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02.12.2008
Le "Ngondo" en quête de développement
Charles Moukouri Dina Manga Bell
2 Décembre 2008
Sans être catégorique, j´ai pensé qu´aucune définition ne saurait déterminer la quintessence et la valeur réelle du développement sans que celui-ci repose sur un socle de culture avérée, aux contours précis et protecteurs.Ttant il est vrai qu´au commencement, Dieu dans son immense miséricorde, célébra l´humain dans un espace prescrit d´avance afin qu´il soit maître de son destin et son propre bâtisseur ; tant il est vrai par ailleurs que ce même Dieu, créateur des univers (mortel et immortel), voulut l´homme libre et responsable de son existence sur terre.
C´est pourquoi il le plaça dans un espace ordonné pour que cet ordre naturel, créé jour après jour la liberté chargée de façonner le visage de l´humanité ; laquelle "liberté" en tant que concept de développement et de progrès social, permette à l´homme de se choisir un cheminement dans le domaine de la connaissance métaphysique que celui des sciences et des arts et métiers.
En cela, je précise que ce cheminement correspond à un parcours évolutif et graduel fait d´actes aussi bien intellectuels que de performances techniques et technologiques pour marquer si besoin est, les repères civilisationnels de l´homme. Un cheminement qui ne se limite pas à la seule formation de la pensée, mais qui, dans son évolution, ressemble à celui attenant aux pôles allant de la médiocrité à l´excellence comme pour paraphraser cet autre célèbre philosophe et de surcroît Sawa, le professeur Ebenezer Njoh Mouelle.
Maintenant, je dois reconnaître qu´il y a bien des années que la "problématique" du développement individuel et collectif préoccupe les cercles de réflexion du "Ngondo" sans pour autant que ses perspectives s´éclaircissent et rassurent davantage ; ce qui fait qu´en réalité le concept "développement" aujourd´hui est perçu non seulement comme un "problème" de fond pour les communautés du Littoral traditionnel, mais que le "Ngondo" est devenu son propre "corollaire" dans l´imagerie populaire Sawa.
Pour preuve, n´entend-t-on pas dire par-ci et par-là, le "Ngondo", c´est quoi aujourd´hui ? A quoi sert-il vraiment ?
C´est pourquoi, je crois utile et nécessaire qu´à ces questionnements justes et compréhensibles, il faille souligner qu´aucun développement sérieux pour être durable, n´est possible s´il n´est fondé sur des fondements de civilisation endogènes solides qui soient conduits par des femmes et des hommes à la conscience éthique et morale aiguë, possédant par ailleurs des compétences managériales éprouvées, exigeant la maîtrise des techniques et des technologies de l´intelligence du XXIè siècle. Aussi, afin de tempérer certaines inquiétudes relatives au long silence des instances responsables du "Ngondo" sur la "problématique" du "développement", je voudrais par ma modeste voix, rassurer un tant soit peu le peuple Sawa en lui disant que le chantier du "développement collectif" du "Ngondo" est effectivement en marche et que le président du "Ngondo´a Sawa" s´y investit de manière louable et honorable.
Cependant, et au-delà de ces multiples questionnements et suite aux éclairages subséquents, nous ne pouvons ne pas relater, ne serait-ce que par un bref aperçu historique les faits saillants qui retardèrent le "développement" endogène des Sawa selon les plans préétablis par les élites et rois de la côte Atlantique du Cameroun ; et ceci avant l´usage de la barbarie coloniale.
Ce serait un regrettable "forfait" intellectuel que d´omettre que le "Traité Germano duala" du 12 juillet 1884 était un véritable condensé de logique institutionnelle et un "Manifeste" de politique générale reflétant à la fois, les plans, les objectifs, les moyens et la philosophie devant sous-tendre l´économie politique afin de réaliser l´émancipation et le développement endogènes des peuples "indigènes". En effet, ce "Traité" était aussi l´expression profonde d´un peuple résolu à s´auto-gérer économiquement et souverainement. C´est pour cela qu´il ressort avec force dans ce "Traité", l´indéfectible volonté et la détermination du peuple Sawa d´interdire l´appropriation des terres ancestrales aux colons et à l´administration nazie.
