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24.10.2005
Le NGUM: redoutable lutteur ou meilleur féticheur
Les festivités du Ngondo sont également le cadre de l´élection du ngum en ce sens que les garçons ont également leur mot à dire à travers la lutte traditionnelle. Tous les ngum des cantons confrontent leur force, robustesse, agilité et astuces lors de la grande veillée qui désignera le ngum des ngum (le champion des champions).
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Mandengue ne se souvient pas de son premier combat. Aussi loin qu´il remonte dans ses souvenirs, il y voit des corps-à-corps acharnés avec les autres enfants de son village natal, et des adversaires qui mordent la poussière(…). Des joutes ludiques accompagnent chaque événement de la vie, naissance, récolte, mariage, enterrement. La règle en est simple: faire toucher la nuque l´adversaire au sol. Elle génère un art compliqué, exigeant puissance et souplesse. Le jeune Mandegue possédait les deux. Très vite, il s´est aperçu qu´il était le plus fort. Son 1,90 mètre et ses quelque cent kilos imposaient respect. Et son agilité lui permettait de terrasser de plus grands et de plus lourds lui. Malgré sa corpulence, son apparence ventripotente, il parvenait à se ramasser sous son adversaire et à le porter dans les airs. Il avait surtout ce don inné de deviner l´autre dès la première prise de contact, d´anticiper ses actions pour mieux le dominer. Mandegue n´a jamais appris à lire et à écrire, mais a toujours su lutter.
Dès lors, il n´a eu de cesse d´aller plus loin défier des adversaires à sa mesure. Qu´une cérémonie soit annoncée quelque part, et le jeune homme faisait ses préparatifs. Sa mère, Moukouri, s´enfermait de longues heures dans la case familiale, répandait le vin au pied des fétiches, et suppliait les esprits de donner la victoire à son fils. Le marabout et les anciens se rendaient sous l´arbre sacré et dispensaient offrandes et incantations. Mandegue se mettait alors en route, couvert d´amulettes et de peintures. A pied, accompagné d´autres jeunes gens, il parcourait des dizaines de kilomètres, chantant, dansant tout le long du chemin. La joyeuse troupe annonçait son entrée dans les villages au son d´une corne. Elle restait là deux jours à s´amuser et à se battre. Mandegue revenait toujours en vainqueur chez sa mère.
Sa réputation s´étendit à toute la région(..). Ses succès, son arrogance démonstrative, ses chorégraphies provocatrices, sa manière de ruer comme un animal qui va charger, plaisaient au public et faisaient peur à ceux qui devaient l´affronter. Seuls des esprits pouvaient le battre. Une année, il tomba gravement malade. Persuadé qu´un adversaire lui avait jeté un sort, plutôt que d´appeler un médecin, il se fit exorciser. Le marabout lui confia un pendentif, une dent de cochon, afin d´écarter les sortilèges. Il ne le quittera plus. Pour plus de sûreté, il déménagea et s´installa loin des influences néfastes, dans la petite ville près de la côte.
A quinze ans, il remportait son premier titre national de lutte, puis un nouveau chaque année. Il devint un des personnages les plus célèbres du pays. Ses combats attiraient des foules de plus en plus nombreuses. Jamais il n´accepta d´argent en cadeau. Des pères enthousiastes lui proposèrent bien leurs filles en mariage, mais lui préférait choisir seul sa femme: à ce jour, il en a quatre, qui lui ont donné cinq enfants. L´aîné, Ewane, a huit ans et se bat bien." Il sera aussi bon que moi ", pense le père. Après chaque tournoi, Mandengue revient près de sa famille, s´occupe de ses deux rizières et cultive également un peu de blé, de maïs, d´arachide et de haricots.
Sa notoriété dépassa bientôt les frontières. A 25 ans, on vint le chercher dans ses champs. Il prit l´avion pour aller participer à un tournoi à l´étranger et termina deuxième de la compétition. L´arbitre avait sifflé le début du combat alors qu´il procédait à ses rituels d´avant-match. Il fut battu un peu par surprise. L´année suivante, il se classa troisième(…). Un autre mauvais souvenir: en demi-finale, il fractura le bras de son adversaire, en deux endroits, et fut disqualifié malgré sa victoire. Il appris les rudiments de la lutte libre olympique, très proche de la technique balante. Trois ans plus tard, il obtint une médaille d´or(..). Il fut appelé dans le cadre du stage préparatoire aux premiers championnats d´Afrique de lutte traditionnelle. Deux jours après le début, il partit chercher un ami dans la brousse. ´Celui-ci avait perdu son fils, et Mandengue resta avec lui pour le consoler. Il disparut trois semaines sans donner de nouvelles, pour ne réapparaître que la veille du départ. A vrai dire, il n´aime guère s´entrainer. Sa carrière risque forcément de s´en ressentir. On lui prédit une retraite précoce. Alors, il retournera combattre dans sa région, là où, il est déjà une légende qu´on raconte aux enfants. Mandengue, le roi des lutteurs, qui gagnait au-delà des mers.
Benoît Hopquin
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