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Mongo Beti parle : Testament d’un esprit rebelle (25/05/2008)

 
Bonaberi.com revient cette semaine sur l`ouvrage d`Ambroise Kom dedie a Mongo Beti : testament d`un esprit rebelle. A travers une serie d`entretiens sans detours, Mongo Beti revient sur son itineraire


Par Redaction Bonaberi.com (Yann MB.)

« Œuvre assez spéciale » est la première impression que l’on a à la lecture de ce livre. L’auteur,
Ambroise Kom, a réalisé, si on peut dire, le testament intellectuel de Mongo Beti, tant l’ossature de ce livre a les contours d’une interview ou d’un espace, dans lequel Mongo Beti, peut allègrement laisser libre cours à sa pensée, sans fioritures, sans détours, juste sa pensée comme elle vient. Et le naturel avec lequel le célèbre pamphlétaire se prend au jeu, est plus qu’une bénédiction pour le lecteur, qui pourra enfin embrasser, un homme méconnu du grand public et dont les pensées et les anecdotes font figure d’histoire dans un pays où on sait si peu de choses sur la vie politique. Le livre est donc né de nombreux échanges entre l’autre et Mongo Beti entre Juillet 1998 et Août 1999.

Ambroise Kom, l’auteur donc, nous relate dans son « avant-propos », le contexte dans lequel il a été amené à rencontrer Mongo Beti, puis à travailler avec lui. Tout commence après la soutenance de la thèse de Doctorat d’état de l’auteur à l’université de la Sorbonne, en
Juin 1981, qui décide de rencontrer Mongo Beti, avant un voyage au Cameroun, dont il n’avait foulé les terres depuis 10 années déjà. On apprend que leurs contacts se sont renforcés au fil des années, surtout en 1984, lorsque l’auteur décide de retourner de manière définitive au Cameroun. Il servira notamment pendant quelques années, avec le concours du prêtre Jean Marc Ela - qui a dû par ailleurs s’exiler au Canada suite aux contacts constants avec la famille de Mongo Beti ou ses contacts avec le père Mveng, sauvagement assassiné-, à transmettre les doléances de Mongo Beti à sa famille, ainsi que son support financier pour subvenir à leurs besoins. Arrivé au Cameroun, l’auteur s’employa, en dehors de son emploi d’enseignant à l’Université de Yaoundé, durant des années, avec l’aide de Célestin Monga, à faire revenir Mongo Beti au Cameroun. Ce qui fut fait, en 1991. Malheureusement, l’auteur et Célestin Monga, durent « abandonner » Mongo Beti dans la lutte pour la démocratisation du Cameroun : l’un, Professeur, a fui des conditions d’enseignement qui se dégradaient de jour en jour ; l’autre également après avoir officié à la Bicic (Banque International pour le Commerce et l’Industrie du Cameroun). C’est donc en exil, que l’auteur, en manque certain d’engagement patriotique, décidai de réaliser une œuvre, sous forme d’interview, de Mongo Beti.

L’auteur conclut son « avant-propos », résumant presque en quelques mots, l’importance de Mongo Beti dans le paysage camerounais, dans la lutte contre la privation des libertés :
« Depuis le 8 Octobre 2001, il me semble que je suis redevenu orphelin. Dans une Afrique désespérément corrompue et aux valeurs intellectuelles bafouées, Mongo Beti lançait des défis qui nous interpellaient sans cesse. C’était le baobab à l’ombre duquel nous autres pouvions nous abriter pour continuer de rêver d’une Afrique libre, juste et épanouissante pour ses enfants sans distinction d’origine sociale ou ethnique. Son départ prématuré et inattendu nous laisse à la croisée de chemins, sans guide et sans ressources. Qui tiendra désormais la touche ? ». La question est bien évidemment posée à tous les camerounais et ceux qui prétendent aimer ce si beau pays.
Le livre, séparé par thèmes, débute donc par « Mongo Beti : du pays mythique au pays réel » qui fait office d’introduction. La parole à l’auteur, qui tente de justifier son projet et de dresser un portrait de Mongo Beti, l’objet de son œuvre. Il y relate quelques anecdotes attestant de l’intégrité de celui-ci, notamment ses refus catégoriques lorsqu’il a été approché à plusieurs reprises dès le début du règne de Paul Biya, ainsi que la différence l’opposant aux écrivains « classiques » . Il dit de la tentative d’approche : « En soi, la démarche n’a rien d’exceptionnel. Pas mal de camerounais ont fait l’objet de ce genre de sollicitations et ont dû à un moment donné ou à un autre se déterminer par rapport aux options du régime en place. Mais en la matière, la réputation d’intransigeance de Mongo Beti n’est plus à faire… ».

