(NDLR) En ouvrant ici ce dossier, nous n´avons pas décidé de régler des comptes entre Camerounais : l´échec ou le triomphe d´une authentique révolution dans un pays africain concerne l´ensemble des peuples noirs et même l´ensemble des peuples africains. On l´a bien vu naguère avec le Mozambique et l´Angola et, plus récemment, avec le Zimbabwé, pour ne citer que ces trois exemples.
Dès la fin des années quarante, le premier sur tout le continent, le Cameroun se dota d´un grand parti révolutionnaire, l´Union des Populations du Cameroun, pourvu de centaines de milliers de militants et de combattants capables d´accepter le sacrifice suprême sans broncher en luttant contre le colonialisme français. Trente ans plus tard, alors que partout ailleurs en Afrique le refus de la domination étrangère se matérialise par des soulèvements, des coups d´Etat, des affrontements sociaux, des guerres patriotiques, bref des événements éclatants qui défrayent la chronique internationale, le Cameroun, devenu l´un des pays politiquement les plus déshérités, croupit dans le silence et l´abjection des Républiques de tontons macoutes. Un tyran aussi méprisable que sanguinaire au service du capitalisme règne là-bas sans partage [PAGE 10] depuis bientôt vingt-cinq ans, et personne aujourd´hui ne peut prévoir le terme du cauchemar du peuple camerounais.
Que fait donc pendant ce temps l´U.P.C., le premier grand parti révolutionnaire apparu sur le continent noir ? Existe-t-elle seulement encore ? Voilà les questions que se posent tous les Africains avertis.
Point n´est besoin d´être grand clerc pour comprendre que l´U.P.C., quel que soit son état actuel, a été victime d´une crise peut-être fatale. De quelque côté que l´on tente d´aborder et d´analyser cette crise, tous les Camerounais ainsi que les Africains avertis savent qu´on aboutit nécessairement aux événements évoqués ici aujourd´hui : l´assassinat de Félix-Roland Moumié à Genève, en novembre 1960, par un agent des services secrets français, et la création en 1962 à Accra du Comité Révolutionnaire par un groupe de très jeunes intellectuels contestant l´autorité des chefs élus de l´U.P.C. au nom d´une supposée qualification révolutionnaire conférée par les diplômes.
Que la crise, opposant des dirigeants façonnés par l´expérience à des intellectuels dogmatiques auréolés d´un prestige jusque-là inconnu, soit née au moins en partie des contradictions propres à notre société, c´est ce qui apparaît à l´évidence. Mais des puissances extérieures n´ont-elles pas exploité ces contradictions en les exacerbant ? Quelles puissances ? Dans quel but ?
Nous nous engageons ici à donner la parole à tous ceux qui, par leurs témoignages, croient pouvoir aider à percer ces énigmes. Le rôle d´une publication comme la nôtre est de faciliter l´appropriation de leur histoire par les peuples en apportant le plus de lumière possible aux manigances des oppresseurs. C´est en comprenant et en maîtrisant leur propre histoire que les peuples africains progresseront le plus avant dans la voie de leur émancipation qui est aussi celle de la révolution.
Il y va d´ailleurs de la survie de nos peuples. Comment accepter qu´un mouvement révolutionnaire qui, par son enracinement dans les masses populaires, avait atteint ce qui serait partout ailleurs le stade de l´invincibilité, disparaisse brusquement de l´histoire, asphyxié par l´impérialisme français ? Pourquoi, exalté par une telle victoire, celui-ci s´abstiendrait-il d´anéantir à l´avenir tous les mouvements révolutionnaires africains au fur et à mesure [PAGE 11] qu´ils apparaîtraient ? N´est-ce pas là le sens qu´il convient de donner rétrospectivement aux interventions que Giscard d´Estaing multiplia en Afrique noire – Tchad, Centrafrique, Shaba, Bénin, Comores ?
Comment oublier que l´arrogance méprisante de Paris à l´égard de tous les progressites africains s´afficha sans complexe surtout au lendemain du désastreux deuxième front, conduit justement par des représentants du Comité Révolutionnaire avec une frivolité et une incompétence qui ont fait perdre depuis toute crédibilité à l´opposition camerounaise ?
Nos adversaires, hommes avertis s´il en est, ont dû tirer de l´événement cette conclusion de bon sens : puisque ces gens-là, en vrais tocards, ont été assez maladroits pour transformer en catastrophe une affaire qui se présentait d´abord si heureusement pour eux, ne faut-il pas considérer leur échec comme la traduction d´une congénitale impéritie ?
Or qu´a-t-il été fait depuis bientôt quinze ans pour démentir ce jugement ? Rien. Au contraire, loin d´ébranler le moins du monde l´assurance et le triomphalisme des ennemis de la révolution camerounaise, cette période ne leur aura apporté que des raisons supplémentaires de jubiler.
Mongo BETI
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Pour la libération totale du Kamerun et la réalisation de l´unité africaine, l´U.P.C. a, dès sa naissance en 1948, engagé une lutte à mort contre l´Impérialisme et le colonialisme sous toutes ses formes. Dans cette noble lutte, l´U.P.C. compte d´abord et avant tout sur le peuple lui-même, et en conséquence, elle se préoccupe constamment de mobiliser les énergies créatrices du peuple tout entier, sans distinction de sexe, de tribu, de rang social, de croyances religieuses ou philosophiques. C´est grâce à cette sage politique que l´U.P.C. a victorieusement conduit la lutte du peuple kamerunais contre le colonialisme classique : le 1er janvier 1960, l´indépendance du Kamerun Oriental a été proclamée; et le 1er octobre 1961 a marqué la réunification du Kamerun Oriental (la partie anciennement sous administration française) et d´une importante portion du Kamerun Occidental (zone administrée jusque-là par la Grande-Bretagne). Certes, ni l´indépendance ni la réunification ne sont encore totales : appuyés par leurs alliés de l´O.T.A.N. et notamment par les Etats-Unis d´Amérique, les impérialistes français continuent à occuper militairement le pays, à y dicter la loi, [PAGE 13] à piller ses richesses et à exploiter férocement le travail de ses habitants.
Aussi bien, la lutte révolutionnaire se poursuit-elle, malgré les difficultés inimaginables que ne cesse de multiplier le néo-colonialisme sur la voie de la libération des peuples.
Le secrétaire général de l´U.P.C., Ruben Um Nyobe, est tombé au champ d´honneur en septembre 1958; en novembre 1960, c´était le tour du président Félix-Roland Moumié, lâchement empoisonné au thallium par la Main Rouge française. Avant et après eux, beaucoup d´autres valeureux patriotes sont morts pour que vive le Kamerun ! Et le Kamerun vivra, parce que le peuple le veut. Chaque jour, du feu même de la répression et de l´oppression néo-colonialistes surgissent des légions de combattants. Et l´U.P.C., âme immortelle de cet indomptable peuple, continue inlassablement sa lutte pour la mise en œuvre de nouvelles formes d´action et d´organisation capables de mobiliser le peuple tout entier pour l´assaut final contre le néo-colonialisme. Cela est d´autant plus nécessaire que les impérialistes, de leur côté, ne ménagent aucun effort pour étouffer notre glorieux mouvement de Libération Nationale.
