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Jean Marc Bikoko : L’avant-dernier enfant d’Um Nyobe
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" Je ne vois plus Jongwane Dipoko [pionnier du syndicalisme dans la Fonction publique], c’est lui qui m’avait détecté au parti [l’Upc] ",
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Ce syndicaliste qui revient au devant de la scène sociale est un militant de l’Upc qui veut veiller sur l’éclosion de nouveaux lutteurs. Jean Baptiste Ketchateng
Dans son petit bureau au siège de la Centrale syndicale du secteur public, Jean Marc Bikoko reçoit. Il semble ne devoir plus faire que cela ce jour, après sa bravade face aux gendarmes, à un contre dix. L’homme qui en cette fin de mois de novembre a porté, avec quelques uns de ses camarades des syndicats de la Fonction publique, la revendication d’une revalorisation des salaires des fonctionnaires camerounais est une star ici. Sa casquette rouge à l’effigie du Che, Ernesto Guevarra, lui donne un air de jeune révolté qui pense changer le monde dès demain.
Le gamin de Mvog-Ada et de Mvog-Mbi, les quartiers de son Yaoundé natal, a pourtant grandi et sait bien dans quel sens tournent les aiguilles de l’horloge du monde. Du haut de ses 50 ans, qu’il atteindra le 2 décembre prochain, il se laisse cependant encore aller à des réflexions faussement enfantines. " J’ai dit au Cener [police politique] que le gouvernement devrait nous laisser dire ce qu’ils ne peuvent pas dire aux bailleurs de fonds qui ne voudraient pas qu’on ajuste les salaires des fonctionnaires au coût de la vie. Ainsi, il sera libéré et nous aussi", argue, l’air amusé, ce professeur d’histoire et de géographie.
S’il rit, c’est bien parce qu’il sait que le gouvernement ne l’autorisera " jamais " à lui prêter cette main secourable pour répondre à la pressante demande sociale. C’est ce qu’il a appris à l’école des cadres de l’Union des populations du Cameroun (Upc) où l’étudiant trépignait d’impatience pour faire connaître la " vraie " histoire du Cameroun, celle des luttes sociales et nationalistes, occultée par la version édulcorée du régime d’Ahmadou Ahidjo. Aujourd’hui encore, il revendique, plutôt fièrement, son appartenance à l’Upc, la vraie, celle des " fidèles " à la ligne de Ruben Um Nyobe.
C’est lui qui, le premier, fit prospérer parmi ses compatriotes l’idée que les Camerounais pouvaient vivre dans leur pays en hommes libres et indépendants, gérant eux-mêmes leurs affaires de sorte qu’ils puissent en tirer le meilleur parti. 60 ans plus tard, ce projet que le jeune Bikoko embrassa ouvertement au tournant des chaudes années 90, après avoir distribué sous le manteau et à la faveur de la nuit des tracts " séditieux " contre le régime de Yaoundé, n’a pas atteint son but. La preuve, quand avec ses camarades de la Centrale syndicale du secteur public qu’il préside, il a voulu se faire entendre des députés, le bâton de la répression s’est abattu sur lui.
Corruption Plutôt doucement, parce qu’il n’a passé qu’une journée –si on peut le dire- entre les mains des gendarmes. Et pour les adversaires de Jean Marc Bikoko, qui se recrutent notamment dans le milieu des syndicats des enseignants de la Fonction publique, c’est bien la preuve qu’avec lui, les autorités alternent la " carotte et le bâton ". Et certains d’évoquer " l’affaire du million de Musonge ". Une sordide histoire d’après l’accusé qui ne se refuse pas cependant aujourd’hui à tendre la main à ses contempteurs.
" C’est à l’Upc que l’on a décidé que je devais aller dans un syndicat, dans le cadre du vaste mouvement populaire qu’il fallait créer pour renverser le pouvoir. J’étais donc en mars 1995, le secrétaire général du Syndicat national autonome de l’enseignement secondaire. Je remplaçais en réalité des dirigeants que la répression avait décapités. Nous étions rendus à un point où le bureau était incomplet à cause de la peur des camarades. Un jour, alors que le Premier ministre avait décidé que les syndicats étaient les partenaires du gouvernement dans un dialogue, il nous a remis un million de francs Cfa. Nous étions trois représentants des syndicats. Nous les avons bien pris après lui avoir demandé la raison d’une telle générosité. Pour lui, c’était une contribution à la structuration des syndicats ", se rappelle-t-il.
Jean Marc Bikoko est-il devenu ce jour-là un obligé du Renouveau. Non, rétorque-t-il. " Nous en avons informé nos camarades et la presse. Ils ont monté un coup pour nous éjecter au prétexte que nous étions corrompus. Mais ceux qui souhaitaient désormais prendre des places de direction ont monté cette affaire en épingle. Où sont-ils aujourd’hui ? Leurs syndicats sont dans leurs serviettes ", dit-il. Pourtant, il regrette cet émiettement des forces progressistes. " Je ne vois plus Jongwane Dipoko [pionnier du syndicalisme dans la Fonction publique], c’est lui qui m’avait détecté au parti [l’Upc] ", laisse-t-il entendre, un brin triste. Le militant de "l’arrière-garde " comme il se définit lui-même a-t-il donc pris la grosse tête pour oublier le chemin qui a fait de lui un acteur remarquable de la scène sociale camerounaise.
Jean Marc Bikoko s’en défend. Naturellement. Celui qui a subi les coupures de salaires, les affectations disciplinaires, une radiation de la Fonction publique et une réintégration prononcée par la Cour suprême durant " ces années de lutte ", préfère voir l’avenir. " Il faut, explique-t-il, aujourd’hui, que les politiques essayent de se connecter sur le terrain des luttes sociales. C’est tout ce qui compte désormais. Les rancoeurs du passé, je les ai enterrées. " Mais, comment remobiliser la machine nationaliste qui s’est grippée depuis sa sortie de clandestinité ? " On en discute, confie le syndicaliste. Mais une chose est sûre c’est que nous devons nous battre parce que rien n’est acquis à un peuple s’il ne s’implique pas fortement et s’il n’assume pas ses responsabilités pour se libérer. "
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