L’auteur ne se prive pas de passer en revue les actes concrets posés par Mongo Béti dès son retour au Cameroun, notamment dans son village d’
Akométam. Projets constamment avortés par l’incivisme des populations villageoises, prenant Mongo Beti pour le messie, évitant toujours de payer pour les services dont ils auraient pu jouir grâce à son concours. En particulier grâce à son épicerie, qui a bien vite dû mettre la clé sous le paillasson. Les déconvenues et désillusions de Mongo Beti n’auraient d’ailleurs pas pour seuls coupables les ruraux : « En ville comme au village, à la Librairie des Peuples Noirs comme au champ, Mongo Beti doit quotidiennement ajuster ses stratégies de réintégration aux manières d’être de ses compatriotes. Et on pourrait en dire autant de son expérience avec les hommes politiques et les nombreux acteurs sociaux avec qui il collabore et dont le déficit de militantisme l’enrage constamment ». Et l’auteur de conclure son introduction : « …au-delà des contingences du quotidien, des subjectivités des uns et des autres acteurs de l’histoire, l’essentiel est que notre mémoire collective s’enrichisse chaque jour davantage de documents faits autant de réflexions que d’anecdotes , susceptibles de meubler le patrimoine intellectuel du continent africain… ».
Dans le deuxième chapitre intitulé « Une certaine idée de l’Education » , Mongo Beti y aborde l’école primaire qu’il a faite au Cameroun dans une école missionnaire, sous administration coloniale. Il décrit parfaitement le fonctionnement de celle-ci, mais déplore le fait qu’ils n’y apprenaient que le français. Les professeurs étaient semble-t-il, des noirs peu qualifiés mais efficaces et à partir du CM1 et CM2, des ‘blancs’ prenaient le relai. Le but pédagogique de l’école à cette époque, était de former des agents subalternes, capables de travailler dans l’Administration : pouvoir rédiger des procès-verbaux et des rapports. Mongo Beti s’est ensuite retrouvé dans le Collège Leclerc (futur Lycée Leclerc de Yaoundé) avec des français, beaucoup plus forts dans des matières comme l’Algèbre et l’Histoire que les autochtones. Il affirme ainsi : « La finalité de l’éducation en France est un système visant à former un certain type d’homme et à donner à l’enfant le sens critique sui le libère des préjugés et des superstitions ».

Il parle également de l’école publique, qui était mixte et diabolisée par les missionnaires, dénonçant par la même occasion la crédulité des « betis » : « Les Beti, il faut le dire, sont des gens assez faciles à impressionner. Alors le curé leur disait ‘L’école publique c’est l’école du diable. Il y’a des garçons et des filles qui font des choses…’ » ce qui suffisait à les décourager. Comme dans certains pays de nos jours, les filles étaient très peu scolarisées, tout au plus jusqu’à 11 ans. Les élèves noirs étaient paraît-il très motivés, pour faire comme le blanc et être son égal. Selon Mongo Beti, ils étaient donc très volontaires à son époque, se dépassant sans cesse, dans le but d’arracher liberté à travers la connaissance. Et il conclut en prenant exemple d’autres nations, qui ont compris quel enjeu avait le système éducatif dans le développement :
« À la fin du 19e siècle, les japonais, eux, s’étaient clairement fixés pour objectif de rattraper les Occidentaux dans les délais les plus brefs. Ils se sont aperçus qu’ils étaient en retard et ils ont organisé tout leur système éducatif en fonction de cet idéal. Ainsi, tous les japonais qui avaient fait leurs études l’extérieur du Japon, devaient, raconte-t-on, commencer par enseigner 2 ou 3 ans. Quelle que soit leur spécialité, il fallait d’abord qu’ils communiquent leur expérience avant de faire autre chose ». Mongo Beti accuse donc nos institutions. Il va même plus loin, affirmant que nos problèmes, au-delà de l’aspect éducatif, résident beaucoup dans nos cultures et traditions qui nous retiennent captifs de concepts éculés : « Quand la SCTM, la Société Camerounaise de transformation Métallique, propriété d’un citoyen camerounais Bamiléké, qui fabrique des bouteilles de gaz est mise dans l’impossibilité de distribuer le gaz, parce que les pétroliers étrangers ont décidé d’être les seuls acteurs de ce secteur, la question est de savoir si nous avons les moyens culturels de transcender le tribalisme… Le pouvoir de Biya est de nous dresser ainsi les uns contre les autres ».

