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Immortel Um Nyobè, le legs de la refondation, par Dr Simon Nken, historien
13/09/2007
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En commémorant l’anniversaire de l’assassinat Um Nyobe, imposant ainsi son œuvre dans l’historiographie du Cameroun indépendant, nous suggérons la mise en œuvre d’une véritable refondation de ce qui devrait être la république du Cameroun.
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La commémoration du 49è anniversaire de la mort de Rubèn Um Nyobè intervient à une période particulièrement critique de l’histoire du Cameroun ; au moment où l’orientation donnée à l’Etat naissant dès la fin des années cinquante manifeste brutalement les indicateurs d’un tableau d’échec synonyme d’hypothèque de l’avenir des populations, de la vocation de la nation, et surtout remise en question la légitimité de l’existence même de l’Etat. En commémorant l’anniversaire de l’assassinat du légendaire et mythique secrétaire général de l’UPC, et donc en nous imposant de rappeler brièvement les principaux traits de sa personnalité et de son œuvre dans l’historiographie du Cameroun indépendant, nous suggérons la mise en œuvre d’une véritable et durable refondation de ce qui au départ, dans l’âme des nationalistes camerounais, devait être la république du Cameroun. Du colonisé rebelle, au fonctionnaire puis au syndicaliste Cet homme dont le discours, l’action et le sacrifice de la vie traduisent au modèle la personnalité, la fierté et les aspirations les plus intimes du Cameroun, mourut en 1958 en pays bassa, à 52 ans, dans des circonstances aussi troubles que tragiques.
Originaire de Boumnyébél dans l’ancienne région administrative de la Sanaga-Maritime, Rubèn Um Nyobè fut dès la prime enfance contemporaine de la colonisation anglo-française du Cameroun, notamment à travers le vécu de l’inégalité, de la domination, de la discrimination, des humiliations et des souffrances dont les populations indigènes étaient l’objet du système colonial[1][1].
Après un séjour scolaire chez les missionnaires Protestants, il fut reçut en 1931 au concours de l’Ecole Normale de Foulassi, près de Sangmelima, en pays bulu. Renvoyé de cette institution en 1932 pour insoumission, à la suite d’un conflit avec les enseignants de la Mission presbytérienne américaine, il se présenta en candidat libre à l’examen de moniteur indigène auquel il fut admis. C’est ainsi qu’il s’engagea dans la carrière d’enseignant. Mais quelque temps plus tard, en 1935, il fut recruté comme employé dans l’administration des Finances à Douala. Pendant qu’il travaillait, il poursuivit par correspondance le cursus classique des études et en obtint la première partie du Baccalauréat en 1939. Aussitôt après, la même année, Ruben Um Nyobè fut engagé au titre de commis aux Greffes du Tribunal. De Yaoundé où il commença, il fut affecté à Edéa où il passa deux années avant d’être envoyé en 1947 dans le Nord-Cameroun.
Avec l’émergence d’activités syndicales[2][2] dans le pays, Ruben Um Nyobè prit activement part à l’organisation du syndicalisme au Cameroun, fort de l’expérience qu’il engrangea dans les mouvements présyndicaux auxquels il participa auparavant, notamment la Jeucafra (Jeunesse Camerounaise Française) créé en 1938 ou le Racam (Rassemblement Camerounais) né en 1947. A l’issue du premier congrès de l’Union des Syndicats Confédérés du Cameroun (USCC) qui eut lieu à Douala en 1945, Ruben Um Nyobè fut élu secrétaire général du nouveau mouvement syndical.