Nous venons précisément de démasquer et de déjouer un de leurs complots les plus subtils : la tentative de transformer en Direction du Parti un groupe de leurs agents infiltrés au sein du Secrétariat administratif de l´U.P.C. C´est ce complot que nous entendons dénoncer dans ce document.
1o) Du Secrétariat administratif au « Comité Révolutionnaire »
Dans les mouvements et partis politiques, on trouve généralement à côté de la Direction politique centrale un appareil administratif placé sous ses ordres.
Tel est le cas à l´U.P.C. Que ce soit au Kamerun avant la dissolution arbitraire du 13 juillet 1955, ou à l´extérieur après la déportation, le Bureau du Comité Directeur a toujours eu à sa disposition un Secrétariat administratif. Après l´assassinat du président Moumié en novembre 1960 et devant les tâches de plus en plus complexes qu´impose la Révolution armée contre le néo-colonialisme, les dirigeants et de nombreux militants éprouvèrent le besoin de renforcer le Secrétariat administratif de l´U.P.C. [PAGE 14] C´est ainsi que la Conférence des cadres tenue à Accra en décembre 1960, insista tout particulièrement sur cette question en la considérant comme une impérieuse nécessité.
A la suite de cette Conférence, le Bureau du Comité Directeur nomma un Secrétariat administratif composé comme suit :
1. Ekwalla Robert : Chef du Secrétariat; 2. Woungly Massaga : Chargé des Liaisons avec l´Intérieur; 3. Ndoh Michel : Sécurité et Juridiction; 4. Tchaptchet Jean-Martin : Information; 5. Njiawue Nicanor : Relations Extérieures; 6. Fosso François : Jeunesse; 7. Ndooh Isaac : Affaires Syndicales.
Dès le départ, il était bien entendu que le Secrétariat était un organisme essentiellement administratif chargé d´aider techniquement la Direction dans son travail politique... Cependant l´U.P.C. s´est toujours efforcée de diriger la lutte du peuple kamerunais en tenant compte de l´opinion des masses populaires et notamment de ses militants et de ses cadres. En raison de cette fidélité à la ligne de masse, la Direction a reconnu au Secrétariat non seulement le droit de formuler des critiques mais même le pouvoir de discuter de tous les problèmes et de lui soumettre des recommandations. Celles-ci, en général, étaient entérinées comme des décisions du Parti. Après quoi, le Bureau du Comité Directeur donnait à chaque Secrétaire toutes les facilités disponibles pour l´accomplissement des tâches incombant à son département. Ainsi par exemple, quand il y avait de l´argent on en donnait au Secrétaire à l´Intérieur pour organiser les liaisons, au Secrétaire à l´Information pour publier et diffuser le journal, etc.
Chaque Secrétaire pouvait étudier les problèmes de son rayon avec le Chef du Secrétariat et les dirigeants du Parti. Mais l´ensemble du travail était planifié et contrôlé au cours de séances plénières du Secrétariat tenues périodiquement sous la présidence du Bureau du Comité Directeur. Toutefois, étant donné le caractère démocratique de l´U.P.C., ces séances peuvent se tenir même en l´absence des dirigeants. Ainsi, il s´en est tenu une du 1er au 7 février 1962, alors que le vice-président Ouandie était depuis longtemps rentré sous maquis et que son collègue Kingue Abel se trouvait en traitement en Europe. [PAGE 15] Après son retour Kingue a convoqué une session élargie du Secrétariat à Conakry en avril 1962 et une autre à Accra début septembre de la même année.
Cette dernière réunion n´a pas pu se tenir en raison des attentats contre-révolutionnaires perpétrés au Ghana à cette époque. En effet, le 2 août, une bombe a explosé à Kulungugu au passage du Président Kwame N´Krumah. Le 5 septembre, les camarades Kingue, Ntumazah et d´autres commencèrent une réunion au domicile de Ntumazah.
La clique criminelle de Woungly fut délibérément écartée de cette réunion préliminaire, car elle devait précisément adopter des décisions tendant à les écarter du Secrétariat administratif pour des raisons que nous allons bientôt exposer. Eux-mêmes s´en rendaient parfaitement compte. Aussi écrivent-ils avec raison dans leur document prétendu confidentiel de 28 pages en date du 8 décembre (page 3) : « ... Kingue se fixe sur le cadre où placer son opération de liquidation en annonçant pour le 13 septembre la réunion du Secrétariat administratif. La préparation politique de la réunion annoncée est caractéristique : ... on tient à l´écart de cette préparation l´organisme dont le nom sert de couverture à cette réunion... »
Interrompue le 5, la réunion préliminaire reprit le 6 et se poursuivit jusqu´à 21 heures environ. Vers 22 heures, c´est-à-dire peu après le départ de Kingue, d´Ekwalla, de Fosso et des autres participants, une bombe éclata au domicile de Ntumazah. Cette bombe ne visait-elle pas tous les dirigeants et militants réunis en cet endroit ? Si oui, qui avait intérêt à les détruire en ce moment précis où ils s´apprêtaient à réorganiser les forces patriotiques kamerunaises ? L´histoire répondra un jour à cette question. De toute façon, à la suite des attentats contre-révolutionnaires de cette période, le Gouvernement ghanéen prit de sévères mesures de sécurité : le couvre-feu fut instauré; des perquisitions effectuées même au domicile des ministres; le Président ordonna que toutes les armes détenues par les Combattants de la Liberté soient remises aux autorités, etc. Cet ordre devait être transmis au Camarade Kingue par l´intermédiaire de Woungly Massaga, secrétaire administratif de l´U.P.C. responsable des Liaisons avec l´Intérieur. Mais chose étrange : [PAGE 16] Massaga ne transmit pas à Kingue l´ordre du Président. C´est ainsi que durant ses perquisitions, la police trouva des armes sous le contrôle de Kingue et même de Woungly aussi. Le vice-président Kingue, Ndeh Ntumazah et une centaine de nationalistes kamerunais, y compris Woungly et ses complices, furent successivement arrêtés et jetés en prison.
Les 11 et 12 octobre, sept d´entre eux furent libérés, à savoir :
1. Ndeh Ntumazah; 2. Mekou Samuel; 3. Marthe Moumie; 4. Njiawue Nicanor; 5. Tchaptchet Jean-Martin; 6. Ndoh Michel; 7. Woungly Massaga.
