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19.06.2008

Bonendale - d’un village chargé d’histoires 

Il était une fois Bonendale

Autrefois pôle d’attraction, le village situé à quelques encablures de la sortie ouest de Douala, a perdu de son lustre d’antan au point d’être rangé dans les oubliettes. Voyage au cœur d’un village chargé d’histoires.

Un village, deux chefs

De Ndobo à Bonendale, il faut parcourir à moto quelque cinq kilomètres avant d’entrer en plein cœur d’un village au passé plus ou moins glorieux. D’après le patriarche Boney Etame, tout est parti du foyer de Belle Badoo, puissant homme à l’époque à Bonabéri, avec deux femmes : Makolo et Endalé. Les deux ne s’entendaient pas du tout. La radicalisation des positions débouche sur une rupture à la suite d’une énième brouille. Courroucée, Endalé décide de quitter le foyer conjugal. C’est sur ces entrefaites qu’elle se retrouve dans un bled arrosé par un des bras du Wouri en compagnie de ses enfants. C’est elle qui crée ainsi le village qui sera appelé plus tard Bonendale. Makolo qui campe dans la cellule familiale avec sa progéniture est à l’origine du village Bonabéri. Dès lors la séparation physique est consommée entre les enfants de Makolo et de Endalé. Ceux-ci savent néanmoins qu’ils ont un géniteur commun.

Plus loin, une scission sera opérée à Bonendale. Le patriarche Etame raconte que cette séparation remonte à l’époque de Douala Manga Bell qui régnait en maître sur toute la côte, jusqu’à la lisière du Moungo. Ndoumba Njo, l’un des neveux de Douala Manga Bell, était venu se soigner à Bonendale. Une fois guéri, il s’y est installé définitivement. Puis vint un autre neveu. Ndoumbé Diboko qui constate que son frère aîné (Ndoumba Njo) avait pris pied sur le territoire, lui concède de diriger Bonendale 1 puisqu’il y est arrivé en premier lieu. Ndoumbé Diboko devait pour sa part se contenter d’administrer Bonendale 2. C’est ainsi que cette séparation sera entérinée par Douala Manga Bell qui décide de tracer une route qui en fait, matérialise la limite entre les portions.

Hier : la belle époque

L’évocation de cette bourgade aux générations des années 70-80 ne va pas sans leur laisser une pointe de nostalgie. Et pour cause, le village est devenu aujourd’hui l’ombre de lui-même. Illustrations. Bonendale, véritable don de la nature, a eu le privilège d’être situé le long d’un des bras du Wouri. Pour tirer meilleur profit de cet avantage, il avait été construit un site touristique en bordure de plage qui attirait en son temps grand monde. Le tout en marge d’intenses activités de pêche dans lesquelles plusieurs jeunes s’engouffraient. “A l’époque je partais de Yaoundé tous les week-ends pour Bonendale. L’air frais, le calme de la nature, le décor pittoresque et la belle plage étaient autant d’attractions. Nous raffolions du poisson braisé fraîchement sorti de l’eau. Et profitions des espaces de relaxation et de détente. Même les expatriés y trouvaient leur compte. C’était vraiment la belle époque ” affirme Bellet Edimo, qui garde des attaches parentales dans ce bled.

Pour beaucoup, la plage de Bonendale était le carrefour des rencontres autour des “boukarous”, des bungalows pour des escapades inoubliables. Des embarcations étaient régulièrement prêtes pour un bref périple le long du Wouri. Pour les mordus de la natation, la marée qui impressionne par des séquences de modulations hautes et basses, était à votre service. L’hospitalité des populations et leur chaleur communicative vous donnaient l’envie de revenir. Après quelques séances d’évasion en bordure de mer, il était loisible de revisiter l’histoire à travers de belles maisons à l’architecture coloniale éloquente.

A côté de l’eau, il y avait également le train qui assurait la desserte Douala-Mbanga-Kumba. La voie ferrée à Bonendale a prêté le flanc au développement de nombreuses activités commerciales. Les natifs du coin exploitaient le train pour s’approvisionner en produits agricoles qu’ils mettaient à la disposition du marché local ou international via le port de Douala. De même, nombre de jeunes à l’époque s’activaient dans la manutention qui leur permettait de joindre les deux bouts si ce n’est croquer la vie à belles dents. Evidemment, “ les produits maraîchers tels le cacao et le café étaient d’abord transportés des champs vers les rails par la pirogue. A cause de l’absence de voitures ”, se souvient Boney Etamé, un patriarche à la centaine dépassée.

