[Douala - Cameroun] - 05-08-2008 (Enoh Meyomesse)
Le 13 juillet 2008, le Cameroun fêtera le 53ème anniversaire de l’interdiction de l’Upc, par un décret du gouvernement français, le 13 juillet 1955. Pourquoi cette décision ?
Le 13 juillet 1955, sur décision du gouvernement français, le parti nationaliste camerounais qui réclamait l’indépendance, l’Union des Populations du Cameroun, Upc, était dissout. Le Haut-commissaire de la République française au Cameroun, Roland Pré, avait, pour sa part, promulgué le décret du 13 juillet 1955, par arrêté n°4809 du 15 juillet 1955, ainsi que suit : « L’Union des populations du Cameroun, UPC, ainsi que toutes organisations ou associations qui en émanent ou s’y rattachent directement et notamment la Jeunesse Démocratique Camerounaise, JDC, et l’Union Démocratique des Femmes Camerounaises, UDEFEC, sont et demeurent dissoutes sur l’ensemble du territoire du ministère de a France d’Outre-mer ».
Cette dissolution de l’UPC consacrait la défaite du gouvernement français face à la détermination des Camerounais de réaliser la réunification de leur patrie, et d’obtenir la levée de la tutelle au Cameroun, c’est-à-dire, l’indépendance. Comment en était-on arrivé-là ?
LES CAUSES IMMEDIATES DE LA DISSOLUTION DE L’UPC
Tout avait commencé par la mutation d’André Soucadaux, à Madagascar, haut-commissaire de la République française au Cameroun depuis le 10 janvier 1950, remplacé par Roland Pré le 2 décembre 1954. Cette affectation était, en fait, une sanction, devant l’incapacité manifeste d’André Soucadaux à mettre fin à la revendication de la réunification et de l’indépendance que promouvait courageusement l’Upc et ses organisations annexes, l’UDEFEC, l’Union Démocratique des Femmes Camerounaises, et la JDC, Jeunesse Démocratique du Cameroun, et qui avait gagné tout le Cameroun. Roland Pré avait été choisi au regard de son passé de briseur de mouvements nationalistes, ayant, auparavant, fait ses preuves au Gabon et en Guinée.
Une fois informé du profil du remplaçant d’André Soucadaux, les hommes politiques camerounais de l’époque, à l’instar par exemple de Paul Soppo Priso, président de l’Assemblée Territoriale du Cameroun, ATCAM, avaient, ouvertement, critiqué ce choix du gouvernement français. Mais, ce dernier n’était nullement revenu sur sa décision. Une fois en poste, Roland Pré avait immédiatement renforcé la répression du mouvement nationaliste, multipliant les perquisitions, les rafles, les interdictions de manifestations, etc.
Le 15 mars 1955, à sa descente d’avion, à l’aéroport de Douala, en provenance de l’ONU, Ruben Um Nyobè est accueilli par un mandat à comparaître au tribunal. Roland Pré avait réveillé une vielle plainte déposée contre lui par un Blanc vivant en pays Bassaa et dénommé Gélis. But recherché ? Jeter Ruben Um Nyobè en prison, et l’empêcher de continuer à réclamer la réunification et l’indépendance du Cameroun à travers le monde, notamment à l’ONU. Ce dernier, comprenant parfaitement la manœuvre, décide de ne pas se présenter au tribunal, et c’est ainsi qu’il entre en clandestinité.
Le 22 avril 1955, les Camerounais, pour leur part, posent un acte décisif, qui fera grandement peur à Roland Pré et à tous les colons français installés au Cameroun. Il s’agit de la publication de la déclaration commune.
Que dit-elle ? Il ne s’agit ni plus, ni moins, que d’une proclamation unilatérale de l’indépendance. Elle comportait quatre points : 1/- fin de la tutelle du Cameroun ; 2/- établissement d’une assemblée nationale constituante avant le 1er décembre 1955 ; 3/- mise en place, immédiate, d’un gouvernement provisoire dénommé Commission Exécutive ; 4/- nomination d’une Commission des Nations Unies dans le but de garantir le fonctionnement des nouvelles institutions.