La conséquence de ce refus, obligea les colons allemands d´imposer avec brutalité au peuple Sawa, la maltraitance, l´holocauste et le martyr pour certains ; pour d´autres, ce fut l´exil, la torture sous toutes ses formes ; la précarité envahissante et humiliante en vue de la soumission totale aux "valeurs" importées de l´occident. C´est ainsi que le peuple "religieux" Sawa devint ipso facto, oublieux de ses us et coutumes ; allant parfois (de gré ou de force) à violer ses propres lois, ses rites et ses sanctuaires consacrés.
Certes, je ne crois pas utile d´allonger la litanie des brimades et souffrances que connurent nos ancêtres pour défendre leur "développement" et leur civilisation ; mais cela n´est pas pour autant une raison d´occulter le fait que le "Traité" germano-duala était un "marché de dupes" que les Allemands croyaient réaliser à leur bénéfice ; malheureusement, ils ont été royalement "floués" par les signataires du "Ngondo" qui, manifestement, avaient dans ce traité consigné une clause de fond ; une "clause-piège" qui disait "abandonner la souveraineté des indigènes au Reichstag mais lui interdisait tout usage des terres ancestrales"
En fait, ce "Traité" était un "ensemble-programme" d´une très grande valeur intellectuelle pour les précurseurs du "Ngondo" ; puisqu´il résumait sa pensée politique, économique et sociale.
Aujourd´hui, nul doute que les tenants des thèses ségrégationnistes sur les "bienfaits" de la colonisation vont contrecarrer cette "vision" civilisatrice du "Ngondo". Cependant, je sais par ailleurs et de mieux en mieux que les Sawa ne disposent que du "Ngondo" comme unique outil performant pour redimensionner à la fois, leur conscience, leur espace de vie, leurs lois et règlements ; certainement qu´aujourd´hui, comme hier et peut-être demain, le "Ngondo" servira de "guide" qui rassemble les us et coutumes de nos villages, mais aussi de "mémorandum" constitué à l´invite du colonialisme économique pour qu´il cesse ses agressions et turpitudes culturelles à notre endroit ; lequel mémorandum devra se comporter en "Sentinelle" morale aux élites, femmes et hommes Sawa omnibulés par l´argent facile ou en proie à la perversité culturelle de l´occident.
Je suis persuadé que pour ce développement tant attendu par le peuple Sawa, le "Ngondo" sera notre estampille d´excellence et de qualité capable de promouvoir des "jeunes" à l´image de Barack Obama pour exalter avec clarté, détermination et dignité, "l´écologisme intellectuel" ; cette intelligence qui allie à la fois l´éthique et la morale ; le développement et l´émancipation à la démocratie ; bref une "évolution" en guise "d´avancée" civilisationnelle dans laquelle les "Droits de l´Homme" longtemps dévalués (et pour cause) retrouveraient leur raison d´être et la pleine vigueur du concept du "Droit à l´existence" comme fondement imprescriptible des "valeurs" de l´oralité africaine.
Je comprends que l´immensité de la tâche à accomplir freine certains esprits faibles et acquis au "rayonnement" de la culture occidentale ; cela est d´autant vrai que partout naissent des "cousinages" et "métissages" culturels mal appropriés et indignes. Mais je comprends par ailleurs que le moment est bien choisi pour choisir une fois pour toutes sa culture, sa civilisation et son "monde".
Aujourd´hui, pour ceux d´entre nous qui voudraient de nouveau s´engager dans la voie de la vérité historique et de l´espoir, il faut d´urgence nous "désaliéner" de ces "valeurs" sans valeur afin de "refonder" (de fond en comble) notre société et notre humanité culturelle. En un mot, il nous faut "repenser" notre émancipation et notre développement pour espérer reconquérir "l´idéal civilisationnel".
A cet effet, je dois dire que cette "vision" a un coût ; un coût qui s´entend par le "culte de l´excellence" ; un coût qui s´identifie par le culte de l´effort et de l´humilité ; un coût qui exige une réévaluation du concept originel "Ngondo" afin de l´adapter aux exigences du temps et peut-être aux injonctions de la "modernité" avec son superflu de subterfuges économiques pour ne pas dire ses gadgets sulfureux, injustes et frauduleux, destinés aux Tiers-Monde.
