nom figure dans ses papiers. Je ne pouvais pas partir, car j’avais une fille de deux ans. Mais il me propose de tout planquer, ce que je fais. Vers 10h, des hommes arrivent chez moi prétextant être des amis qui viennent de Yaoundé, ils viennent et fouillent, ne trouvent rien. Sauf au fond d’une armoire, entre deux planches, ils trouvent un bout de papier. C’était l’article d’un camarade pour « Cameroun Nouveau », ils me conduisent à Mboppi au CENER. Le commissaire Batchandji est là, un certain Ndoumou est aussi là. Alors l’interrogatoire commence. Je ne dévoile rien. Au bout d’un moment, un policier s’énerve me jette à terre et saute sur moi, me marche dessus puis me cogne sur les reins. Après on va chercher Anicet il avait du sang partout, quand je le vois je suis traumatisée. On l’interroge et lui aussi ne lâche rien. On m’entraîne dans une cellule disciplinaire insalubre avec des souris et on m’y laisse toute la journée.

Pendant ce temps, où est Yondo black ?

Il est dans sa cellule lui, il a eu un traitement assez respectueux. C’est un grand bourgeois et en plus il est ancien bâtonnier. Mais nous les upécistes on a été sérieusement torturé. Un jour, deux personnes m’ont insultée et m’ont mise toute nue. Pour une femme, on pensait que puisque je n’étais pas là par sentiment mais pour mes convictions politiques, on trouvait cela satanique ce qui était une raison pour qu’on me torture davantage.

Avez-vous été jugée ?

Oui. Un jour Anicet Ekanè a décidé de lancer une grève de la faim et ça leur a fait peur.

L’avez-vous suivi ?

Non, je n’avais pas envie de le faire. En prison, puisque nous n’avions pas le droit de recevoir des visites, on a développé une autre façon de communiquer. On envoyait du courrier à l’extérieur et les policiers n’en savaient rien. Nous avons écrit une lettre un jour que Yondo a signé et quand les autorités ont appris sur RFI que Yondo a écrit une lettre du fond de son cachot, ils ont eu très peur.

Henriette, comment arrive t on à écrire une lettre sans encre ni feuille ?

On en a trouvé surtout grâce à un monsieur qui était venu installer je ne me souviens plus quoi pour le confort de Yondo Black. Et il ne faut pas oublier que la femme d’Anicet, Charlotte Ekanè, était une grande militante de L’Upc. Elle était même dirigeante bien avant son mari et moi.

Comment avez-vous été libérée ?

Toujours par courrier, nos camarades nous conseillent de ne pas parler du parti, de l’Upc. Mais quand Anicet arrive à la barre, il dit qu’il est fier d’être upéciste et alors, il écope de 4 ans et Yondo de 3 ans.

Et vous ?

Moi, je suis relaxée car on n’a rien trouvé qui me lie à l’Upc.

Comment avez-vous trouvé votre fille à votre sortie ?

Elle ne m’a pas reconnu et ne voulait même pas que je la touche, il a fallu du temps pour qu’elle s’adapte.

Pourquoi à votre sortie votre père dit il qu’il est fier de vous ?

Il m’a dit que j’ai mené le combat de ma génération et ça le rendait fier.

Parlez-nous de votre participation à la coordination des partis de l’opposition.

Après la libération de Yondo Black et Anicet le 14 août, ils décident de mettre sur pied une coordination des partis, on rédige donc ici la plateforme de la coordination et on va la remettre à la présidence de la République, mais on n’est pas reçus. Le directeur de la sécurité présidentielle Minlo Medjo est embarrassé. Alors, on s’en va voir les ambassades. L’ambassadeur de France arrête tout pour nous recevoir et celui d’Allemagne aussi et donc on rentre à Douala, on met sur pied la coordination le 24 Octobre 1990. On commence à fonctionner, puis d’autres partis nous rejoignent.

Comment des gens comme Dika Akwa et Fréderic Kodock se retrouvent ils à la tête de l’UPC ?

A notre sortie, le geste d’Ekanè fait en sorte que Dika, avec le soutien du consulat de France à Douala, commence à rassembler de vieux upécistes de partout dans le pays et les réunions commencent.

Dika militait il dans le parti ?

Oui.

Et Kodock ?

C’est Dika qui amène Kodock, on sortait de la clandestinité, Kodock n’était pas présent à toutes les réunions, mais Dika tenait à ce qu’on le garde, car il pensait qu’il fallait avoir dans le parti un Bassa très connu.

Avait t-il milité à l’étranger ?

Il a milité en France mais avait été exclu du parti car on trouvait qu’il ne suivait pas la ligne de l’Upc.

Que pouvez vous dire de Hogbe Nlend ?

Il a milité dans les années 1970, mais après 1980, lorsque moi je suis rentrée au Cameroun, il ne s’est pas manifesté. La première interview que fait Hogbe Nlend en 1992, c’est pour dire qu’il faut reléguer l’Upc dans les musées de l’histoire. A ce moment, il est dans une aile progressiste du Rdpc et en août 1990, il tente de faire une table ronde au Hilton où tout le monde se retrouve. Mais il le fait en tant que membre du Rdpc.

Pensez-vous que Kodock et Hogbe Nlend soient des opportunistes ?

Bien sur. Rien ne forçait Hogbe Nlend à être dans le Rdpc, car lui il était en exil. Par contre, on peut comprendre l’attitude de Kodock qui était un haut fonctionnaire. Il ne pouvait pas échapper au parti unique.