Au lieu de s´unir et de travailler activement à la libération des autres nationalistes, ce groupe se divisa en raison des menées de Woungly et Nicanor. Ils insistaient en effet pour la création d´un prétendu Parti Communiste kamerunais, seul capable d´après eux de hâter la victoire de notre Révolution. Au contraire Ndeh Ntumazah, Mekou et Marthe Moumie s´opposaient vivement à ce projet aventuriste. Sur ces entrefaites, arriva au Ghana un nommé Fankam Emmanuel connu sous le pseudonyme de Fermèté. Deux fois déjà il était sorti du maquis avec des messages du vice-président Ouandie Ernest. Dès son arrivée, Woungly, Tchaptchet, Ndoh Michel et Njiawue Nicanor rompirent tout contact avec Ndeh Ntumazah et s´enfermèrent chez eux. Ntumazah ne devait plus avoir de leurs nouvelles que par l´intermédiaire des autorités ghanéennes. Les Woungly, fin octobre, remirent au Gouvernement la liste des membres d´une prétendue nouvelle Direction de l´U.P.C. appelée « Comité Révolutionnaire » et composée de sept personnes à savoir :
1. Ouandie Ernest; 2. Kingue Abel; 3. Ndoh Michel; 4. Ndongo Ndiye; 5. Njiawue Nicanor; 6. Osende Afana; 7. Woungly Massaga.
Quelques jours plus tard, le Secrétaire administratif chargé de l´Information, Tchaptchet Jean-Martin, publiait un communiqué de presse annonçant que le Vice-Président Ouandie, sous maquis, a convoqué et présidé le 13 septembre 1962 une Assemblée Populaire comprenant 600 représentants des organismes du Parti et des unités de l´Armée de Libération Nationale. C´est cette Assemblée qui, précisait le communiqué, a élu une nouvelle Direction de l´U.P.C., appelée Comité Révolutionnaire et chargée [PAGE 17] de diriger la Révolution jusqu´à la tenue du prochain congrès de l´.U.P.C.
Quel coup de théâtre! Des militants décidés à sortir de l´U.P.C. et à former leur Parti, un Parti Communiste, sont soudainement promus à la Direction de cette même U.P.C. ! Et cette nouvelle, ils la communiquent d´abord à des autorités étrangères et laissent dans l´ignorance totale leurs compagnons de route! N´est-ce pas étrange ? Les conditions même qui entourent la naissance et la proclamation du « Comité Révolutionnaire » ne prouvent-elles pas qu´il s´agit d´un véritable complot dirigé contre la Direction de l´U.P.C. et le peuple kamerunais tout entier ?
2o) Le « Comité Révolutionnaire » est une création des ennemis de la Révolution Kamerunaise
Comme nous le disions tout au début, une des méthodes favorites du néo-colonialisme consiste à infiltrer des agents de l´impérialisme à la tête des Gouvernements et des Mouvements révolutionnaires. Au Kamerun, cette politique a été conçue et arrêtée depuis 1955 par les administrateurs des Colonies Christophe et Bouquet. Les impérialistes tentaient alors dans ce pays leur première expérience de néo-colonialisme en Afrique Noire. Après avoir vainement cherché à corrompre et même à assassiner les dirigeants de l´U.P.C., ils intensifièrent leurs manœuvres de corruption, de duperie et de pression sur plusieurs responsables de la Révolution, notamment Ngom Jacques, membre du Comité Directeur de l´U.P.C. et Secrétaire général de la Confédération Générale Kamerunaise du Travail (C.G.K.T.).
Corrompu, Ngom essaya d´entraîner le syndicalisme kamerunais dans la voie du réformisme et de la reddition inconditionnelle aux ennemis irréductibles des masses laborieuses : l´impérialisme et ses valets de toutes couleurs. Grâce à la vigilance du Parti, Ngom fut rapidement démasqué, dénoncé, vomi du peuple, suspendu de ses fonctions au sein du Comité Directeur de l´U.P.C. et révoqué de ses fonctions de Secrétaire général de la C.G.K.T. Ce fut un échec total. Malgré tout, les impérialistes français ne renoncèrent pas à leurs projets néo-colonialistes. C´est ainsi qu´ils réussirent à transformer en un agent criminel un nationaliste emprisonné et sauvagement torturé [PAGE 18] pour ses activités révolutionnaires : Mayi Matip, secrétaire administratif de l´U.P.C. Après sa prison, Matip se glissa sournoisement dans le maquis même d´où le Secrétaire général de l´U.P.C., Ruben Um Nyobe, dirigeait la lutte héroïque du peuple kamerunais. Après avoir ignominieusement trempé dans l´assassinat de Um, Mayi Matip sortit du maquis, invita le peuple à déposer les armes et se proclama successeur de Um à la tête de l´U.P.C. Les impérialistes chantèrent victoire. Ils jugèrent le moment propice pour proclamer enfin cette indépendance pour laquelle le vaillant peuple kamerunais a tant lutté et souffert. C´est ainsi que, sous la protection de leurs baïonnettes, ils ont installé au pouvoir la clique d´Ahidjo, qui a toujours lutté contre l´indépendance et la réunification du pays. Mais comme l´a dit Um Nyobe « il est impossible de gouverner le Kamerun sans l´U.P.C et moins encore contre elle ». Les impérialistes aussi le savent. Aussi ont-ils poursuivi sans relâche leurs efforts pour détruire la Direction Révolutionnaire et la remplacer par leurs agents. Témoin l´assassinat du Président Félix-Roland Moumie. Témoin encore le récent complot fomenté pour accréditer un prétendu Comité Révolutionnaire comme nouvelle Direction de l´U.P.C. Le « Comité Révolutionnaire » n´est en effet qu´une création des ennemis de la Révolution kamerunaise.
Cette vérité saute aux yeux dès qu´on examine attentivement les antécédents politiques des principaux membres et supporters du Comité Révolutionnaire, ainsi que les conditions de sa naissance et ses activités.
A. – Les antécédents politiques des principaux membres et supporters du « Comité Révolutionnaire »
« Toujours quelques crimes précèdent les grands crimes », a écrit le célèbre dramaturge français Jean Racine. Effectivement avant la naissance du « Comité Révolutionnaire », les principaux membres et supporters de cet instrument de l´impérialisme et du néo-colonialisme se sont signalés par des actes non seulement indisciplinés mais même criminels.
Ainsi dès sa première sortie du maquis, pour un traitement médical, Fankam Emmanuel dit Fermèté est entré en conflit ouvert avec Kingue et Ntumazah qui [PAGE 19] venaient d´ouvrir des enquêtes sur des accusations graves portées contre lui pour activités fractionnelles et fratricides. En juillet 1962, il est même rentré au maquis sans l´accord du Vice-Président Kingue, mais avec la complicité de la clique de Woungly, secrétaire administratif chargé des Liaisons avec l´Intérieur. A la même époque, le camarade Kingue a, par l´intermédiaire d´un agent de liaison digne de confiance, envoyé à son collègue Ernest Ouandie un rapport sévère contre Fermèté. Ce dernier, pour prévenir la condamnation qui l´attendait, a commis un acte de banditisme absolument indigne de l´A.L.N.K. et de l´U.P.C. : il a tendu une embuscade au messager et lui a arraché le rapport destiné à Ouandie. Après quoi, Fermèté est revenu triomphalement à Accra, où les Woungly l´ont luxueusement installé dans un hôtel : c´est de là que ce grand commandant militaire du « Comité Révolutionnaire » doit mener la révolution style Woungly, Ndoh Michel et consorts.