Préoccupé par la misère du monde ouvrier, il demanda à l’administration coloniale sa mise en disponibilité pour se consacrer totalement à la cause des travailleurs camerounais[3][3]. L’action du nouveau secrétaire général de l’USCC attira un certain nombre de cadres camerounais dans le militantisme syndical. Ce dynamisme politique inquiéta le pouvoir colonial, ainsi qu’il ressort d’un rapport officiel des autorités coloniales françaises et en particulier dans un document rédigé par les services de sécurité et de renseignement en 1947. On y lit à propos de Um qu’il est «Intelligent, il cherche à acquérir par lui même une culture supérieure (…) Depuis les dix-huit derniers mois, il a consacré toute son activité à créer de nombreux syndicats réunis en Union régionale, dont il est le secrétaire général (…) Est l’un des membres les plus actifs du mouvement démocratique camerounais, bien que ne paraissant pas lui même (…) Elément dangereux. Sort très peu, mène une vie retirée, ayant un noyau d’amis très restreint»[4][4].
En qualité de secrétaire général de l’USCC, Um Nyobè se rendit à Abidjan en 1947 au congrès du Rassemblement Démocratique Africain (RDA), et représenta en 1948 les travailleurs camerounais au congrès de la CGT à Paris. A son retour de France, il constate avec regret que l’UPC dont il était l’un des membres fondateurs, traversait une période de balbutiements et de grandes difficultés du fait de l’instabilité de sa direction, à cause des multiples pressions exercées sur Léonard Bouly, le secrétaire général de l’époque[5][5]. C’est alors que Ruben Um Nyobé décida de se décharger de ses responsabilités syndicales pour se consacrer à l’activité politique militante. Au cours d’une réunion extraordinaire du Comité directeur élargi de l’UPC tenue à Douala en novembre 1948, Ruben Um Nyobè fut élu à l’unanimité secrétaire général du parti nationaliste. Patriote, Nationaliste, Stratège et tribun A la prise de ses nouvelles responsabilités à la tête de l’UPC, Ruben Um Nyobè conduisit une délégation de son parti au premier congrès constitutif du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) à Bamako, concertations à l’issue desquelles il fut élu Vice-président au titre du Cameroun, ajoutant ainsi une étoffe continentale à son dessein politique. Il entreprit au niveau national une activité diverse, enchaînant conférences et réunions de discussion sur les débats africains et leur opérationnalisation locale, en dépit de l’interdiction administrative dont ces rencontres seront frappées plus tard. Par ailleurs, il motivera une reformulation du programme de l’UPC dans une orientation opératoire plus pertinente et adéquate, de manière à répondre aux aspirations proches des populations que l’action de proximité qu’il mit en place visait à recueillir et à actualiser.
Le 3 avril 1950, le premier congrès de l’UPC fut organisé à Dschang, dans l’Ouest du Cameroun. Le rôle central joué par Ruben Um Nyobè dans ces assises qui connurent un succès éclatant lui valut d’être arrêté et incarcéré, en compagnie de plusieurs autres membres de la direction du parti. En prison, le Mpôdôl[6][6] -comme on l’appellera affectivement en reconnaissance du rôle d’orientation et de guide qu’il assumait aussi bien pour l’élite politique nationaliste que pour l’ensemble des populations - va transformer son séjour carcéral en une véritable école de formation de cadres politiques ; au-delà des politiques, l’efficacité de cette activité s’étendra rapidement aux prisonniers de droit commun. La réputation de Ruben Um Nyobè se répandit sur l’ensemble du territoire national, son aura et sa renommée atteindront leur apogée critique autour de cette époque… En dehors de l’Administration coloniale et des hommes politiques camerounais assujettis à la France coloniale, Ruben Um Nyobé devint l’icône nationaliste du pays. En effet, cette arrestation de Ruben Um Nyobè dont l’objectif stratégique réel était de l’empêcher de faire acte de candidature aux élections à l’Assemblée nationale française de juin 1951 soulèvera une immense pression populaire qui aboutira à sa libération, après un mois de détention préventive. C’est au cours de l’année 1950, en septembre, soit quelques mois après sa libération, que Ruben Um Nyobè vécut le «repli tactique» d’Houphouët-Boigny et d’autres leaders du RDA. Ce revirement politique de ses pairs du Rassemblement démocratique africain ne signifiait ni plus ni moins que l’abandon de la lutte anticoloniale, et le début d’une collaboration avec l’administration coloniale française. Le nationaliste camerounais et son parti refusèrent de suivre cette capitulation que Um Nyobé considéra comme une véritable trahison de la cause africaine[7][7]. Ruben Um Nyobé ne se borna pas seulement à fustiger l’option du «repli tactique» dans le discours, il entreprit une vaste campagne d’explication autour de ce qui fut à ses yeux le résultat d’une manœuvre de manipulation du pouvoir colonial. C’est dans cette mouvance de retournement de veste politique que Mathias Djoumessi, président de l’UPC de l’époque démissionna du parti, cédant aux promesses et menaces de l’orchestre et des partisans du «repli tactique», ouvrant ainsi une crise au sein du parti, à la veille de la campagne électorale.
