Des Camerounais à la conquête de la Belgique (Quelle: - 28.09.2006)
Rien n’arrête les Camerounais une fois les frontières du triangle national franchies. Il y a à peine trois semaines, Le Messager dénichait Nestor Djonkam, ce compatriote qui n’a pas hésité à aller à la conquête de la mairie de Washington D.C aux Etats-Unis d’Amérique. Candidat à la candidature démocrate, Nestor Djonkam s’en était finalement tiré avec 69 votes exprimés en sa faveur. Naturellement ce ne fut pas suffisant pour conduire la liste démocrate, mais parvenir jusqu’à ce niveau, était, pour les spécialistes des élections aux Etats-Unis, une victoire.

Comme s’ils s’étaient donné le mot, voici que six autres Camerounais d’origine se lancent dans des élections locales hors de leur pays. Cette fois, c’est en Belgique, en pleine Union européenne. L’acte n’est pas banal. Pascale Ribaï, Christian Ngogang Ouandji, Alain Eyenga, Jean Petga, Nicolas de Fotso Tchieneghom et Christian Bodiong veulent faire entendre la voix des “ émigrés subsahariens ” lors des élections communales prévues pour le 8 octobre prochain. Les élections communales sont des consultations de proximité. Les électeurs belges devront élire, pour un mandat de 6 ans, les conseillers communaux, les échevins (adjoints au maire), et les bourgmestres (maires).

A 10 jours de l’échéance, nul ne peut présumer des chances de succès de nos compatriotes dans ces luttes électorales. Ce d’autant plus que la Belgique, comme plusieurs pays de l’Union européenne, connaît une certaine poussée d’extrême droite. Candidats investis sur des listes de partis de gauche, nos six compatriotes n’auront pas la tâche facile. La Belgique est un pays traversé par de forts clivages entre les communautés. Mais, ils ne se font pas de complexes. Elus ou non au soir du 8 octobre prochain, ils entendent continuer à saisir tous les canaux républicains pour mieux s’intégrer en Belgique, terre d’accueil devenue, par la force des choses, leur patrie. Victoire ou pas, l’essentiel pour eux est de participer.

Jean Petga : Mettre fin aux inégalités à Bruxelles-ville

Son engagement politique est adossé sur trois piliers : le logement pour tous, la lutte contre la précarité de l’emploi et l’atténuation de la montée de l’insécurité à Bruxelles. “ Nous sommes dans un pays où il fait bon vivre, il y’a à faire, il faudrait qu’on s’y mette tous, qu’on y croit, qu’on aille de l’avant, et surtout combattre le Front national ”, avoue volontiers, Jean Petga à l’adresse des électeurs bruxellois. Assistant administratif au Cpas (Centre public d’aide sociale) de Bruxelles depuis une dizaine d’années, Jean Petga est né et a grandi au Cameroun. Il est marié et père de 4 enfants.

Ses idées se veulent claires : "Depuis que je travaille au Cpas de Bruxelles, je constate beaucoup d’inégalités et je veux pouvoir aider nos concitoyens, et pour cela, il faut participer à la vie politique. C’est mon attachement à Bruxelles qui m’a incité à aller plus loin. Je me suis engagé en politique pour participer à la construction de l’avenir de notre ville. Je suis convaincu que le contact avec les Bruxellois, et notamment les plus démunis, est la clef pour faire avancer correctement les choses."

Jean Petga est 39ème sur la liste Ps (Parti socialiste) à Bruxelles-ville, Laeken, Neder-Over-Heembeek, Haren. Comme les autres candidats Camerounais aux communales belges, Jean Petga milite en faveur de l’engagement politique : “ Lorsque l’on s’installe, et que l’on vit en Belgique, il faut s’intéresser à la vie politique. Je suis descendu sur le terrain et curieusement, j’ai constaté que les gens ont peur de s’inscrire pour le vote. Pourquoi ? Parce que si jamais ils sont absents ce jour-là, ils risquent d’avoir une amende. Et pour ce fait, ils ne s’inscrivent pas ”.