Il raconte également l’anecdote selon laquelle, Ahidjo, après avoir pris connaissance de
« Perpétue et l’habitude du malheur » paru en 1974, dans lequel Mongo Beti parlait des conditions atroces dans les maternités au Cameroun, Ahidjo ordonna une grande réforme de celles-ci. Il oppose ce chef d’état, qu’il a tant décrié, mais volontaire et actif, à l’attentisme de Paul Biya, vivant comme un chef de village, jouant au songo et mangeant son ngom. Dans son sillage, on trouve également Ferdinand Oyono, son ami d’autrefois, ne se privant pas, malgré ses études en Occident, à revenir à des pratiques villageoises, ne favorisant pas la création et l’esprit d’initiative. Le Cameroun selon lui, manquerait donc de modèles, d’intellectuels, de Martin Luther King, de Nelson Mandela… profitant par cette occasion à définir ce qu’est selon lui un intellectuel : « Un intellectuel, ce n’est pas seulement quelqu’un qui a des diplômes. C’est quelqu’un qui a choisi d’envisager le monde d’une certaine façon, en accordant la priorité à un certain nombre de valeurs comme l’engagement, l’abnégation, la réflexion ».
Dans le chapitre suivant – De Mbalmayo à Aix et retour-, Mongo Beti raconte son épopée dans le secondaire, du séminaire d’Akono, d’où il a été viré en 1946 pour ses errements et son peu d’implication dans les cours de religion, au collège classique. Collège qui ne doit sa naissance qu’au fait que pendant la guerre, le Cameroun étant ‘devenu’ gaulliste de force, les français scolarisés au Cameroun, n’ayant plus accès à la métropole, avaient donc créé cette école afin que leurs enfants puissent y poursuivre leurs études. Mongo Beti regrette les blancs de cette époque, qui étaient en général antiracistes, se souvenant que les noirs avaient participé à la libération de leur pays. Malheureusement, les vieux missionnaires français, arrivés dans les années 1915, étaient bien évidemment très racistes, avec tout le mépris qu’on peut imaginer, se permettant quelques fois de frapper des parents, devant leurs enfants ébahis.

Après obtention du Baccalauréat, tout le monde, noirs comme blancs, avaient droit à une bourse pour rejoindre la métropole. Il déplore néanmoins les examens de radiologie qui étaient faits juste avant le départ pour la France. Non pas pour leur intérêt pédagogique, mais simplement parce que ça permettait aux médecins blancs étant en charge de ces examens, d’écarter les noirs qui osaient s’engager dans une cause différente que celle défendue par les français. Il cite le cas d’un upéciste, Joseph Ndzino, trop engagé avec des discours anticolonialistes, a reçu un certificat ne lui permettant pas d’émigrer. Il décrit ensuite le parcours de l’étudiant immigré des années 1950, qui était relativement calme, les français étant très accueillants pour la plupart. Ils étaient régulièrement invités par leurs homologues blancs. Mais Mongo Beti admet avoir été coupé très tôt de ses racines. Ce qu’il a toujours essayé de rattraper, dès son retour au Cameroun, effectuant ainsi une sorte de « reconquête ».