Ndoh Michel, lui, s´est baigné dans le courant opportuniste et défaitiste qui a emporté quelques cadres du Parti, après l´assassinat du Secrétaire général de l´U.P.C. et le ralliement de Mayi Matip. Ndoh était à l´époque Secrétaire général de la Section de France de l´U.P.C. A ce titre, la Section le chargea d´une double mission au Kamerun en 1959. La première, ce fut le Congrès Pan Kamerunais des étudiants tenu à Yaoundé au mois d´août. Organisé et financé par le gouvernement néo-colonialiste de M. Ahidjo, ce congrès se prononça contre la lutte armée, qualifiée de terrorisme et de banditisme, etc., et confia au gouvernement fantoche d´importantes tâches telles que la rédaction de l´Histoire du Kamerun... Dans son rapport de mission, Ndoh Michel justifia ces prises de position réactionnaires en prétextant le faible niveau politique des étudiants de la zone occidentale. Quelle injure à des étudiants dont la majorité a cependant prouvé par des faits sa détermination révolutionnaire ! En réalité, Ndoh défendait sa propre ligne politique favorable au triomphe du néo-colonialisme.
Cela ressort nettement de la partie de son rapport relative à sa deuxième mission, celle auprès du traître et assassin Mayi Matip. Différents documents de la Direction avaient mis le Parti et le Peuple Kamerunais tout entiers en garde contre les activités contre-révolutionnaires [PAGE 20] de Mayi Matip. Au lieu de suivre ces directives, le Secrétaire général de la Section de France l´entraîna à s´ériger en arbitre et en conciliateur entre le Bureau du Comité Directeur et le militant traître Mayi Matip. Cette attitude ne découlait pas simplement d´une carence idéologique et d´une incapacité à distinguer entre ce qui est juste et bon et ce qui est faux et mauvais pour la Révolution; on avait affaire à une indiscipline caractérisée, à une violation flagrante des principes du centralisme démocratique, dictées par la passion de faire triompher la ligne défaitiste et néo-colonialiste de Mayi Matip. C´est ce que montre nettement l´appui ouvert donné par Ndoh à cette ligne contre-révolutionnaire. Voici un passage particulièrement éloquent du rapport de mission qu´il a soumis à la Section « Le problème Mayi est sérieux, complexe. Le Chef de liste des députés de la Sanaga-Maritime jouit dans sa région d´une popularité incontestée. Si hors de la Sanaga-Maritime, à Yaoundé ou à Douala par exemple, on trouve certains ressortissants de cette région ouvertement opposés à la politique de Mayi, c´est une approbation quasi-générale que l´on rencontre à l´intérieur même de la région, et cette approbation n´est nullement obtenue par la menace. Cette situation un homme politique ne peut ne pas en tenir compte et encore qu´il s´agit d´une région où la maturité politique des masses (jusqu´aux coins les plus reculés) est à un niveau relativement élevé. Que Mayi entretienne un mystère sur les conditions de la mort du Secrétaire général de l´U.P.C., voilà un fait qui ne manque pas d´intriguer tous les Kamerunais. Mais y voir d´emblée une preuve éclatante de son implication dans le complot semble conclure un peu trop vite ».
Quel scandale de lire de tels propos sous la plume du Secrétaire d´une Section de l´U.P.C. aussi importante que celle de France! En effet, même sans séjourner au Kamerun comme Ndoh Michel, tout cadre révolutionnaire digne de ce nom pouvait à l´époque dénoncer les crimes et la trahison de Mayi Matip en s´appuyant sur des faits nombreux et bien établis. C´est ce qu´entreprit le camarade Ndongo Diye dans un article publié par « La Voix du Kamerun » no de janvier-février 1960. Cet article souligne notamment les faits suivants :
1o C´est deux jours après l´assassinat de Um que [PAGE 21] Mayi Matip est sorti du maquis et a commencé sa campagne nationale de capitulation;
2o D´après ses propres récits, Mayi Matip a assisté à l´odieux assassinat de Um et il a pu quand même sortir du maquis sain et sauf;
3o Le gouvernement de Yaoundé a alors voté une loi d´amnistie au profit de Mayi Matip cependant que des milliers de patriotes continuaient à gémir dans les prisons, notamment en Sanaga-Maritime...;
4o Partant de ces constatations, Ndongo mettait en doute la prétendue popularité de Mayi Matip, d´autant plus que Ndoh Michel ne s´était même pas donné la peine de mener une enquête sur place en Sanaga-Maritime...
Bref, Ndoh Michel se comportait ouvertement comme le propagandiste zélé d´un assassin, d´un traître et de sa politique néo-colonialiste.
Dès lors on comprend pourquoi la Direction de l´U.P.C. critiqua sévèrement la Section de France et les activités de son mandataire au Kamerun; elle leur demanda de faire leur autocritique et de prendre toutes autres mesures de redressement requises par les principes du Parti. A la suite de ce courant hostile à la trahison de Mayi Matip, à l´indiscipline et à l´inconséquence de la Section de France, la Section organisa une réunion d´explications, de critique et d´autocritique. Ndoh Michel présenta son autocritique, et la Section l´accepta, en particulier sur l´insistance de Woungly qui prit énergiquement la défense de Ndoh et s´opposa à son exclusion. Le Président de la Section, Tchaptchet Jean-Martin devait par la suite adresser au Bureau du Comité Directeur une lettre l´invitant chaleureusement à entériner les décisions de la Section, conformément aux principes du Parti. C´est ainsi que s´est formé en France le noyau des comploteurs qui aujourd´hui, cherchent à liquider les dirigeants de l´U.P.C.
Dans ce tandem, les Woungly ont trouvé un idéologue en Tchaptchet Jean-Martin. Vieil interprète sous le régime colonial, son père a été et demeure un des agents les plus dociles de l´exploitation impérialiste; c´est lui-même qui a enseigné à son fils à servir de façon extrêmement sournoise et camouflée les ennemis du peuple kamerunais. C´est ainsi que sur les bancs de l´enseignement secondaire, Tchaptchet avec bien d´autres de sa région natale, se retrouvent parmi les indicateurs de police. [PAGE 22] Blâmés à Paris en 1954 par le Vice-Président Kingue, ils s´excusent en alléguant que sans ce travail sordide, ils n´auraient pu obtenir des bourses d´études pour la France. Ils font leur autocritique et s´engagent à militer désormais aux côtés du peuple kamerunais. Effectivement, Tchaptchet se signale la même année par un poème contre la domination coloniale symbolisée au Kamerun par le drapeau français. En 1960, il accède à la Présidence de l´importante Section de France de l´UP.C. C´est à ce titre qu´il va rencontrer Moumie à Genève en octobre de la même année. Il joue auprès du Président un rôle des plus tristes. Moumie, Tchaptchet et Bechtel soupaient à trois quand Moumie se leva de table et fit un tour aux toilettes. A son retour, il vint achever de vider son verre et déclara que son vin avait un goût amer. Le lendemain, le thallium l´emportait visiblement dans une mort lente caractérisée par une paralysie qui l´empêchait déjà de descendre de son lit. Pourtant Tchaptchet le laissa seul à l´hôtel et rentra en France. Naturellement, il n´alerta personne, même pas la Direction du Parti ou tout simplement la Section de France de l´U.P.C. C´est ainsi qu´à cause de Tchaptchet, Moumie a lutté seul contre la mort sans l´assistance de l´un des nôtres...
