La pensée politique de Ruben Um Nyobè, ou le Umnyobisme, peut-elle constituer une doctrine politique à part entière, au même titre que d’autres à travers l’Histoire ? Comment cette pensée politique peut-elle redresser le Cameroun, en ce début de 21ème siècle, et en faire un grand pays en Afrique et dans le monde ? La pensée de Ruben Um Nyobè peut se constituer en doctrine politique, au même titre que celles qui ont façonné le monde contemporain, y compris l’Afrique.
La pensée politique de Ruben Um Nyobè, ou le Umnyobisme, peut-elle constituer une doctrine politique à part entière, au même titre que d’autres à travers l’Histoire ? Comment cette pensée politique peut-elle redresser le Cameroun, en ce début de 21ème siècle, et en faire un grand pays en Afrique et dans le monde ?
LE UMNYOBISME COMME DOCTRINE POLITIQUE
La pensée de Ruben Um Nyobè peut se constituer en doctrine politique, au même titre que celles qui ont façonné le monde contemporain, y compris l’Afrique. Bien mieux, elle demeure la seule, de toutes celles qui ont été énoncées au Cameroun, qui soit en mesure de transformer notre pays, au point de lui faire obtenir respect et considération de par le monde. Pour bien mesurer la justesse des propos de Ruben Um Nyobè, il importe de passer, rapidement en revue, les doctrines que ses adversaires politiques ont, pour leur part, élaborées.
Le socialisme africain d’Ahmadou Ahidjo.
La première ébauche de doctrine politique qui a vu le jour au Cameroun, après la disparition de Ruben Um Nyobè, a été celle énoncée au mois de juillet 1962, au congrès de l’Union Camerounaise, UC, à Ebolowa, par Ahmadou Ahidjo, et qui portait pour nom : « Socialisme africain ». En quoi celui-ci consistait-il ? El Hadj Moussa Yaya, secrétaire politique de l’Union Camerounaise, nous l’explique, dans son intervention au cours du 2nd séminaire de l’UC, du 15 au 23 juin 1964 : « le socialisme africain est d’abord, pour nous, une méthode, celle qui consiste à rester ouvert aux apports de l’extérieur, à dresser un inventaire impitoyable des éléments positifs que nous pouvons retenir de ces apports extérieurs, en particulier des expériences socialistes ans d’autres pays. A cet inventaire, il faut ajouter un second, celui des meilleurs éléments de la civilisation négro-africaine. Nous ne construisons pas sur une table rase, ce serait aller sûrement à l’échec. Nous retiendrons ce qui doit être retenu de nos institutions, de notre technique et de nos valeurs purement africaines, voire nos méthodes. Pour faire tout cela, acquis de l’Afrique et apport de l’extérieur, une symbiose dynamique, pour parler comme le président Léopold Sédar Senghor, à la mesure de l’Afrique et du 20ème siècle, mais d’abord de l’Homme. Vous reconnaissez, là, notre méthode socialiste ». Bref, bla-bla-bla.
Ahmadou Ahidjo, lui-même, au bout de quelque temps, a abandonné son discours sur le « socialisme africain », pour en développer un nouveau : le « développement auto-centré ».
Le développement auto-centré d’Ahmadou Ahidjo.
En quoi consistait-il ? Celui-ci reprenait la rhétorique identique du « socialisme africain », mais, sans plus prononcer le mot « socialisme ». Après en avoir clamé les vertus dans ses discours pendant plusieurs années, Ahmadou Ahidjo lui a adjoint deux nouveaux qualificatifs : « endogène », d’une part, et « auto-entretenu », d’autre part. On est donc passé du « développement auto-centré », tout court, au « développement auto-centré, endogène et auto-entretenu ». Comprendra qui pourra.
Une fois Ahmadou Ahidjo évincé du pouvoir, son remplaçant à la présidence de la République est arrivé avec, dans ses bagages, une nouvelle doctrine politique : « le libéralisme communautaire ».
Le libéralisme communautaire de Paul Biya.
En quoi celui-ci consistait-il ? Un remake, pure et simple, du «développement auto-centré, endogène et auto-entretenu » de son « illustre prédécesseur », Ahmadou Ahidjo, ainsi que Paul Biya se plaisait à désigner celui qui l’a fait roi. Un baragouin sur une acrobatique synthèse entre le libéralisme, comme idéologie, et le communautarisme qui caractériserait, selon lui, le peuple camerounais.
Avant d’aborder le « Umnyobisme », comme idéologie, nous nous devons de poser la question suivante ? Quels ont été les résultats obtenus après avoir appliqué ces différentes idéologies ? La réponse est connue de tout le monde : la faillite totale de notre économie, la domination politique de notre pays, la recolonisation pure et simple e notre pays..