Pascale Ribaï : Bruxelles-ville sur fond camerounais

“La politique fait partie de notre vie courante et ne constitue nullement une charge en plus. Je pense qu’il est important de faire de la politique pour faire passer des idées pour lesquelles on se bat. En tant qu’individu et en tant que médecin, ma volonté est d’essayer d’améliorer les choses que je vois dans la pratique médicale quotidienne et citoyenne. La politique est donc compatible avec ma vie”. Pascale Ribaï (épouse Beyer de Ryke) se veut une femme de conviction. A 34 ans, elle est décidée à faire évoluer les choses et accélérer l’intégration des Africains en Europe. C’est peut-être pourquoi elle a choisi d’aller à la conquête de la commune de Bruxelles-ville. Belge d’origine camerounaise, elle est en Belgique depuis 1990. Elle a fait des études de médecine, et une spécialisation de 5 ans en neurologie. Puis, elle s’est penchée sur la génétique des maladies neurologiques de l’enfant et de l’adulte. Pascale Ribaï (travaillé à l’Hôpital Erasme (Bruxelles), puis à l’Hôpital de la Salpêtrière à Paris et actuellement, elle exerce comme neurogénéticienne à l’Institut de Pathologie et de Génétique de Gosselies (Pres de Charleroi en Belgique). Elle vit entre la Belgique et la France.
“Par ma nature et ma profession, je suis sensible à la souffrance de l’autre, aux questions éthiques, à l’importance de la qualité de vie”, précise la candidate du Mouvement réformateur (Mr) son parti politique pour la conquête de la commune de Bruxelles-ville.

A titre de programme politique, elle martèle trois idées qui semblent lui tenir à coeur : assurer et préserver une qualité de vie satisfaisante, garantir une égalité des chances quel que soit le niveau social d’origine et assurer une union des Francophones et des différentes communautés du pays pour vivre dans une Belgique forte, unie et compétitive internationalement.

Pascale Ribaï est 36ème sur la liste dite du Renouveau Bruxellois du Mouvement réformateur à Bruxelles-ville. Sur son interminable curriculum vitae, la seule trace du pays reste l’obtention, en 1990, de son baccalauréat D au Lycée général Leclerc de Yaoundé.

Nicolas De Fotso Tchieneghom : Un chimiste pour changer Saint Josse

Nicolas De Fotso est 19ème sur la liste Cdh (Centre démocrate humaniste) à Saint Josse. La commune de Saint Josse, selon plusieurs résidents, connaît de sérieux problèmes de salubrité. Les résoudre sera l’un des principaux chevaux de bataille du Camerounais d’origine Nicolas De Fotso Tchieneghom. Né et élevé dans les quartiers chauds de Douala, Nicolas De Fotso est arrivé en Belgique en 1984. A Gembloux, le jeune homme se plonge dans des études d’ingénieur chimiste et des industries agricoles. Ensuite il complètera sa formation par une maîtrise en développement des milieux intertropicaux. Il est père de deux enfants, et séparé de sa femme qui n’est autre que l’échevine (adjointe au maire) de Saint-Josse, la très célèbre Dora Ilunga.
Selon lui, cette trajectoire iconoclaste n’est pas un handicap : "Je n’ai pas renié ma formation de chimiste parce que je preste toujours dans le secteur privé. Après mes études, je me suis installé à Bruxelles. Quelques années plus tard, j’ai eu l’opportunité de diriger un service de l’administration pendant trois ans. Je me suis retrouvé dans une commune où beaucoup de jeunes n’ont pas de formation et sont un peu laissés à eux-mêmes. A force d’être sollicité, je me suis dit pourquoi ne pas capitaliser ces sollicitations et c’est ainsi que j’ai décidé pour mieux faire de m’engager en politique. J’estime qu’avec un peu plus de pouvoir décisionnel, je peux faire plus que ce que j’ai fait jusqu’ici."

La commune de Saint Josse compte plus de 140 nationalités. Plus de 50 % de la population est jeune et souvent issue des familles émigrées. Ce sont là autant de brèches que compte exploiter notre compatriote. Enthousiaste, il justifie son engagement à la politique : “Je participe activement à la politique de façon concrète depuis l’an 2000. J’ai activement travaillé politiquement pour des personnes qui m’étaient très chères, pendant les élections régionales de l’année 2000, et 2004 (les mandats de sa future ex-femme). Et entre-temps, ma situation ayant changé, j’ai donc décidé de me présenter en politique. J’ai choisi le Cdh parce que, non seulement je me mets à l’abri de certaines situations, mais également, je suis rentré dans un parti où j’avais les réelles opportunités de m’exprimer, et valoriser ce que j’ai envie de réaliser”. Pourvu que sa liste soit élue.