Cette attitude de Tchaptchet prouve nettement sa complicité dans ce crime odieux. Pourquoi n´a-t-il alerté personne ? Ayant constamment travaillé avec Moumie durant les jours qui précédèrent le dîner fatal à la « Petite Auberge », il était mieux placé que quiconque sinon pour empêcher l´empoisonnement du moins pour aider la police à mener l´enquête. Au lieu de cela, il s´enfuit en France, exactement comme Bechtel, à cette différence près que lui, parce que non officiellement soupçonné, revint à Genève quand la presse commença à mentionner son nom. Même alors il ne chercha nullement à faciliter l´enquête.
Tout au contraire, il s´efforça de nous dérouter complètement en concentrant toutes les accusations contre Liliane, la secrétaire de Moumie. Il fallut attendre que nous le pressions de questions pendant six jours pour qu´enfin il nous raconte, en l´enjolivant d´ailleurs, le dîner à trois entre lui, Belchel et Moumie.
Ce n´est qu´à la lumière des derniers événements d´Accra que nous comprenons aujourd´hui le bien-fondé des soupçons formulés avec insistance par la police genevoise [PAGE 23] contre Tchaptchet. Aujourd´hui également, nous nous demandons plus que jamais qui d´autre a pu tremper dans cet odieux assassinat.
A part les forces extérieures à l´U.P.C., Woungly, ami intime de Tchaptchet, n´en savait-il rien ?
Woungly Massaga. Quand, pour la première fois, en juillet 1960, Bechtel rencontra les trois dirigeants de l´U.P.C. à Accra, Moumie lui demanda qui au juste lui avait indiqué où il se trouvait. Bechtel répondit évasivement; puis sur l´insistance de Moumie, il précisa qu´il détenait ses informations d´un étudiant qui avait rencontre Moumie à Zurich au courant de l´année. Après notre séparation d´avec Bechtel, Moumie nous apprit qu´effectivement il avait rencontré Woungly à Zurich et l´y avait chargé de rédiger la brochure « Réponse à deux questions ». Woungly écrivit effectivement cette brochure dans le sens indiqué par le Président. Mais Moumie ajouta aussi que Woungly lui avait amèrement reproché d´avoir abandonné sa cousine Jeannette en faveur de la camarade Marthe Moumie. Il existait donc déjà un différend d´ordre familial entre Woungly et le Président de l´U.P.C. Certes après cette rencontre Woungly fut « expulsé » de France. Mais c´est sans doute parce que les impérialistes l´ont jugé plus utile en Afrique qu´en Europe. En effet dès son arrivée à Accra, sa femme, une Française, a immédiatement établi des contacts étroits avec l´Ambassade de France. Nous ne savons pas d´ailleurs si ces rapports ont complètement cessé. Toujours est-il que dans une de ses lettres au camarade Kingue, le camarade Ouandie, du maquis, se plaint que l´état-major de l´armée française au Kamerun et le gouvernement fantoche de Yaoundé suivent journellement les activités du Secrétariat administratif installé à Accra. En réponse, Woungly et Michel Ndoh ont voulu rejeter sur d´autres la responsabilité de ces fuites, alors que les secrets dévoilés avaient été discutés uniquement entre eux-mêmes et le Vice-Président Kingue. Certains de ces secrets, tels que les numéros des passeports des camarades transitant à Accra, étaient même ignorés du camarade Kingue...
Signalons aussi en passant que citoyen français, le père de Woungly joue depuis longtemps un rôle de premier plan dans le régime de domination et d´exploitation [PAGE 24] imposé au peuple kamerunais. Adjoint au chef de région de Kribi sous le colonialisme classique, il est aujourd´hui Préfet de Kribi et l´un des conseillers militaires de Barbatoura Ahidjo. D´après les déclarations de Mme Woungly elle-même, une partie de l´argent volé par son beau-père aux travailleurs kamerunais était régulièrement virée à Woungly en France et même en Afrique après leur expulsion de France.
Voilà quelques faits authentiques sur les principaux comploteurs kamerunais qui viennent de tenter de liquider la Direction de la Révolution Kamerunaise.
Comment des éléments aussi liés à l´impérialisme peuvent-ils animer une organisation anti-impérialiste, anti-néo-colonialiste et réellement révolutionnaire ? Telle est la question que l´on est en droit de se poser non seulement à propos du soi-disant « Comité Révolutionnaire » mais encore a propos du Secrétariat administratif de l´U.P.C. où ces éléments subversifs viennent d´assumer de grandes responsabilités. Pour répondre correctement à cette importante question, il faut avoir présente à l´esprit la vérité suivante : c´est seulement de façon progressive que les Woungly, les Tchaptchet et leurs complices ont révélé leur visage hideux d´agents du néo-colonialisme. Bien sûr, certains de leurs actes passés ont revêtu une gravité particulière. Mais il faut aussi noter les faits suivants :
1. après chaque faute, ils ont fait une autocritique considérée comme sincère;
2. grâce à cette autocritique, et à d´autres actes objectivement progressistes, ils ont réussi à gagner la confiance de la Section de France de l´U.P.C. La Section les a portés aux postes de responsabilité les plus élevés.
Ne disposant sur eux d´autres informations que celles fournies par les membres de leur Section et d´autre part soumis aux principes du centralisme démocratique, les dirigeants de l´U.P.C. n´ont pu eux aussi que leur faire confiance, d´autant plus qu´ils sont arrivés en Afrique comme des victimes d´une expulsion arbitraire prononcée contre eux à la suite des activités révolutionnaires de leur Section;
3. la confiance des dirigeants de l´U.P.C. a pu d´autant plus facilement être trompée que ces agents du néo-colonialisme ont, à partir de Paris, bénéficié de l´appui total d´un gouvernement ami et anti-impérialiste. [PAGE 25] C´est en effet l´Ambassade du Ghana en France qui leur a donné l´asile quand ils ont appris la décision d´expulsion prononcée contre eux. C´est encore cette ambassade qui les a aidés à nous rejoindre en Afrique. Qui, à notre place, aurait pu soupçonner le Gouvernement ghanéen de soutenir des agents du néo-colonialisme ?;
4. du reste un autre point particulièrement important doit retenir notre attention : de nombreux faits prouvent de façon irréfutable que depuis notamment 1962, certaines forces extérieures à l´U.P.C. et hostiles à la ligne révolutionnaire de la direction ont déployé des efforts tout particuliers pour se créer des agents au sein de notre Parti, et tout spécialement parmi les secrétaires administratifs...
De toute façon, il a fallu attendre la naissance et les activités du « Comité Révolutionnaire » pour nous aider à voir très clairement que les Woungly sont décidés à liquider les dirigeants et les cadres révolutionnaires de notre Parti et à s´emparer de la direction au profit des ennemis de notre Révolution.