Cette dualité, comporte selon quelques problèmes, illustrant son propos en prenant l’exemple de
Vincent Owona, de quelques années son aîné. Il obtint son baccalauréat en présentant la meilleure copie de dissertation de sa promotion. Le Figaro publia d’ailleurs sa copie. Mais sitôt rentré au Cameroun, il s’abandonne aux délices non créatifs de la vie villageoise, occultant ainsi, toutes ses connaissances et découvertes. « J’appelle cela tirer le pays vers le bas » affirme même Mongo Beti. Sans se démonter, il poursuit : « Les quelques leaders qui avaient quelque peu réfléchi aux enjeux idéologiques de la libération de l’Afrique ont très vite été balayés. Et pas seulement par la méchanceté des blancs, mais par les Africains eux-mêmes qui n’ont rien fait pour protéger leurs leaders. Qu’est ce que les Africains ont fait pour protéger Lumumba ? … » Au lieu de cela, de cette conscience patriotique qui devrait guider les ‘diplômés’, ils se sont laissés corrompre par le système tribaliste de Paul Biya, qui n’existait pas à son époque.
Mongo Beti aborde ensuite les conditions qui l’ont emmené à écrire « Main basse sur le Cameroun » : le sentiment de révolte qui l’animait et le fait que son esprit, taraudé par son incapacité à rejoindre la lutte de ses compatriotes aux mêmes idéologies indépendantistes que lui, s’en voulait énormément. Toutes les injustices commises notamment dans l’affaire « Ouandié Ernest – Ndongmo » et le peu d’écho qu’avait eu cette histoire en France, ont fini de le convaincre de se lancer dans cette œuvre, si controversée qu’elle sera interdite à sa sortie en France. Il y parle aussi de sa revue « Peuples Noirs-Peuples Africains » en reconnaissant : « Du point de vue économique, c’était une erreur, une très grosse erreur. On n’avait pas les moyens de fonder une revue. Mais du point de vue idéologique et psychologique, c’était un grand moment, vraiment romantique… ». Moment qui n’a pas duré (la revue fait faillite en 1990), n’ayant donc pas les moyens de sa politique et l’absence réelle de « marché francophone de la publication francophone ».

Il conclut bien entendu en passant en revue les problèmes du livre en Afrique, qui tirent parfois leur essence dans le système néocolonialiste mis en place dans nos pays : « J’expliquais à Cinnamon (un chercheur américain)ce matin que tous les manuels scolaires qui peuvent se vendre à 40.000, 50.000, 100.000 exemplaires, qui pourraient faire gagner de l’argent à un éditeur camerounais, sont imprimés par Hachette, par les grands éditeurs français. Les mecs viennent ici, donnent 10 millions FCFA au ministre de l’éducation et le ministre leur accorde le marché… »

Dans le quatrième chapitre –
Dans les arcanes de l’édition parisienne -, Mongo Beti raconte les problèmes qu’il a eus avec son éditeur Présence Africaine. Il était peu satisfait de la manière dont avait été publié « Ville cruelle » et souhaitait un plus grand éditeur pour « Le pauvre christ de Bomba » , qui fut publié par Laffont, plus grand et plus compétent éditeur que Présence Africaine. Ensuite arrive une véritable diatribe à propos de son ancien ami, Ferdinand Oyono, qui stigmatise probablement avec Paul Biya et feu Amadou Ahidjo, tout le mépris que peut afficher Mongo Beti pour un homme. Il raconte la grande amitié qui les liait, et le fait qu’il est celui qui a présenté Oyono à l’éditeur Julliard, qui aura fait le succès de celui-ci. Mais sitôt les cloches de l’indépendance sonnées, Oyono est rentré occuper de hautes fonctions. À la sortie de « Main Basse sur le Cameroun » en 1972, Ferdinand Oyono, ambassadeur du Cameroun à Paris, est celui qui fait la demandes aux autorités diplomatiques françaises, d’interdire le livre. Ceci explique probablement cela.
Il aborde ensuite son milieu, qui est celui de l’édition en France dans toute sa largeur. Il déplore notamment la politisation de l’édition en France, spécifique à la France, car en Angleterre et en Allemagne, les éditeurs étaient plus libres de leurs faits et n’hésitaient pas à produire des romans à charge contre le pouvoir en place. Concernant l’Afrique, il était donc de bon augure dans les années 50 et postindépendance, de publier des senghoristes que des fanonistes (Léopold Senghor et Frantz Fanon).Il explique le processus de saisie de « Main Basse sur le Cameroun », les différents éditeurs qui se sont défilés après leur lecture du manuscrit. Il critique aussi succinctement Mme Christiane Diop, présidente à l’époque de Présence Africaine, qui affirmait à Ouagadougou : « Moi je n’accepte jamais des livres qui critiquent un chef d’Etat Africain ». Il déplore par la même occasion le manque de professionnalisme de Présence Africaine, qui n’est pas un éditeur sérieux selon lui. Il parle aussi de plagiat et de grands auteurs coptés non pas pour leur talent littéraire, mais pour leurs talents de plagiste. Il va très loin avec Camara Laye, se demandant, de par les interventions de ce dernier, s’il avait réellement lu ses propres livres.