Avec courage et constance, Ruben Um Nyobé releva le défi du refus de l’appel coloniale ; il mena la campagne électorale dans l’ensemble de la Sanaga-Maritime sa circonscription de naissance, et des quatorze candidats qui furent en lice et dont il convient de relever que la plupart étaient cautionnés par les autorités coloniales, Um Nyobé fut le seul à parcourir toute sa circonscription, et bien souvent à pieds, parfois dans l’inconfort des carrosseries des camions, afin d’approcher le plus possible les populations, mais aussi pour éviter d’occasionner un maximum de dépenses au parti. Mais dans les conditions organisationnelles et stratégiques de l’époque, les résultats ne furent pas à l’avantage de l’UPC, sans grande surprise. Il semble en effet que le scrutin fut entaché d’une fraude notoire, orchestrée par les autorités coloniales.
Mais pour minimiser les effets de cet échec qu’il estima immérité, le Mpôdôl trouva la parade stratégique dans l’organisation d’un deuxième congrès de l’UPC. Ces assises se tiendront le 30 septembre 1952 à Eséka. Au cours des travaux, le secrétaire général présenta un rapport d’une densité exceptionnelle qui embraya également sur la question de l’unification. Il démonta les arguments de ses adversaires et montra autant la nécessité que les conditions de possibilité de la réunification. Il termina son exposé par la proposition d’un programme politique concret qu’il soumit à la discussion des congressistes. Par la suite, il présenta un rapport au comité directeur de l’UPC, qui sera édité, sur « Les conditions historiques du mouvement de libération nationale dans les pays coloniaux ». Dans cet opuscule, Um Nyobé rappelle l’évolution de la politique coloniale au Cameroun, et indique en toute simplicité la procédure et le plan de l’obtention effective et définitive de l’indépendance. Il dira notamment que « Les reformes prévues sur les papiers sont comparables à des Bons-pour signés par des débiteurs qui sont comparés ici à l’autorité administrante. Si les créanciers que nous sommes ne se dérangent pas pour réclamer leur dû, ils seront trompés par ceux qui ont intérêt à prolonger l’échéance de paiement, en vue de tirer le plus de profits possibles. La lutte des peuples qui nous ont devancés a fait école. Elle nous enseigne que rien ne s’obtient sans union sincère et courageuse, c’est la collaboration fraternelle pour l’intérêt général qui conduisent au succès ».[8][8] Ce discours souleva un tel enthousiasme que les congressistes décidèrent unanimement d’envoyer un délégué à l’ONU afin de poser solennellement à la légitimité internationale le problème de l’unification et de l’indépendance du Cameroun. Um Nyobè fut ainsi mandaté, et partit pour New York où il défendit « Le problème national kamerounais »[9][9]. Coup sur coup, en 1952, 1953 et 1954, il se rendra successivement à New York pour plaider la cause camerounaise devant la Quatrième commission des Nations-Unies. Ces multiples voyages du secrétaire général furent possibles grâce à la souscription nationale.