Néanmoins, je reste persuadé que cette quête de développement, qu´il soit individuel ou collectif, transite automatiquement par le pôle et la maîtrise de l´excellence ; je veux parler de l´excellence de la connaissance et du savoir, pareille à celle qui a permis au jeune noir américain, Barack Obama, d´être au sommet de la hiérarchie politique des Etats-Unis d´Amérique. C´est dire que les valeurs prises en compte aujourd´hui sont référence à la qualité plutôt qu´au "nombre" tronqué dans une démocratie tronquée et inadaptée aux valeurs locales.
A cet effet, il n´est ni déraisonnable, ni incompréhensible de lancer un coup d´oeil furtif à l´ancestralisme africain qui centralise des siècles d´expériences et de réflexion sur les concepts de civilisation et leur formulation ; un "ancestralisme" riche et fécond qui a codifié deux éléments de développement forts : "l´ordre" et la "liberté" ; deux éléments nobles et incontournables de l´oralité africaine qui prophétisent nos valeurs ancestrales et les rendent condescendants et consommables partout dans l´échelle des civilisations du monde.
Parlant d´"ancestralisme" riche et fécond, c´est celui qui révèle à l´humanité la face cachée de Dieu en conduisant le mortel et l´intemporel aux portes de l´infini et de l´inaccessible mystère pour décrypter la prophétie et interpréter l´avenir comme le fit cet autre pasteur noir, Martin Luther King. Peu importe le truchement emprunté ! qu´il s´appelle Ngambi ; Ndimsi, Bédingué Bejongo ou simplement le "Rêve" prémonitoire ; tous participent à "l´ancestralisme" de notre civilisation.
Tout ceci me conforte pour dire que la moisson du "Ngondo O bodu" de 2008 sera belle ; qu´il germera cette fois-ci davantage de fleurs dans la conscience collective des Sawa ; une moisson qui fera éclore des phases de notre culture, jusque-là inconnues des hommes et des civilisations.
En toute lucidité, et en toute connaissance de cause, nous devons comprendre cette vérité économique qui voudrait qu´aucun développement sérieux et durable n´emprunte ni une logique autarcique, ni une logique hégémonique qui retarde ou compromette son propre cycle. C´est pour cela que d´ores et déjà, les entités économiques Sawa doivent évaluer leurs possibilités et si nécessaire, corriger leurs ambitions en fonction de celles du Kamerun d´une part, d´autre part, accepter qu´en tant que partie intégrante du Kamerun, tout doit être fait en tenant compte des réalités actuelles de ce pays.
Je ne peux m´empêcher de dire par ailleurs que la marche vers ce "développement" sera longue et difficile ; mais si les "autres" ont réussi, pourquoi pas nous ?
C´est pourquoi, malgré les coups bas des caciques du néocolonialisme, le "Ngondo" doit poursuivre son cheminement comme une "constance de civilisation" en condensant l´historicité sociologique de son peuple. Mais également de s´écarter ostensiblement de ces valeurs médiévales obsolètes pour demeurer éternellement cette "Résultante historique" qui peut en toute circonstance dire au monde la nature et le volume des frustrations coloniales que le peuple Sawa a subies pour avoir eu l´audace et la prétention de conduire son propre développement ; d´étaler au grand jour les embrigadements culturels, intellectuels, moraux, voire physiques qui aliénèrent l´homme Sawa et son esprit. Toute chose qui relate et explique le frein colonial mis à la réalisation endogène du développement individuel que collectif du Kamerun.
Fort heureusement, malgré cette "désespérance" qui nous affecte encore, je suis en droit de penser qu´il ne s´agit pas de fatalité, mais d´une phase de l´histoire du temps et de son cycle mystique que seul Dieu détient ; et que le peuple Sawa l´a compris malgré ses tares et malgré ses doutes, malgré l´abandon de ses croyances séculaires ; malgré son refus inconséquent de croire aux rêves prémonitoires, aux oracles et aux prédictions des "sages" et des ancêtres ; particulièrement lorsque les "Ecritures" prescrivent que : les "premiers seront les derniers".
J´ai néanmoins la nette conviction que le "Ngondo" finira par provoquer un sursaut collectif chez les Sawa, afin qu´ils perçoivent cette fine lueur d´espoir qui pointe à l´horizon et reste en partage entre les peuples de l´oralité africaine et ceux de l´humanité entière. Voilà en quelques lignes, quelques idées pour un développement écologique, éthique et moral en vue d´un idéal civilisationnel.
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