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03.09.2005
Henri Lottin : Plus Dikongué qu’Eboa
Artiste, le fils du poète disparu ne veut pas être comparé à son père.
Il n’a pas accompagné Tom Yom’s, Bébé Manga, Annie Anzouer et Dinaly qui ont élevé leurs voix pour rendre un hommage mémorable à feu Eboa Lotin au cinéma le Wouri à Douala le 7 octobre dernier. Au cinéma Abbia de Yaoundé, le 14 octobre 2005, ce n’est pas lui non plus qui était sous les feux de la rampe. Cependant, le fils aîné de Emmanuel Eboa Lotin, Henri Lottin n’est pas déçu. D’une voix enrouée, mais ferme, il confie : "Je ne suis pas encore prêt". Dans cette phrase, apparemment anodine, mais lourde de sens, Henri Lottin met tout ce qui a guidé ses actions avant et après le décès de son père.
Quand l’auteur de Bessombè, Mbemb’a mot’a sawa, Martine, Ekon, etc., qui faisait voyager ses notes aux extrémités du sarcasme agrémenté avec son légendaire rire tonitruant, décède le 6 octobre 1997, Henri n’a que 10 ans. Il rêvait de grandir auprès de ses parents. Le sort en a décidé autrement. Il devait se forger un nouveau destin.
D’abord celui d’être un homme. Puis, celui d’héritier du fils d’Eboa Lotin et du petit-fils du Révérend pasteur Adolf Lotin’a Samé. " Je vous avoue que ce n’est pas évident. Tom m’a demandé si je pouvais jouer avec eux, j’ai dit non ! Car une fois qu’on décline mon identité, les gens sont toujours prêt à faire des comparaison. Par principe d’ailleurs je ne joue aucune chanson d´Eboa Lotin. Je n’ai pas besoin des sarcasmes. Je dois diriger une famille de sept personnes et à 22 ans, c’est suffisamment absorbant ", confie Henri Lottin, dans la voix duquel on perçoit quelques pointes de rage.
Sûr qu’il a de la rage. Oui, mais celle de s’affirmer en tant qu’homme, pas comme le fils de tel. Bien qu’il dise sentir la pression de ce que les premiers noms de sa lignée ont apporté dans la musique camerounaise, il dit avec fermeté "vouloir devenir artiste-musicien". Ce qui fait de Henri Lottin un jeune homme au programme très serré. Il doit gérer les activités financières de la famille, suivre ses cours de 2ème année de sciences économiques à l’université de Douala et travailler ses instruments de musique : piano, basse et guitare sèche. Il a 40 h de cours de musique par semaine, auxquelles il ajoute 5h d’harmonie musicale, de technique de guitare et de chant.
Du haut de son mètre 90, Henri explique que "contrairement à ce que l’on pense, ce n’est pas mon père qui m’a amené à la musique, c’est Henri Dikongué à qui je veux d’ailleurs ressembler. Mes autres influences sont Richard Bona et Georges Benson". Pour le moment, il n’y a que sa famille, l’orchestre de l’université, l’Eglise, ses amis et quelques réguliers de cabarets qui profitent du magnifique jeu de guitare du fils d´Eboa Lotin, qui a plusieurs fois accompagné le feu Cyril Effala. Perfectionniste, il voudrait proposer autre chose pour se démarquer de son père. C’est dans cet esprit qu’il travaille depuis un an à la réalisation d’un album avec une amie qui sera uniquement composé de balades et de quelques airs de jazz. Le public devra encore attendre un moment, car les sonorités égrenées doivent d’abord donner satisfaction à Henri Lottin. Un trait de caractère qu’il tient d’Emmanuel Eboa Lotin : " Papa était très drôle, mais il avait horreur de la saleté et du désordre. Quand il composait, il nous envoyait chez notre mère pour avoir le calme, ou il se réfugiait dans un chalet au pied du Mont Cameroun. De cette période sortaient toujours de beaux textes et des mélodies mémorables. C’est cet amour et le respect pour le travail bien fait qu’il m’a communiqué". Même si Henri ne veut pas être comparé à son géniteur, il ne peut pas nous empêcher d’attendre fermement la sortie de son premier album.
Marion Obam
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