Les organisations patriotiques signataires de ce document sont : 1/- l’Upc ; 2/- l’Udefec, l’Union Démocratique des Femmes Camerounaises ; 3/- le JDC, Jeunesse Démocratique du Cameroun.
Trente jours plus tard, jour pour jour, le dimanche 22 mai 1955, au quartier Mokolo à Yaoundé, Félix Moumié présente, aux Camerounais, le drapeau de leur pays, en lieu et place de celui de la France. Celui-ci est rouge du sang des martyrs de la réunification, de l’indépendance et de la liberté, au Cameroun, du sang de tous les morts de la colonisation au Cameroun, que celle-ci fut allemande, anglaise ou française, du sang de tous les morts des travaux forcés et du régime de l’indigénat au Cameroun. Au milieu du rouge et du drapeau, était gravé un crabe noir, d’où est issu le nom Kamerun.
Félix Moumié, président de l’Upc, avait été chargé, au nom de ce parti politique, de procéder à cette cérémonie, à Yaoundé, capitale du pays. Il est assisté, ce jour-là, d’Ernest Ouandié. Cette manifestation, malgré les intimidations de l’administration, regroupe, selon les chiffres de la police, plus de 1.500 personnes. Chiffre record, lorsque l’on tient compte de la population de la ville de Yaoundé, en 1955 : 50.000 habitants.
Le même jour se déroule, à Douala, une cérémonie à laquelle le haut-commissaire Roland Pré et le gouvernement français tiennent plus que tout. Un ministre a même effectué le déplacement à cet effet. Il s’agit du ministre de la France d’Outre-Mer, Pierre Henri Teitgen. L’objet de la cérémonie ? L’inauguration du pont du Wouri. Pendant que les colons lisent leurs discours et procèdent à la coupure du ruban symbolique, un nombre impressionnant de Camerounais se tient, en face de la tribune officielle, pancartes en mains, sur lesquelles on pouvait lire, en grands caractères : « Merci pour le pont du Wouri, mais, ce que nous voulons c’est la réunification et l’indépendance… » Qu’est-ce à dire ? Que les Camerounais, à la fin des années 50, comme du reste tous les autres Africains, ne désiraient plus qu’une seule et unique chose : la liberté. Et celle-ci passe, naturellement, par le départ des Blancs. C’en était trop.
LE DECLENCHEMENT DES MASSACRES
En fait, Roland Pré recherchait depuis longtemps le moyen de noyer dans le sang la revendication nationaliste au Cameroun. C’est ainsi qu’au mois de mars, il a d’abord fait venir des renforts militaires des autres territoires de l’Afrique Equatoriale Française, AEF, dans le but de préparer l’affrontement militaire avec les Camerounais. Ce jour-là, ce qui devait arriver, arriva. L’armée française ouvre le feu sur les manifestants. Une chasse à l’homme sans précédent se déclenche dans toute la ville de Douala. Il faut exterminer les Upécistes. Dans la ville de Mbanga, des émeutes éclatent également. Là aussi, les soldats français tirent sur les manifestants. Même chose à Nkongsamba, à Loum, et même en Sanaga-Maritime, Edéa, Babimbi, etc.
A Yaoundé, un boy est tué quelques jours auparavant. Les Camerounais décident d’aller porter le cadavre au haut-commissaire, après l’avoir retiré de l’hôpital central où gît son corps. Les soldats français leur barrent la route et tirent. Il y a carnage. Dans la journée, l’Etat d’urgence est décrété à travers le territoire, et un couvre-feu est instauré de 18 heures à 5 heures du matin. Le 13 juillet 1955, le gouvernement français décide la dissolution de l’Upc, de l’Udefec et de la Jdc. Roland Pré a obtenu ce qu’il recherchait…