Idéologue, scribe et mentor de l’UPC Manager de l’UPC et idéologue d’une indépendance totale et inconditionnelle, Ruben Um Nyobé inscrira toute son action politique dans l’optique de la légalité et de la pédagogie politique. Son influence porta l’UPC à axer essentiellement son action sur une double démarche : enseigner et informer pour éclairer le peuple sur ses droits et devoirs. Plus tard, les analystes y percevront la marque de l’enseignant que l’homme fût un temps. En effet, le travail d’explication populaire ou d’éducation politique revêtit pour lui un sens particulier. Il insista pour que chaque dirigeant se forme personnellement par les études, la lecture et l’information permanentes. Et dans ce dessein, il organisa plusieurs sessions de pédagogie politique, notamment au travers de l’école des cadres du parti.[10][10] Dans un premier bilan, on peut dire de Um Nyobè que par sa trajectoire et son action politique, il fut le procureur qui intenta un vaste procès anticolonial contre la France et la Grande-Bretagne, au nom du peuple camerounais. En effet, le chef d’accusation de ce mouvement nationaliste fut désigné en langue bassa et restera célèbre sous la désignation Nkàà Kundè, qui signifie littéralement Le Procès de l’Indépendance ou the Trial for Freedom.
Pour Ruben Um Nyobé, l’indépendance et la réunification du Cameroun n’étaient pas négociables, et devaient constituer, par la libération des jougs politique, administratif et de l’influence culturelle, la condition sine qua non de tout progrès, de tout développement réels. Par la formulation de l’exigence d’une «évolution rapide et de l’élévation du standard de vie du peuple camerounais », l’objectif nationaliste réunissait toutes les revendications populaires aussi bien politiques et culturelles qu’économiques et sociales. Um Nyobé ne se lassa ainsi jamais dans une ambiance sarcastique, de rappeler à ses camarades militants, que «L’indépendance passe avant le pain quotidien journalier (…) L’UPC l’obtiendrait »[11][11].
On peut dire que Um Nyobè fut un passionné de la liberté des peuples et de leur indépendance, tant pour lui la colonisation retardait toute conscience des destins et responsabilités nationaux, et par conséquent de libération des potentiels endogènes, qui créeraient alors le progrès.[12][12]. Mais plus que cela, Um Nyobé a mis toutes ses capacités intellectuelles et son expérience syndicale et administrative au service de l’UPC, et est obsédé sa vie entière par le projet d’un Cameroun libre. Pour J. Achille Mbèmbè, Rubèn Um Nyobè assuma pleinement une triple identité : il fut le scribe[13][13] il fut le mentor[14][14], il fut le tribun[15][15], au service du peuple camerounais.
Ruben Um Nyobé assumera donc avec un dynamisme et une abnégation exceptionnels ses responsabilités politiques de dirigeant du mouvement nationaliste camerounais. Il s’illustrera notamment par la mise en œuvre de campagnes de sensibilisation citoyenne des populations et d’éducation politique des militants à travers le pays. Il apparut comme un tribun charismatique au cours de plusieurs meetings que l’UPC organisa ici et là sur l’ensemble du territoire[16][16]. Par la création en 1954 à Douala de l’Ecole des cadres du parti, Um Nyobé impulsera la pratique d’un empowerment permanent des militants et dirigeants politiques nationalistes, à travers la formation et le débat aux thématiques socio-économiques et politiques diverses, les plus actuelles. Responsable des affaires extérieures, des questions doctrinales et des études politiques au sein du Bureau politique, Um Nyobé dispensa lui-même des enseignements à l’Ecole des cadres, sur des thèmes aussi différents que l’autocritique, la lecture comparative prospective de l’Administration coloniale et d’un gouvernement national, le Cameroun face à l’idée des Nations Unies[17][17], etc.
Ce fut un homme vif à l’esprit sans cesse ouvert à la compréhension du monde qui n’hésita pas à appeler toujours les populations à la formation et à la culture intellectuelles. Au congrès de Dschang, il parla de la « Formation des militants et éducation de la masse, car l’UPC n’est pas une sorte d’Etat-major où l’on discute; c’est un mouvement de masse où les larges couches de la population doivent prendre conscience de leur rôle dans la lutte pour la libération nationale, dans la lutte pour la démocratie et la paix »[18][18].