B. - Le Comité Révolutionnaire, un instrument du néo-colonialisme créé à Accra
Statutairement, la direction de l´U.P.C. ne peut être élue que par un congrès.
Que ce congrès soit ordinaire ou extraordinaire, il ne peut être préparé que par le Bureau du Comité directeur et convoqué par le Comité directeur lui-même (art. 19 à 23 des Statuts de l´U.P.C.). D´autre part la tradition de l´U.P.C. veut que le procès-verbal des élections des organismes dirigeants soit porté à la connaissance des militants. Le prétendu Comité Révolutionnaire de la clique des Woungly est-il né conformément à ces principes ? Absolument pas.
1o) Depuis les odieux assassinats du Secrétaire général et du Président de l´U.P.C., les seules personnes habilitées à préparer la tenue d´un congrès sont les deux vice-présidents Kingue et Ouandie. Or les deux vice-présidents étaient en parfait accord et entretenaient des liaisons régulières. Le dernier contact entre eux a eu lieu en juillet, c´est-à-dire moins de deux mois avant la prétendue Assemblée Populaire du 13 septembre 1962. A l´occasion de ce dernier contact, le camarade Ouandie n´a nullement signifié à son collègue son intention d´organiser [PAGE 26] un congrès extraordinaire à une telle date.
Voilà pourquoi Kingue a organisé pour la même date la tenue à Accra d´une session élargie du Secrétariat administratif. Impossible à expliquer par l´absence de liaisons, la convocation éventuelle de deux réunions importantes mais simultanées par les deux dirigeants ne peut s´expliquer que par une rupture totale entre eux. Certains ont effectivement supposé que le vice-président Ouandie a pu de sa propre autorité et à l´insu de son collègue, convoquer des assises aussi importantes. Une telle supposition relève de la plus haute fantaisie, sinon de la mauvaise foi la plus caractérisée. Car il est de notoriété publique que les deux dirigeants sont parfaitement d´accord aussi bien sur la ligne politique du Parti que sur les problèmes d´organisation. Il faut donc rejeter catégoriquement toute pseudo-explication ou information tendant à diviser une direction monolithique.
D´ailleurs, cette tentative de division s´effondre toute seule devant l´impuissance des Woungly à apporter la moindre preuve de leurs contacts avec Ouandie.
2o) En effet, dès la proclamation du « Comité Révolutionnaire », tout le monde a demandé à ses membres les preuves de leur élection, à savoir le procès-verbal des élections ou du moins un mot écrit et signé de Ouandie. Un des tout premiers à poser ces questions oralement et par écrit fut le camarade Osende Afana, inclus à son insu et contre son gré dans le « Comité Révolutionnaire ».
Quelle réponse lui donnèrent ses «collègues » ?
« Le messager qui a apporté cette heureuse nouvelle, dit Nicanor, avait aussi des documents qui lui ont été volés pendant son sommeil à la frontière ghanéo-togolaise. Nous voulons lui donner de l´argent pour qu´il retourne vite à l´endroit du vol ». D´autres, tel que Ndongo Ndiye, se contentèrent de répondre qu´il est mal placé pour dire quelles raisons l´ont amené à rallier le « Comité Révolutionnaire ». Face aux organismes du Parti et à certains gouvernements qui posaient des questions analogues, le Secrétariat administratif érigé en direction politique, garda pendant six mois un silence extrêmement significatif de l´embarras où se trouvaient les comploteurs.
Finalement au mois de mai 1963, ils sortirent une déclaration et des photos émanant d´une prétendue « Deuxième Assemblée Populaire » tenue au maquis sous [PAGE 27] la présidence de Ouandie et qui, entre autres décisions, renouvelait l´entière confiance du peuple kamerunais au « Comité Révolutionnaire ». Mais chose étrange : malgré l´insistance de leur « collègue », des militants et de plusieurs gouvernements, malgré surtout les demandes réitérées du vice-président Kingue après sa libération, les membres du « Comité Révolutionnaire » n´ont pas pu jusqu´à ce jour produire une simple note signée de Ouandie. Ils se sont bornés à publier des « Déclarations », à arranger et multiplier quelque part en Europe, de vieilles photos prises dans les archives du Parti à Accra. Aussi bien, Kamen Sakéo, membre du Comité Directeur de l´U.P.C., Monique Kamen, vice-présidente de l´U.D.E.F.E.C. et Ndjog Aloys-Marie, secrétaire à la propagande de la J.D.C., ont-ils eu raison quand, au nom de leurs organisations respectives, ils ont déclaré dans leur communiqué conjoint du 21 février 1963 : « L´absence de procès-verbal de constitution, la désignation des dirigeants qui se trouvent tous à l´étranger, les versions contradictoires de cet « événement », tout cela a fait de cet « événement » une énigme. Car nous, qui représentons ces organismes et organisations, qui auraient au pays opté pour leurs nouveaux dirigeants, nous n´avons pas été informés de cette importante session du Parti, ce qui n´est pas normal et statutaire. Dès lors tout laisse à croire que c´est une chose artificiellement montée par les ennemis de notre Révolution ».
3o) Effectivement, nous disposons de plusieurs documents attestant clairement que la création du « Comité Révolutionnaire » est l´œuvre d´éléments dévorés par des ambitions personnelles.
En février 1962, un conflit sérieux opposa le Secrétariat administratif au Comité Central de l´U.P.C. à Accra. Au lieu de s´en tenir aux principes du Parti, d´analyser scientifiquement la situation et de soumettre des propositions de solution au Bureau du Comité Directeur, le Secrétariat administratif en la personne de Woungly Massaga et Ndoh Michel, s´arrogea le droit de résoudre lui-même le différend par une décision illégale et bureaucratique qui prétendait dissoudre le « Comité central ». Les prétentions au leadership du groupe Woungly-Ndoh Michel sont clairement exprimées en ces termes dans leur prétendue décision : « Considérant la situation [PAGE 28] née à Accra où le Comité Central de Tchinda Maurice entre en rébellion ouverte contre l´autorité du Secrétariat administratif, organisme dépositaire des pouvoirs de la direction du Parti en l´absence des membres du Bureau du Comité Directeur ». En vertu de quoi le Secrétariat administratif peut-il s´arroger les pouvoirs de la direction ? A l´U.P.C., seul un congrès, ordinaire ou extraordinaire, a le pouvoir d´investir les dirigeants. D´autre part, dès la nomination des Secrétaires, il était bien entendu que le Secrétariat est un organisme essentiellement administratif placé sous les ordres de la direction.
Seules les ambitions personnelles de la clique des Woungly pouvaient donc les amener à se considérer comme les dépositaires des pouvoirs de la direction en l´absence des membres du Bureau du Comité Directeur de l´U.P.C.