Pour le cas de
Calixthe Beyala, il attribue son plagiat à une erreur de jeunesse. Le malien Yambo Ouologuem n’est pas épargné ! Il aurait reçu le prix Renaudot en 1968 avec « Le Devoir de violence » , d’après Mongo Beti, pour son soutien au renversement de Modibo Keita. On lui aurait fait un procès pour plagiat aux USA, qui aurait conduit à sa folie. Et il conclut son chapitre sur l’édition en général en établissant, comme toujours, un parallèle avec ce qui se passe dans son pays, le Cameroun : « Ce qu’il faut aussi constater, c’est que les français n’encouragent nullement le marché local du livre, et comme c’est eux qui, au fond, sont derrière tout ici… Il y a une bonne femme ici, une française, qui tient un truc qui s’appelle La Bouquinerie, qui n’est même pas une librairie. Elle vend des jouets, des disquettes, des cassettes, etc. Il n’empêche que c’est pourtant elle qui a le monopole des fournitures de livres au Lycée Fustel de Coulanges, le lycée français de Yaoundé, un établissement pour riches. Quand l’année se termine, les parents d’lèves vont déposer la liste des livres chez elle. Elle se charge de faire venir ces livres. Il paraît qu’elle vend les livres ici quatre fois plus cher qu’en France puisqu’il y’a des gens qui peuvent les acheter directement en France et qui s’amusent à comparer les prix. » C’est bien évidemment là l’un des aspects pervers du néocolonialisme pour toujours exploiter et assujettir les africains.
Les chapitres 5 et 6 – Créer en société contrainte et Réussir des initiatives locales – traitent exclusivement des expériences personnelles de Mongo Beti, ainsi que les constats effectués depuis qu’il (re)vit au Cameroun. Du système politique qui utilise les chefs de village et notables comme des indics, aux repas organisés et financés par la monarchie en place, pour corrompre de naïfs villageois. Il donne bien évidemment quelques éléments pour sortir de la torpeur les villages, pour peu que les élites assument leur rôle, ainsi que le gouvernement. Il aborde également ses difficultés à écrire au Cameroun, du fait qu’on y est toujours perturbé, avec des gens qui souhaitent sans cesse vous voir, sans toutefois s’annoncer. Il pointe le doigt sur des problèmes explosifs, dus aux défaillances de l’état (la police qui demande ‘motivation’ avant d’ouvrir une enquête en cas de plainte), ainsi qu’au tribalisme exacerbé, développé par le régime de Paul Biya : « Je crois que la théorie qui veut que parce qu’on est plusieurs ethnies, un génocide ne soit pas possible chez nous n’est pas très bonne. Les français ne veulent pas des bamiléké parce que les bamiléké sont si doués qu’ils vont les évincer, c’est sûr ça. »

Il fait le parallèle avec ce qui s’est passé au Rwanda, les français ne voulant pas des tutsis, sans manquer de signaler qu’un pays a bien entendu besoin de toutes ses forces. Il n’hésite pas à s’en prendre violemment à ce pouvoir qu’il traite de mafieux de par son fonctionnement, notamment lorsqu’il ne veut pas se salir les mains : des personnes sont payées pour effectuer des taches dont aurait honte le pouvoir en place : tirs à balles réelles de personnages inconnus lors du lancement du parti de
Ni John Fru Ndi, assassinat du père Mveng dont on ne sait réellement ce que le pouvoir pouvait bien lui reprocher… Il passe donc en revue les problèmes qu’il a pu observer en ville comme au village : « J’ai l’exemple d’un maçon dans mon village qui est techniquement très compétent. Mais dès qu’on lui confie une tâche de surveillance ou de direction d’un chantier, il se montre très vite défaillant. Il vole. Donc c’est une question de culture. »Comme pour dire qu’il y’a un problème culturel au Cameroun et de mentalité. La politique du ventre prévaut sur tout et il y’a bien peu d’engagement militant. Il reste donc en conclusion, très pessimiste sur le décollage du Cameroun quant à sa modernisation, quand de toute façon, les seules vertus du pouvoir en place, est de se défendre et mettre tout en œuvre pour perdurer.