Le Umnyobisme.
En quoi consiste-t-il ? On trouve la réponse à cette interrogation dans les différents écrits de Ruben Um Nyobè. Il se présente ainsi que suit : 1/- reconstitution de la patrie camerounaise ; 2/- indépendance nationale.
A- Le reconstitution de la patrie.
Cette idée a vu le jour au lendemain de la division du Cameroun le 4 mars 1916 par les Français et les Britanniques, à la suite de leur invasion conjointe de notre pays, pour en expulser les Allemands. Um Nyobè aura été l’un des personnages qui auront véritablement transformé cette revendication nationale latente en revendication politique majeure. C’est cette revendication qui a pris le nom bien connu des Camerounais, à savoir, la « réunification ».
La réunification selon Um Nyobè.
Um Nyobè, en développant ce thème, n’entendait, nullement, la duperie qui s’est produite le 1er octobre 1961, aggravée, dans un premier temps, le 20 mai 1972, par l’abolition de l’Etat fédéral, puis le 4 février 1984, par l’abolition de la République Unie du Cameroun, et sa transformation en République du Cameroun tout court.
Le 1er octobre 1961, rappelons-le, fut la date de la réunification (la reconstitution) partielle du Kamerun. La partie septentrionale du British Cameroons, a été incorporée au Nigeria le 1er juin 1961.
Cette réunification avait été consécutive à la roublardise du Congrès constitutionnel de Foumban tenu du 17 au 21 juillet 1961. Au cours de ce congrès, alors que la délégation anglophone était venue pour élaborer une constitution commune, donc une toute nouvelle constitution, adopter un hymne national commun, une devise commune, et un drapeau commun, celle-ci s’est vue imposer l’adoption de la constitution de la République du Cameroun (le nom de la partie du Kamerun sous domination française ayant accédé à l’indépendance le 1er janvier 1960) offerte par la France à Ahmadou Ahidjo, avec, simplement, quelques aménagements, l’adoption de l’hymne, de la devise, et du drapeau de la République du Cameroun. Même la capitale de la République du Cameroun a été imposée comme capitale fédérale, alors que les délégués anglophones préconisaient le choix de la ville de Douala pour cela.
A la suite de cette roublardise monumentale, dès lors que la question des accords de coopération (véritables accords d’asservissement) du 31 décembre 1958 signés par Ahmadou Ahidjo avec le gouvernement français n’avait pas été abordée, c’est-à-dire inscrite à l’ordre du jour, il est né, auprès des Camerounais anglophones, le fort sentiment d’être passés, le 1er octobre 1961, de la domination Britannico-nigériane, à une domination française par Camerounais francophones interposés.
Le 20 mai 1972, quant à lui, est l’une des dates les plus sombres de notre histoire. En effet, les Français, à la suite de la nationalisation des avoirs pétroliers français d’Algérie par le président Boumediene, avaient décidé d’entamer l’exploitation du pétrole camerounais, conformément aux accords signés avec Ahmadou Ahidjo le 31 décembre 1958 à la faveur desquels celui-ci octroyait, à la France, tous les minerais solides et liquides (donc le pétrole) contenus dans notre sous-sol. Mais, problème : la nappe véritablement importante de pétrole, au Cameroun, se trouvait au Cameroun occidental, c’est-à-dire dans les actuelles provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Entamer l’exploitation de ce pétrole dans ces conditions, aurait pu déboucher sur une guerre civile comme il venait de s’en dérouler une au Nigeria voisin, de 1967 à 1970.
Seule solution : mettre fin à l’Etat fédéral au Cameroun, et passer à l’Etat unique. Ahmadou Ahidjo a été convoqué, au début du mois de mai à Paris pour se voir intimer l’ordre de s’empresser d’abolir l’Etat fédéral, afin que la France puisse entamer, le cœur tranquille, l’exploitation du pétrole qui se trouve dans l’actuelle province du Sud-Ouest. C’est de cette manière que le Cameroun est passé de la République Fédérale du Cameroun à la République Unie du Cameroun, à la suite d’un référendum au cours duquel il n’y avait que deux types de bulletins de vote dans les urnes : le « Oui » et le « Yes ». Ahmadou Ahidjo, pour sa part, s’est lancé dans une grande mystification. Il s’est mis à expliquer aux Camerounais que ceux-ci avaient « consolidé d’avantage leur unité ». Il avait dénommé cette forfaiture du nom de « révolution pacifique du 20 mai », ce à quoi ceux qui étaient au courant de l’ordre français, rétorquaient : « révolution pétrolière du 20 mai ».