Comment se crée le Manidem d’Anicet Ekanè ?

Il parait plus tard qu’il est impossible d’obtenir une légalité sous le sigle Upc et ceux qui ont continué dans la clandestinité se sentent spoliés de leur combat. Ils ont continué après l’assassinat de Ouandié et donc Anicet préfère aller former le Manidem.

Connaissiez vous Ni John Fru Ndi avant ?

C’est quand je sors de prison qu’il annonce sa marche. Ca commençait à bouillonner. On avait beaucoup entendu parler de Yondo. Alors, lui aussi lance son affaire, mais j’avais jadis entendu parler de lui par Albert Moukong qui était un vrai leader. Fru Ndi en tant que commerçant n’a rien à perdre. Il va donc enclencher le mouvement du Sdf.

Est-ce votre ami ?

Oui, on est devenu amis sur les barricades et puis nous sommes restés très proches.

Avez-vous essayé d’affermir les relations entre FruNdi et Gbagbo qui est aussi votre ami ?

Non, je ne pense pas, parce que l’internationale socialiste les avaient réuni ailleurs. J’ai également vu Laurent lors d’un congrès du Sdf à Yaoundé.

Vous avez été en Cote d’Ivoire avec Fru Ndi…

Oui, nous avons été reçus par Gbagbo lui-même.

Avez-vous des liens avec le Président Bongo ?

J’ai été chez lui, mais je n’ai pas gardé de liens avec lui. On m’a emmenée chez lui en lui disant que j’étais en prison avec Yondo. Et Bongo a cette particularité, il a beaucoup reçu chez lui les chefs de partis de l’Afrique de l’Ouest et mon ami journaliste qui me présente à lui, lui dit que je suis une amie de Gbagbo. Il a soutenu beaucoup de forces politiques à travers l’Afrique francophone, mais au Cameroun il n’en a pas eu l’occasion.

Comment devenez-vous journaliste de La nouvelle expression chez Séverin Tchounkeu ?

Séverin m’avait déjà contacté en 1991. Il voulait une plume féminine et me disait qu’il recherchait une sorte de Françoise Giroud. Etant très engagée dans le parti, je refuse car on voulait relancer « Cameroun Nouveau » qui avait été stoppé à cause de son caractère critique. on avait monté un journal normal qui voulait que l’opposition se réorganise pour aller vers des batailles futures, mais cela a été pris pour une trahison. Donc le journal a été boycotté et on a stoppé les parutions. Peter William Mandio vient et crée Le Front. Je vais travailler comme éditorialiste en Novembre 1996 avec lui, mais il apparaît que je ne suis pas payée, alors je pars. En 1997 Suzanne Kala Lobe étant déjà à La nouvelle expression, je ne voulais pas y aller. Alors, j’appelle Njawè du Messager, mais il était absent pour un mois je me suis enfin tournée vers Séverin qui me voulait toujours.

N’ y a- t-il pas eu de rivalité avec Kala Lobe ?

C’est vrai que sur la scène politique on est un peu perçues comme deux rivales, on sort du même moule, on a été des cadres de l’UPC. Dans nos rapports quotidiens, elle a un sale caractère et je le lui dis toujours, mais elle a beaucoup de qualités et l’une de ses premières qualités c’est la sincérité.

Quand partez-vous de « La Nouvelle Expression » ?

Je pars en 2005, je le fais par solidarité avec mes camarades Gilbert Tchomba et Jean Marc Soboth qui ont été chassés de manière abusive de ce journal parce que membres du syndicat national des journalistes du Cameroun.

Pourquoi revenez-vous au journal « Le Front » ?

Mandio arrive un jour chez moi et me dit qu’il mène un combat pour l’assainissement des finances publiques. Il avait porté plainte à certaines personnalités dont Polycarpe Abah Abah, le directeur du Feicom Ondo Ndong, Kodock, etc. J’accepte sa proposition et je deviens éditorialiste pour Le Front.

Pourquoi créez-vous le journal « Bebela » ?

Bebela ça veut dire une certaine vérité, je ne suis pas Béti ? mais c’est ma première langue car j’y suis née. J’ai choisi ce mot car je le trouvais facile et je trouve qu’il y a beaucoup de journaux dont le nom est français. En tant que nationaliste, je voulais un titre en langue nationale. Et en plus, j’aime l’écriture, je souhaitais exprimer mes convictions.

Qui vous a aidé financièrement ?

Je ne suis pas riche, j’ai eu quelques consultations au sommet Africités à Yaoundé en 2003, puis en 2006 à Nairobi, mais ce sont des hommes de bonne volonté qui pensaient que j’ai mon mot à dire dans la vie du pays. La ligne éditoriale de Bebela est de dire quand il se passe de bonnes choses et de dire quand il se passe de moins bonnes.

Comment avez-vous appréhendé les émeutes de février 2008 ?

J’ai été surprise de voir les mêmes réflexes naturels de 1991. Cela veut dire que la société ne va pas bien, ces drames peuvent recommencer et la moindre étincelle peut entraîner des choses graves.

Henriette Ekwè, quel est votre dernier message pour les Camerounais ?

Je veux dire que lorsqu’on a des convictions, il faut se battre pour ses convictions. J’aime beaucoup le Cameroun, même lorsque je voyage, le pays me manque. Je pense aussi que les femmes camerounaises doivent continuer à se battre, car il y a encore dans la Nature beaucoup d’héroïnes.

Par Thierry Ngongang
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