Kain Tukuru. L’évocation de ce nom auprès des anciens ne va pas sans rappeler l’allégorie de l’autorité traditionnelle. M. Bellé Njoh raconte que “Kain Tukuru était le chef supérieur de Bonendale 1. En raison de son intelligence, de sa grande ouverture d’esprit, il a fini par s’imposer auprès des hauts dignitaires de la côte au point où lorsque les chefs se réunissaient lors du Ngondo, il était le plus écouté ” dit-il. Une autre anecdote cocasse est celle d’un prêtre à la longue barbiche. Le prélat aurait été surpris en flagrant délit d’attouchements sur une gamine. Excédées les populations décidèrent de brûler sa barbe. Beaucoup tournèrent alors le dos à la religion catholique.

Aujourd’hui : la désuétude

Si la bourgade traîne derrière elle un passé auréolé, de nos jours, elle semble avoir un blason plutôt terne. Les “boukarous” autrefois flamboyants sont envahis par des herbes folles. Les bâtiments qui servaient d’espace de relaxation sont sans toitures. Seuls les murs sont les vestiges d’un site touristique qui a fait la fierté du bourg. Le bras du Wouri, sur lequel opéraient des embarcations, est menacé par l’envahissement de la jacinthe d’eau. Tout comme il est devenu monnaie courante de rencontrer des déchets toxiques déversés par les sociétés industrielles basées à Bonabéri à un jet de pierre.

L’autre action qui pollue est le fait que le bras du Wouri fait office de toilette. Les mamans s’y baignent sans sourciller. Ce qui favorise la propagation de la jacinthe d’eau qui prend de plus en plus de l’espace. “ Conséquence, la pêche a encaissé de sérieux coups. Les poissons ont disparu. Il faut aller à mille lieux pour attraper un maigre mâchoiron. Les pêcheurs du village ont changé d’activité. Ils se débrouillent plutôt dans la collecte des coquillages ”, raconte un patriarche. C’est ainsi que les Ghanéens, Guinéens et Nigérians ont pris leur relais tant bien que mal. De même, la mangrove subit au quotidien une coupe sauvage du bois destiné au chauffage. Malgré cela, quelques singes y ont trouvé refuge et mènent leurs vies sans être inquiétés par une éventuelle balle ou flèche. “ Ici, la viande du singe n’occupe pas une place prépondérante dans les habitudes alimentaires où le poisson et diverses légumes règnent en maîtres dans les menus ”, souligne le patriarche Boney Etamè.

Sur le plan des vestiges, quelques cases coloniales sont à l’abandon. Pour les seules qui ont résisté à l’usure du temps, des replâtrages sont faits ça et là. La gare, où se déroulaient de nombreuses activités commerciales, à la faveur des escales que faisait le train, est devenue déserte et truffée de hautes herbes. La présence des rails vient rappeler qu’ici aura existé une voie ferroviaire. Bonendale aujourd’hui se métamorphose tout aussi bien à côté des ruines. Quelques bâtisses, à l’architecture futuriste, poussent des terres. De même, des espaces de détente sont également aménagés. Vous désirez prendre un verre seul ou en compagnie des amis et connaissances pas la peine de se faire de soucis. “Quartier latin” non loin de la défunte permanence de parti de l’Union nationale pour la démocratie et le progrès (Undp) et “ Soir au village ” vous accueillent à bras ouverts. Décor typiquement africain, soirées chaudes où beuveries et autres scènes cocasses sont au rendez-vous d’une évasion.

Des infrastructures éducatives, sanitaires et économiques sont également mises en œuvre. Des écoles, des églises, un centre de santé, un abattoir et bien d’autres ont vu le jour au grand bonheur des populations et des natifs. Au rang des fils et filles du village représentant l’élite, on cite l’actuel directeur de l’hôpital Laquintinie de Douala, le docteur Jérémie Sollé, Patience Eboumbou, ex directeur général de société, Bellé Njoh Daniel, fonctionnaire retraité, Ndoumbé Abel Tukuru, chef supérieur de Bonendale 1, Ikolo Ndoumbé, chef supérieur de Bonendale 2. Comment oublier Etienne Mbappé, Vincent Ndoumbé et les autres. Par ailleurs, on constate une implantation des allogènes, ce qui donne un caractère cosmopolite à une bourgade en quête de modernité.

Par Alain Njipou (stagiaire)
Le 18-06-2008
 

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