Comme procureur du peuple, il rédigera des tracts, signera des articles, fera des plaidoiries de toutes sortes, écrira des textes politico-idéologiques, etc. Um Nyobè dénonça avec un engagement constant et sans faille le fait colonial et son injustice, mais surtout aussi l’obscurantisme intellectuel dans lequel il voulut toujours maintenir les populations indigènes[19][19].
Dans ses responsabilités de dirigeant de parti et de leader politique qui se destina à assurer la réussite de la lutte de libération nationale, Um Nyobé dut très souvent user d’un tact remarquable pour minimiser les conflits d’influence au sein du mouvement nationaliste, apaiser les querelles de diverses origines, éviter en permanence la dispersion des militants par les provocations et autres manœuvres de distraction de l’Administration coloniale. Mais il pensait aussi que de la légalité se soustrairait la violence. C’est dans ce sens qu’il invitait les militants de l’UPC à persévérer sans cesse dans l’action pacifique. « L’UPC, disait Um Nyobè, obtiendrait l’indépendance, non par les armes, mais dans le calme et dans le cadre de la Charte des Nations Unies (…) Car la lutte armée a été menée une fois pour toutes par les Camerounais qui ont largement contribué à la défaite du fascisme allemand (…) La population camerounaise doit rester dans le calme. Mais rester dans le calme, s’enquit-il de préciser, ne veut pas dire se désintéresser de la chose de son pays (…) »[20][20]. A court d’arguments et à la recherche de prétextes pour le combattre, ses adversaires politiques le qualifièrent de « suppôt du communisme » et de « rebelle marxiste », affirmant qu’il présentait le danger de promouvoir le marxisme au Cameroun.
Même s’il participa aux cercles d’études sociales par où il approfondit entre autres les préceptes du socialisme, Ruben Um Nyobé ne vit aucune pertinence camerounaise de la lutte des classes ; il présenta clairement et sans équivoque la problématique de la libération nationale, de l’indépendance et de l’unité du Cameroun, et par conséquent la nécessité d’éviter toute confusion ou stigmatisation idéologique avec le communisme. Cela dit, l’UPC bénéficia d’un appui substantiel du Parti communiste français (PCF), mais dans ces rapports entre partis, le secrétaire général sut aménager la distance entre la sympathie, la compréhension, l’amitié et l’appui, et l’identification idéologique structurelle. « On nous traite de communistes, observa un jour Ruben Um Nyobé. Or tout le monde sait que nous ne sommes pas une organisation communiste. Nous ne disons pas cela parce que nous détestons les communistes ou que nous avons peur d’être communistes, mais parce que nous considérons que la lutte pour notre libération nationale n’a pas à tenir de telle ou telle idéologie »[21][21].
Ainsi pour le Mpôdôl, au-delà de la sensibilité mutuelle que les luttes indépendantistes, anticolonialistes et de libération auraient eue avec les idéaux socialistes d’égalité, de justice et de solidarité, l’UPC se préserva jusqu’au bout de tout alignement, ne trouvant le besoin d’aucune appartenance particulière, ni procommuniste ni procapitaliste ou autre. Pour l’époque, Um Nyobé et ses pairs firent ainsi preuve d’un courage politique pour le moins remarquable, et surtout d’une vision efficace de l’Histoire. En effet, s’ils ne firent que rester conséquents avec la valeur en soi des objectifs que se fixa le mouvement nationaliste camerounais, on ne saurait méconnaître que la disqualification géostratégique internationale que le communisme connaît aujourd’hui leur a donné raison.[22][22]
Au début de l’année 1956, contraint et entraîné vers la violence par la force des circonstances et l’efficacité stratégique de la puissance coloniale française, Ruben Um Nyobé fut reclus dans le maquis d’où il coordonnera tant bien que mal avec hésitation l’action armée du Comité National d’organisation (CNO), parfaitement conscient des rapports de force, essayant comme le montre son incessante correspondance avec diverses personnalités[23][23], de trouver les voies et conditions d’un combat juste, essentiellement politique.