Un peu plus tard, les faits devaient d´ailleurs prouver les intentions véritables de la clique des Woungly : se substituer à la direction statutaire de l´U.P.C. Au mois de juin 1962 déjà, Woungly et Ndoh Michel tinrent à Accra une réunion au cours de laquelle ils essayèrent de convaincre leur collègue Fosso François qu´on devait créer un « Comité Révolutionnaire » destiné à remplacer le Bureau du Comité Directeur et dont serait éliminé le vice-président Kingue Abel. Au terme de la réunion, ils rédigèrent un aide-mémoire à l´intention de leurs collègues absents. Tchaptchet Jean-Martin et Njiawue Nicanor. Depuis les événements de septembre 1962 à Accra, ce document se trouve entre les mains de la police du Ghana. On y lit ceci :
1o) Créer un Comité Révolutionnaire présidé par O.E.K. liquidé.
2o) Prétexte pour l´ouverture du conflit :
a) Kingue doit convoquer immédiatement une réunion du Secrétariat et donner de l´argent pour l´aménagement du terrain...
b) S´il ne donne pas l´argent et ne tient pas la réunion avant son départ pour Moscou, l´occasion est faite pour l´ouverture du conflit.
c) S´il s´accomplit notre exigence alors, le conflit est retardé.
3o) Tchaptchet et Fosso devront commencer dès maintenant la campagne d´éclaircissement auprès des militants [PAGE 29] de Conakry et nous tenir régulièrement au courant du développement de la situation. Tchaptchet et Fosso rédigeront le programme du C.R. qu´ils signeront. Nous le signerons à notre tour dès qu´il nous parviendra. Seul « Fermèté » doit connaître ce plan.
Si Jean-Marie connaît ce plan nous sommes foutus.
4o) Njiawue Nicanor doit prévenir la Section de France que le conflit est ouvert. Il est également chargé de mener la campagne auprès des étudiants dans les pays socialistes.
Ce texte se passe de tout commentaire : il est clair comme du cristal que les promoteurs du « Comité Révolutionnaire » entendaient à tout prix s´emparer de la direction de l´U.P.C. même au prix des luttes les plus fratricides. D´où le sursis conditionnel prévu pour Kingue et les campagnes de division et de haine à organiser dans différents milieux upécistes. La principale tâche assignée à Nicanor, à savoir : « prévenir la Section de France que le conflit est ouvert » prouve même qu´il s´agit d´un complot fomenté de longue date par les Woungly, Ndoh Michel et Tchaptchet du temps où, étudiants, ils dirigeaient la Section de France de l´U.P.C. La principale question à tirer au clair maintenant consiste à savoir avec le concours de quelles forces extérieures ce complot a été organisé, car il est absolument certain que les Woungly tout seuls ne pouvaient assumer la lourde responsabilité de s´attaquer ainsi à un dirigeant révolutionnaire aussi populaire que Kingue Abel.
De toute façon, c´est donc à Accra et non au Kamerun que le « Comité Révolutionnaire » a été créé par Woungly Massaga, Ndoh Michel, Njiawue Nicanor, Tchaptchet Jean-Martin et Fankam Emmanuel dit Fermèté. Le texte même du complot dont nous venons d´indiquer les grandes lignes, montre clairement les objectifs criminels et contre-révolutionnaire de cet organe du néo-colonialisme: il s´agit dans une première phase de liquider le vice-président Kingue exactement comme Moumie a été liquidé avec la complicité de Woungly et de Tchaptchet. Puis, conformément aux plans des impérialistes, devait nécessairement intervenir la liquidation des autres dirigeants et cadres de la Révolution, pour achever d´ouvrir la voie à l´instauration d´un régime néo-colonialiste apparemment dirigé par des responsables de l´U.P.C., âme immortelle [PAGE 30] du peuple kamerunais. Tel est le plan diabolique qu´avec un acharnement et des espoirs tout particuliers, les Woungly se sont efforcés de réaliser à partir de ce jour où Woungly refuse de transmettre au vice-président Kingue l´ordre du président N´Krumah demandant à tous les Combattants de la Liberté de remettre leurs armes aux autorités. Cette attitude visait en effet à laisser croire au Président que le camarade Kingue continuait à garder des armes pour s´en servir contre lui, en collusion avec les contre-révolutionnaires ghanéens. Ce qui, selon les prévisions des Woungly, devait nécessairement entraîner l´arrestation de Kingue, et sa condamnation à mort. Pour l´essentiel, les activités du « Comité Révolutionnaire » tendent effectivement à présenter Kingue et d´autres vrais nationalistes kamerunais comme des agents de l´impérialisme coupables d´avoir participé aux récents complots contre le régime du Ghana et la vie du Président N´Krumah.
C. – Les activités contre-révolutionnaires du « Comité Révolutionnaire »
La prétendue nouvelle direction de l´U.P.C. formée par Woungly et ses complices a été proclamée à Accra début novembre 1962. Aujourd´hui, l´année 1963 expire. Quel bilan le « Comité Révolutionnaire » peut-il présenter au peuple kamerunais et au monde entier. Un bilan terriblement négatif!
Dans leur document de 28 pages cité plus haut et intitulé : « Après les événements d´Accra, où en est la Révolution Kamerunaise ? », ils s´assignent les tâches immédiates suivantes :
« Les principales tâches de l´heure consistent à redonner à l´U.P.C. son caractère d´organisation d´avant-garde, son rôle de guide effectif de toute la Révolution Kamerunaise.
Pour atteindre ce but, nous devons consacrer le maximum de nos efforts à l´organisation et à l´éducation :
1o ) Organiser le Parti...
2o) Organiser l´Armée de Libération Nationale...
3o) Eduquer les militants afin de les armer idéologiquement... ».
Ce sont exactement les objectifs contraires que les Woungly ont poursuivis et partiellement réalisés jusqu´à ce jour. [PAGE 31] D´abord, leur analyse de la situation est basée sur une erreur – peut-être volontaire – d´appréciation sur le rôle de l´U.P.C. Notre Parti n´a jamais cessé de jouer son rôle d´avant-garde et de guide effectif de toute la Révolution Kamerunaise. Tout au contraire, la sauvage répression qui s´abat sur les masses laborieuses du Kamerun et l´échec total subi par les forces de la troisième voie ont clairement montré au peuple que la seule voie pour sa libération est celle tracée par l´U.P.C. à savoir la lutte par tous les moyens pour l´avènement d´un Kamerun totalement indépendant et réunifié, démocratique et prospère dans le cadre d´une Afrique complètement libre et unie.
Ensuite, comment le « Comité Révolutionnaire » pouvait-il tirer l´U.P.C. de ses difficultés, alors qu´il a aggravé les anciennes et en a même créé de nouvelles ? Non seulement, il n´a pas organisé le Parti et l´Armée, mais encore ses activités ont essentiellement consisté à désorganiser le Parti et l´Armée, à les discréditer, à les isoler et à organiser la liquidation des dirigeants et des meilleurs cadres de notre Révolution.