Dans les chapitres 7 et 8 –
Du bon usage de la communication et La logique du système Biya et l’histoire -, Mongo Beti aborde à peu près tous les sujets qui lui sont chers, et il y est beaucoup plus concret que précédemment, car il n’aborde plus ces problèmes du point de vue d’un expatrié, blessé, en exil et en rupture avec tout ce qui se faisait au Cameroun, mais bien sous l’angle beaucoup plus objectif de quelqu’un qui est sur place, qui peut donc tâter à tout va des problématiques freinant le développement de notre pays. Du SDF, ses défaillances, à l’avènement de la démocratie, il n’hésite pas non plus pour aborder le problème de la langue au Cameroun. Faut-il oui ou non garder la langue française, faut-il une langue autochtone unique ? Il y apporte quelques réponses. Il compare ensuite le régime Ahidjo et le régime Paul Biya. Son analyse est d’autant plus intéressante que l’on sait qu’il a toujours été fermement opposé à ces deux régimes et qu’il regorge à leur propos, d’anecdotes dont tout camerounais prendrait plaisir à se délecter. Surtout quand l’on sait que nous sommes dans un état totalitaire, où peu d’informations sur ce qui se passe au sommet de l’état sont relayées et qu’il y règne un climat de Gestapo.
Dans le chapitre 9 – Françafrique : presse, coopération et langue française -, qui est en fait le dernier chapitre du livre, il passe en revue la presse africaine en France, qui selon lui, est complètement dérisoire, quand elle n’est pas corrompue. « Mais c’est tellement facile de mettre en difficulté un journal africain en France ! Très rapidement, il vous faut choisir entre l’indépendance ou la poursuite d’une entreprise commerciale qui n’a plus d’objectif intellectuel ni moral, mais qui fait quand même des bénéfices. Faute de moyens, Peuples Noirs – Peuples Africains a renoncé. Talla a choisi la deuxième solution, c’est évident… », est la réponse que semble avoir trouvé Mongo Beti pour expliquer la faillite d’une presse libre et engagée dite africaine. Ce qui n’est pas une particularité africaine, Le Monde, admettant qu’hors publicités, les recettes ne dépassent pas les 30%.

En ce qui concerne la coopération entre la France et le Cameroun, il raille bien entendu l’utilisation abusive du mot « coopération » selon le sens étymologique. Les relations entre la France et le Cameroun, comme tout le monde semble le savoir aujourd’hui, ne peuvent être mises dans le cadre d’une coopération. Cela a été attesté à un moment, par le président Paul Biya en personne, déclarant sans honte et sans vergogne :
« Je suis le meilleur élève de la France ! », voulant certainement dire par là, qu’il était à la tête, de toutes les colonies (malgré l’indépendance), du meilleur sous-fifre du giron de la France. Et les anecdotes de ce simulacre de coopération sont tellement nombreuses que Mongo Beti en aurait pu faire un livre en plusieurs tomes.

Il a ensuite, on peut dire, conclu son livre sur la place de la littérature au Cameroun, l’écriture, son rapport avec les jeunes écrivains et l’avenir de celle-ci au Cameroun. Pour terminer, ce livre est un véritable délice de par sa conception très originale ainsi que de la richesse dont nous gratifie Mongo Beti. C’est probablement un livre que doit se procurer tout camerounais, non pas pour épouser singulièrement la conception de la vie et du Cameroun de Mongo Beti, mais également pour prendre connaissance, au travers des anecdotes et faits divers, de choses qui sont, on peut se permettre de le dire, cachées au peuple. Mongo Beti joue tout au long du livre le jeu avec Ambroise Kom, en essayant d’être le plus honnête possible, sur les divers sujets évoqués. Nul doute, comme Ambroise Kom le dit lui-même, que l’Afrique gagnerait à ce que les hommes, qui ont marqué de leur empreinte, l’histoire de notre continent, puissent ainsi s’exprimer à cœur ouvert car ne dit-on pas que c’est grâce à l’histoire qu’on construit l’avenir ?

Mongo Beti parle : testament d´un esprit rebelle, Ambroise Kom, Editions Homnispheres, 2006
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