Mais avisées des difficultés que le projet colonial rencontrerait sur le terrain politique, les autorités françaises entretinrent la stratégie de la manœuvre qui obligea Um Nyobé à l’intransigeance qui lui coûtera la vie. Rubèn Um Nyobè fut tué le 13 septembre 1958 dans la forêt de Boumnyébél, par une patrouille d’élite des troupes françaises. Plus tard, l’Administration coloniale française et les forces armées ne manqueront pas de reconnaître en lui un homme « intègre et honnête »[24][24].
A New-Bell, quartier populaire de Douala, ou partout dans les villes et villages du Cameroun, enfants et adultes composeront des hymnes à la gloire du Mpodol, chanteront les louanges d’un maquisard devenu héros, par reconnaissance et respect pour le martyr de l’indépendance de la nation[25][25]. L’impact de cette personnalité sur la conscience collective populaire construira même une légende qui fera de Um Nyobé une sorte de messie, immortel. Le sursaut africain au nom de Um Nyobè ? Le nom de Rubèn Um Nyobè revêt une densité psycho-symbolique immense. A l’exemple de tous les pays qui ont émergé, il doit être érigé en repère éternel de la conscience citoyenne et du mouvement de l’Etat au Cameroun. C’est cette référence forte et permanente qui doit, avec d’autres valeureuses rebelles et exemplaires, garantir et légitimer l’appartenance nationale, l’adhésion et la participation des populations à l’Etat, la culture de la république, la gestion quotidienne de l’Etat, et la création du développement.
Le Cameroun paie aujourd’hui le défaut de cette véritable assurance historique. Elle doit être présentée partout, enseignée à l’école, l’éducation citoyenne doit reposer sur elle, pour espérer les premiers résultats d’une amorce durable dans la vingtaine d’années. Autrement, la fatalité de l’échec actuel est irréversible et ira s’empirant. Et qui veut assumer cette perspective de mort ?
Um se présente donc comme une chance. Le sens de sa personnalité représente l’élément dynamogène le plus éminent de transformation de notre destin. Construite par la force de l’œuvre politique, mais aussi paradoxalement par une histoire néocoloniale négationniste coupable et embarrassée à laquelle nous avons jusque-là participé, l’énergie référentielle à Um Nyobè n’a pu être étouffée ; elle a sans cesse augmenté avec le temps. La seule évocation de son nom glace le sang, suggère la méditation, et interpelle la culpabilité d’une domination embarrassée par l’échec.
Mais la signification de cette éminente incarnation de la fierté et de la volonté d’épanouissement de chaque Camerounaise et Camerounais, demeure aujourd’hui encore confuse dans la conscience, l’esprit et l’âme du peuple auquel il faut enseigner instamment le sens de ce que Um Nyobé est un vrai fondateur du Cameroun. Par la situation actuelle du Cameroun, l’histoire réclame avec insistance sa dette. La réhabilitation historique et la consécration civique nationale de la figure de Um Nyobé se veut la valeur de paiement de cette dette. Il s’agit là d’un devoir et d’une exigence politique qui ne s’embarrasse d’aucun autre par comparaison.
Aujourd’hui plus que jamais, Rubèn Um Nyobè doit être au centre des références idéologiques d’une refondation non-négociable de l’Etat : l’actualité d’une prise en charge définitive de son éternité dans la conscience nationale ne s’était jamais posée auparavant avec autant de nécessité et de pression, pour provoquer le sursaut salutaire d’abord pour la survie, et puis pour la vie du Cameroun.
Par r. Simon Nken
Relayé de Afrikara.com
[1] Pour une meilleure compréhension du régime colonial français au Cameroun, lire N’Nah Nsengue d’Ebolowa, le bilan politico –social et économique de l’administration française au Cameroun du mandat à la fin du tutelle (1920-1959), thèse de doctoral en sciences politiques, Université de Paris 8, 1976.