1o) Le « Comité Révolutionnaire » n´a pas organisé le Parti ni l´Armée
C´est là une évidence. Depuis quinze mois qu´ils se sont proclamés dirigeants, ni Woungly ni aucun de ses complices n´ont mis pied au maquis; ils n´y ont fait rentrer aucun combattant ni militant; ils n´ont fait sortir personne pour la formation révolutionnaire dans un domaine quelconque. Ils tiennent d´ailleurs beaucoup trop à leur vie et à leur confort pour songer à rentrer au maquis. De toute façon, ils ne connaissent pas le chemin qui y conduit ni ceux qui s´y battent. Le seul maquisard lié à leur clique, Fankam Emmanuel dit Fermèté, s´est confortablement installé à Accra avec une femme. Est-ce donc ainsi qu´on peut organiser un Parti révolutionnaire et une Armée de Libération ?
Parlant de l´organisation du Parti et de l´Armée, le « Comité Révolutionnaire » peut prétendre avoir œuvré pour la libération du vice-président Kingue et des autres camarades. La réalité est toute différente. C´est précisément parce que les Woungly voulaient liquider Kingue et prendre sa place qu´ils ont favorisé son emprisonnement [PAGE 32] par exemple en refusant de lui transmettre l´ordre du Président N´Krumah aux Freedom Fighters de remettre aux autorités toutes les armes en leur possession. Voyant réalisée cette première étape de leur complot, ils ont déployé tous leurs efforts pour que Kingue soit retenu en prison et condamné. C´est ainsi qu´ils n´ont pas hésité à l´accuser dans de nombreux écrits d´avoir trempé dans les attentats dirigés contre le Président N´Krumah et son régime. Ils ont même affirmé à beaucoup de personnalités que les crimes et la trahison de Kingue sont devenus trop évidents même pour les autorités ghanéennes; en conséquence, elles ne peuvent en aucun cas le libérer. Cette propagande est correctement reflétée dans ces paroles de leurs représentants publiées dans leur propre Bulletin Intérieur no 2, avril 1963, page 9 : « Parlant de Kingue, nous avons fait savoir que les événements survenus à Accra l´ont emporté dans leurs conséquences. Pour cela, il n´était plus en position d´assumer les responsabilités de dirigeant au sein du Parti ».
C´est cette fausse certitude qui les a poussés à couvrir le camarade Kingue des calomnies les plus odieuses, ainsi que nous le verrons bientôt. C´est également cette fausse certitude d´avoir réussi à écarter définitivement Kingue qui les a rendus arrogants et complètement sourds à tous les appels à l´unité et à la discussion fraternelle lancés par de nombreux organismes et militants du Parti, fidèles à la direction tels que le camarade Osende Afana.
A ce propos, nous devons signaler ici une singulière prétention de Woungly.
Dans leur document du 8 décembre 1962, on lit en page 11 :
« Tous ceux qui s´intéressent actuellement à la politique kamerunaise du Ghana – qu´ils sympathisent avec la Révolution kamerunaise ou qu´ils la combattent – lient automatiquement dans un complexe d´autres éléments, Massaga, H.N. et la Présidence. Ce qui fait que le plan des saboteurs de la Révolution kamerunaise au Ghana vise avant tout à l´heure actuelle la liquidation de Massaga et de H.N., c´est-à-dire la décomposition du complexe tripartite Massaga, H.N., Présidence... ».
Le point à souligner, c´est que Woungly se déclare le bras droit du Président N´Krumah, au moins en ce qui concerne la politique kamerunaise du Ghana. Quelques lignes plus haut, il a commencé par écrire : [PAGE 33] « Qu´il demeure auprès du Président » comme un symbole vivant de son organisation politique, c´est-à-dire le symbole de l´U.P.C.
De deux choses l´une : ou bien ces déclarations sont vraies ou bien elles sont fausses, pour l´essentiel. Dans le premier cas (déclarations vraies), on est en droit de penser que le Président N´Krumah se range parmi les forces qui cherchent à imposer Woungly et sa clique comme dirigeants de l´U.P.C. à la place de Kingue et de Ouandie. Ce que le peuple kamerunais ne peut admettre. Toujours dans ce premier cas, il se confirme nettement que Woungly et ses complices ne voulaient pas la libération de Kingue, mais son maintien en prison, car étant donné l´audience exceptionnelle de Woungly auprès du Premier Ghanéen, les camarades n´auraient pas pu moisir en prison pendant plus de quatorze mois alors que leur innocence était bien établie par la Police et la Cour six mois après leur emprisonnement.
Si par contre les déclarations de Woungly sont pour l´essentiel mensongères, on doit se demander pourquoi le « Comité Révolutionnaire » les a diffusées à travers le monde entier. Etait-ce uniquement pour gagner frauduleusement la confiance du Parti et des organisations amies ? Est-ce que cela ne pouvait pas être aussi un moyen oblique de créer toutes sortes de difficultés au gouvernement ghanéen ? Ce qui, à son tour, devait offrir à certains un prétexte pour détenir nos camarades et créer des difficultés à l´U.P.C. ?
De toute façon, le fait même d´avoir publié de telles déclarations trahit nettement les ambitions des Woungly et leur politique de sape consistant à désorganiser et à isoler l´U.P.C. et le camp de la Révolution Kamerunaise.
2o) Le « Comité Révolutionnaire » a désorganisé l´U.P.C. et le camp de la Révolution Kamerunaise
En se proclamant dirigeants dans les conditions que nous avons dénoncées plus haut, la clique des Woungly a, en premier lieu, tenté de diviser la direction de l´U.P.C. et de la Révolution Kamerunaise. En effet, à en croire ces Messieurs, Ouandie a décidé de former à l´insu de son collègue Kingue et même contre ce dernier, une nouvelle direction du Parti. Celle-ci par sa composition et surtout par sa politique, ne pouvait que diviser le camp de [PAGE 34] la Révolution kamerunaise. Car, à part Ouandie proclamé président pour des besoins tactiques, tous les autres membres effectifs du soi-disant Comité Révolutionnaire sont des intellectuels qui habitent à l´étranger depuis fort longtemps, n´ont jamais milité au pays, et comme tels ne peuvent à eux seuls mobiliser le peuple kamerunais. Le peuple en effet n´accorde sa confiance qu´à des hommes qu´il connaît de longue date comme trempés dans la lutte révolutionnaire au sein des masses. L´annonce de la création du « Comité Révolutionnaire » sans un acte de naissance authentique, et son opposition à la direction statutaire de l´U.P.C. à notre ligne révolutionnaire, ne pouvait donc que semer la division dans nos rangs. Heureusement, les camarades étudiants induits en erreur par les mensonges des Woungly et par les pressions de ceux qui cherchent à nous imposer leur loi, vont sûrement revenir sur la bonne voie en lisant ce document. Heureusement surtout, les forces du Parti à l´intérieur n´ont pas été affectées par ce complot, car au Kamerun même, les mots « Comité Révolutionnaire » n´ont été connus et ne sont connus jusqu´à présent que dans quelques petits groupes en relation avec des Kamerunais étudiant en Europe.
Il n´en demeure pas moins vrai que les Woungly et leurs supporters non kamerunais assument devant l´Histoire la lourde responsabilité d´avoir délibérément semé la division et la confusion dans les rangs de l´U.P.C. &agr
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