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12.07.2005
Léopold Moume Etia n’est plus
L’historien s’est éteint lundi dernier. Pour le peuple Sawa, et tout le Cameroun, une bibliothèque part en fumée.
Les ouvrages laissés par Léopold Moume Etia fond de lui un personnage qui s’est appliqué à restituer les choses et l’histoire dans leurs contextes réels, afin que nul n’en n’ignore. Il en est ainsi de " Cameroun : les années ardentes ", qui retrace l’itinéraire ayant conduit l’Etat du Cameroun à l’indépendance. " Jengu ", le mystère de la divinité marine qui est Le socle de la tradition sawa, ce peuple de l’eau. Ou encore " Voyage sur Pointe Noire ", une sorte de carnet de voyage tenu lors d’un exil riche en expériences au Congo Brazzaville aujourd’hui République du Congo.
Décédé lundi dernier à l’âge de 91 ans, Léopold Moume Etia aura marqué la vie politique et sociale de notre pays, au même titre que les célèbres nationalistes de l’Afrique coloniale et post coloniale. Et pourtant à sa naissance, le 22 décembre 1913, rien ne semble le destiner à une vie tumultueuse. Très tôt, le jeune Léopold se rend à l’école à vélo. Ce qui lui vaut des acclamations à chacune de ses apparitions. En plus, il porte des chaussures à coté de tous ses autres camarades qui ne peuvent s’offrir ce luxe. C’est dans cette même foulée que son père, Isaac Moume Etia, écrivain interprète et collecteur d’impôts dans l’administration coloniale, l’envoie en France à l’âge de 12 ans. Nous sommes en 1927.
De retour en 1939, il " réalise, horrifié, combien les indigènes sont primitifs du fait des colons ", se souvient un de ses quatre enfants, le nommé Richard Ekwalla. Il multiplie des incidents dans les rares boulangeries qui ne vendent du pain aux indigènes que sur autorisation de par l’administration coloniale. " Je viens de chez vous, s’indigne-t-il. Là-bas, personne n’a besoin d’aucune autorisation pour acheter du pain. On le fait librement ! " Plus tard, lorsqu’il est admis au concours d’entrée aux Chemins de Fer du Cameroun, il ne se fatigue pas avant d’organiser la première grève au Cameroun. " Nous sommes en 1949, et c’est le début de la mise en place d’un organisme syndical qu’il entreprend de diriger ", nous confie son fils aîné Henry Manga Moume Etia. Régulièrement, Léopold Moume Etia fait parler de lui. Et bien évidemment aussi, il subit la fureur de l’administration coloniale. Mais il compte de nombreux amis tant en Afrique qu’en France. Ses enfants évoquent les noms tels que Léopold Sedar Senghor, Houphouët Boigny ou Mendés France qui permettent à Léopold Moume Etia de se sortir de l’étau à chaque fois.
Plus tard, après ce passage tumultueux aux Chemins de fer, il va mettre un peu d’eau dans son vin, en acceptant un poste de premier adjoint au maire de Douala, Rodolph Tokoto Essome, de 1952 à 1955. Et par la suite, il devient député à l’ARCAM, avant de faire son entrée dans l’UNC, après l’indépendance. Pour finir, le patriarche rejoint Samuel Eboua à la création du MDP avant de se retirer de la vie politique pour se consacrer à la tradition. Jusqu’à sa mort, il faisait partie du cercle sélectif des b’Eyoum ba bato, les sages Sawa, garants de la tradition.
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