[2] Le décret du 7 août 1944 publié par le Comité Français de Libération Nationale, reconnaissait à l’Afrique noire le droit de constituer des syndicats.
][3] Il convient de faire remarquer que durant la période 1950 à 1952, Ruben Um Nyobé avait mené une existence difficile. C’était en ce moment qu’on lui disait d’aller reprendre son travail. Il s’y refusa, objectant qu’il livrait ainsi le pays à la merci du colonialisme, in Archives du parti communiste français, carton non côté et non daté.
[4] Cité par Paul Yange, Ruben Um Nyobé, secrétaire général de l’UPC, in site : www.grio.cominfo.
[5] Léonard Bouli, avait été la première victime de la pression administrative, déclenchée par le haut-commissaire René Hoffherr. Subitement, il fut affecté à Abong-Mbang, dans l’Est du cameroun, in Abel Eyinga, l’UPC une révolution manquée ? Paris, Edition Chaka, 1991.
[6] Porte-parole ou messager, en langue bassa.
[7] Pour une bonne compréhension de ce dés apparentement du RDA, lire les travaux du colloque international sur l’histoire du RDA, 1987, tome 2., p. 49.
[8] Ruben Um Nyobé, Le problème National Kamerunais, Paris, l’Harmattan, 1984, p. 127.
[9] Ruben Um Nyobé, Le problème National Kamerunais, Paris, l’Harmattan, 1984.
[10] Pour une bonne compréhension de l’école des cadres de l’UPC, lire Simon Nken, la gestion de l’U PC : de la solidarité idéologique à la division stratégique des cadres du mouvement nationaliste camerounais 1948-1962, thèse de doctorat en histoire, Université de Paris 1, 2006.
[11] Ibid
[12] Ibid
[13] Le greffier et l’enseignant du peuple.
[14] Le guide sûr, infaillible, le conseiller prudent du peuple.
[15] Le magistrat chargé de défendre les droits et intérêts du peuple.
[16] le 6 mars à Douala 19 55, le 12 à Yaoundé, le 13 à Nloup, le 14 à Djoum, le 16 à Mbalmayo, le 24 à Boumyébel, le 26 à Nkongsamba, le 27 à Edéa, le 28 à Penja, le 30 à Bafang [16][16]. Et dans la première quinzaine du mois d’avril, Um Nyobé se rendit successivement à AKonolinga, Bengbis, Edéa, Nanga Eboko, Douala, Yaoundé, Obala et Manjo, in la Voix du peuple, n° 8 du 3 mai 1955.
[17] CAOM, affaires politiques, carton 3335, dossier 1.
[18] A. Eyinga, op. Cit.,. p. 36.
[19] Rubèn Um Nyobè aura été l’auteur de plusieurs textes publiés dans Presse du Cameroun, La Voix du Cameroun, L’Humanité, Le Monde. etc. Entre autres, on peut relever « Serviteurs de l’histoire de notre pays », « La politique de tout ou rien ne paye pas… », « Les vraies solutions pour la détente politique et morale au Kamerun », « Les propositions pour l’indépendance et l’unification », « Pas un seul habitant de notre pays qui n’ait une revendication », « La question camerounaise aux Nations Unies », etc.
[20] R. Um Nyobé , op. cit. p. 30.
[21] Ruben Um Nyobé, écrits sous maquis, l’Harmattan, Paris, 1989, p. 60.
[22] Pour un approfondissement des rapports entre l’UPC et le PCF, lire l’article de Simon Nken, réexamen d’un élément controversé de la déligitimation de la lutte pour l’indépendance et du nationalisme camerounais : rapport entre l’UPC et le PCF, inédit.
[23] Notons entre autre: la lettre adressée au Secrétaire Général de l’Organisation des Nations Unies, la lettre sur l’amitié franco-kamerunaise, la lettre sur le dénouement de la crise Kamerunaise, etc.
[24] Lamberton (Colonel ), La pacification de la Sanaga-Maritime au Cameroun, décembre 1957- janvier 1959.
[25] J. A. Mbembe, op. cit. p29 .
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