Christian Ngongang Ouandji : Sur les traces de son père…

“J’ai vécu dans une famille de politiciens, mon père est politicien et deux de mes frères le sont aussi (1 aux Usa et l’autre au Cameroun). La politique est un devoir civique, je ne peux pas concevoir la vie dans une société sans savoir comment elle est gérée et qui doit la gérer. Je suis plus axé sur l’épanouissement des jeunes, les aider à surmonter leurs difficultés”. Christian Ngongang Ouandji, fils de l’ancien ministre André Ngongang Ouandji est présenté comme l’un des meilleurs médecins que le Cameroun ait "produit" en Belgique. Il se présente à la commune Marche-en-Famenne. Il est né à Yaoundé, d’une famille de 6 enfants. Après ses études secondaires au Lycée Leclerc à Yaoundé, il se dirige vers la Belgique. Il termine brillamment sa formation de médecin à l’Université catholique de Louvain (Ucl) en 1994. Il poursuit ensuite sa spécialisation en chirurgie qu’il termine en 2000.
Marié, Christian est très actif dans la coopération Nord-Sud. A ses heures libres, il est basketteur en division régionale. Avec un groupe d’amis, il crée “Marchez Nord-Sud” qui a pour but d’aider à la formation médicale dans les pays en voie de développement. Christian Ngongang Ouandji est 11ème sur la liste Cdh (Centre démocrate humaniste) à Marche-en Famenne. "Pourquoi le Cdh ? Je suis chrétien. Et surtout, le Cdh défend des valeurs qui vont au-delà du clivage capitaliste, socialiste ”, se justifie-t-il. Christian Ngongang Ouandji dit être sensible à la condition des personnes âgées, l’aménagement de la vie, la culture, économie et emploi, l’enseignement, la sécurité routière et bien d’autres…

Alain Eyenga : Au Chevet de Charleroi

“Ma décision de me lancer dans une formation politique a surtout été influencée par la poussée de l’extrême droite à Charleroi. Je défends un ensemble de citoyens qui sont des personnes ordinaires ”. Né le 19 avril 1965 à Yaoundé, Alain Eyenga, arrivé en Belgique voici 21 ans a décidé de se lancer dans la course électorale pour les communales du 8 octobre prochain. Marié et père de 3 enfants, Alain Eyenga est pharmacien à Gosselines. Après une 7ème scientifique à l’Athénée Royal de Woluwé Saint Lambert, il rentre à l’Université Libre de Bruxelles (Ulb) en faculté de Pharmacie et rencontre son mentor et professeur, M. Olivier Chastel. Pendant plus de 10 ans, il a collaboré comme technicien et animateur à Radio Campus, la radio de la communauté de l’Ulb. Il y a 11 ans, il est installé à Gosselines comme pharmacien indépendant.

“J’ai été invité comme membre de la société civile à participer aux élections communales de Charleroi par le chef de file du Mr de Charleroi qui était mon professeur assistant pendant mes études. En ce qui me concerne pour la deuxième fois, un parti différent me demandait de me présenter aux élections communales. J’ai pensé que je représente certainement quelque chose. J’ai pensé à toutes ces années passées en Belgique et où je me suis bien épanouie alors en échange, je me suis dit si je pouvais me mettre au service de la population pourquoi pas !” précise le pharmacien d’origine camerounaise.

Alain Eyenga est 15ème sur la liste Mr (Mouvement réformateur) à Charleroi. “ Mon engagement politique est celui d’un citoyen responsable et d’un père de famille Ma présence à elle seule sur une liste ne suffira bien entendu pas à réduire le vote extrême droite, mais je ferai tout ce qui est possible et utiliserai toutes mes capacités pour réduire l’impact du Front national dans mon environnement”, conclut-il.

Christian Bodiong : Sortir les Africains de la marginalité à Etterbeerk

Christian Bodiong se présente à Etterbeek. Etterbeek, commune de 40.000 habitants, fait partie de la région de Bruxelles-Capitale. Le Camerounais d’origine réside en Belgique dans la commune d’Etterbeek depuis deux bonnes décennies. Il est père d’un enfant. “Je suis un militant de longue date. Je suis le président élu de l’Association camerounaise de la solidarité du Bénélux (Asbl diaspora) donc membre très actif depuis 4 ans”, dévoile-t-il, à titre de présentation de son militantisme.

Christian Bodiong est 14ème sur la liste Cdh (Centre démocrate humaniste) à Etterbeek: “Le Cdh parce que c’est un parti d’ouverture qui se situe au-delà de la gauche, au-delà de la droite et c’est un parti qui place l’humain au centre de tout, qui soutient l’économie sociale Je pense que ce parti est important pour la communauté subsaharienne parce que c’est vraiment un parti d’ouverture : on me laisse m’exprimer librement.”
Sur la plan universitaire, Christian Bodiong, est le moins capé des candidats camerounais aux communales de Belgique. Toutefois, il fait partie d’un groupe de réflexion ayant publié un mémorandum sur les discriminations ethniques en Belgique, rapport dûment remis aux autorités politiques du pays. Il s’agit des communautés issues de l’immigration notamment de l’Afrique subsaharienne. “ La communauté subsaharienne particulièrement ne s’est pas vraiment mobilisée pour cette élection communale. Nous n’avons pas compris pourquoi est-ce que cette communauté veut rester à l’écart des luttes politiques ”, regrette Christian Bodiong.

Par Rassemblés par Yves Djambong avec Cameroon-info.net
Le 28-09-2006
 



© http://www.peuplesawa.com/