Le 4 février 1984, Paul Biya, pour sa part, mû par un désir profond de concentration des pouvoirs entre ses seules mains et de personnification de ceux-ci, a fait adopter, par le Parlement, la loi n° 84-001 du 4 février 1984 abolissant, d’une part, la République Unie du Cameroun, et donnant naissance à la République du Cameroun, tout court, et d’autre part, le poste de Premier ministre.
La conséquence de ces différentes manipulations de la constitution, non pas au bénéfice des Camerounais, mais bel et bien, soit de la France, soit d’un seul individu, ont abouti, tout bonnement, à la naissance de la Southern Cameroon National Council, Scnc, le mouvement sécessionniste anglophone, et à un sentiment prononcé de duperie profonde de la part des Anglophones du Cameroun, par leurs concitoyens Francophones. Pour tout dire, au Cameroun, de nos jours, nous nous retrouvons face à une réunification d’avantage juridique que sentimentale. Le cœur d’innombrables Anglophones n’y est pas.
Selon Um Nyobè, la réunification du Kamerun était, avant tout, la fusion des cœurs, et non quelque diktat juridique que ce soit. D’autre part, celle-ci supposait la reconstitution, intégrale, du Kamerun, et non partielle, ainsi que cela s’est plutôt produit. Pour réussir cela, Um Nyobè plaçait la réunification avant l’octroi de l’indépendance, et non le contraire. Selon lui, si les choses ne se passaient pas ainsi, le Kamerun courait le risque de ne plus être reconstitué. N’est-ce pas, finalement, ce qui s’est produit ? N’avons-nous pas perdu une partie du Kamerun ?
L’indépendance selon Um Nyobè.
L’indépendance du Cameroun, selon Um Nyobè, ne signifiait, nullement, son adhésion, de quelle que manière que ce soit, à l’Union Française, le grand ensemble politique de la France qui avait succédé à son empire colonial en Afrique Noire et à Madagascar, en 1946. Le Cameroun n’étant pas, juridiquement, une colonie française, mais bel et bien un territoire international appelé à accéder à l’indépendance, il ne devait, en aucune manière, être incorporé dans l’Union Française, comme par exemple le Sénégal, le Dahomey (actuellement Bénin), la Haute-Volta (actuellement Burkina-Faso), etc.
Dans cet esprit, pour que le Kamerun appartint à un ensemble politique de ce type, il aurait d’abord fallu qu’il fut, d’une part reconstitué, d’autre part indépendant, c’est-à-dire libéré de toute domination étrangère.
Le 31 décembre 1958, malheureusement, le gouvernement Ahidjo a signé, avec la France, les premiers accords de coopération, alors qu’il n’était pas encore, ni réunifié, ni indépendant. La suite, tout le monde la connaît : la servitude coloniale s’est poursuivie, mais cette fois-ci par Camerounais interposés, ceux-ci ayant pris la place de Hauts-commissaires de la France au Cameroun, et des administrateurs des colonies français dans notre pays. Les décisions capitales du pays, comme conséquence de cette situation, ont continué à être prises par Paris, et c’est toujours cela qui prévaut jusqu’à ce jour. Bien mieux, les chefs d’Etat camerounais continuent à être convoqués par Paris, pour recevoir des ordres, comme l’étaient les hauts-commissaires de la République française au Cameroun.
L’APPLICATION DU UMNYOBISME AUJOURD’HUI.
Il découle de ce qui précède que la pensée politique de Ruben Um Nyobè, non seulement, est encore entièrement d’actualité, étant donné que la réunification s’est soldée par une réalisation incomplète qui a engendré une vaste frustration, et l’indépendance nationale n’est toujours que juridique, réalité fortement renforcée par la recolonisation, pure et simple, du Cameroun à travers la privatisation des sociétés d’Etat, mais en plus, peut et devrait encore servir de boussole pour un Cameroun à la fois réunifié et indépendant. Pour ce faire, il se présente aux Camerounais, deux chantiers : 1/- repenser la réunification ; 2/- redéfinir notre relation avec l’étranger, et, notamment, l’une de nos trois anciennes puissance colonisatrice, la France. En 1960, nous aurions été véritablement indépendants, que nous aurions, ni plus ni moins, nationalisé Alucam. Cela n’a pas été fait.
De même, aujourd’hui, nous ne pouvons nous prétendre indépendants, lorsque, pour que notre président de la République entreprenne de modifier la constitution dans le but de s’éterniser au pouvoir, il se trouve obligé de lancer le débat depuis Paris, à travers une chaîne de télévision française, au sortir d’un entretien de 37 minutes avec le chef d’Etat français. Comment ne pas penser qu’il était allé présenter, à celui-ci, les contours de son projet, et, surtout, les avantages que pourrait en tirer la France, afin de recueillir, au bout du compte, son aval ?