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18.03.2010
Les circonstances de l`assassinat de UM Nyobe, par Louis Noé Mbengan
La mort physique du Secrétaire Général de l’Union des Populations du Cameroun, Ruben UM NYOBE, a été officiellement annoncée le 13 septembre 1958 à Boumnyébél par l’administration coloniale française. Depuis ce jour, la date retenue est restée celle – là, raison pour laquelle, tous les 13 septembre de chaque année, des compatriotes de tous horizons organisent des manifestations au Cameroun et ailleurs dans le monde, pour se rappeler du combat héroïque du véritable « père de la Nation » camerounaise.
LES CIRCONSTANCES DE L’ASSASSINAT DE RUBEN UM NYOBE, SECRETAIRE GENERAL DE L’UNION DES POPULATIONS DU CAMEROUN (U..P.C.)
La mort physique du Secrétaire Général de l’Union des Populations du Cameroun, Ruben UM NYOBE, a été officiellement annoncée le 13 septembre 1958 à Boumnyébél par l’administration coloniale française. Depuis ce jour, la date retenue est restée celle – là, raison pour laquelle, tous les 13 septembre de chaque année, des compatriotes de tous horizons organisent des manifestations au Cameroun et ailleurs dans le monde, pour se rappeler du combat héroïque du véritable « père de la Nation » camerounaise.
Notre propos n’est pas la vérité immuable de ce qui s’est passé concernant la mort de notre Secrétaire Général. Nous n’étions pas sous maquis, encore moins dans « le Grand Maquis ». Certains de ses compagnons sont encore en vie et pourront témoigner s’ils le jugent important pour la connaissance de notre histoire. Nous n’avons pas eu accès aux archives de la police, non plus à celles de la Sécurité Militaire , encore moins aux documents toujours gardés « top secrets » de l’administration française, 51 ans après la disparition de MPÔDÔL. Notre intervention trouve sa source sur le travail de recherches mené par le Centre d’Etudes Géopolitiques et Stratégiques Africaines (CEGSA) sous la conduite du camarade Dr Bakang ba Tonjé. Nous avons édité une partie de ces recherches par le biais des Editions KUNDE sous le titre « Sur le Chemin de l’Emancipation nationale le Kamerun : Les Derniers Jours de Ruben UM NYOBE ».
Nous estimons que 51 ans après cet odieux et lâche assassinat, la France a le devoir de nous dire toute la vérité de ce qui s’est réellement passé. La Belgique l’a fait en juin 2000 pour le cas Patrice Lumumba et ses compagnons.
Pour un devoir de mémoire et dans l’optique de participer au travail de recherche sur la connaissance de notre histoire, nous vous proposons la chronologie des événements sur les quinze (15) mois qui précèdent l’assassinat du Secrétaire Général de notre parti. Ces éléments sont pleins de signification. Nous vous présentons les plus importants :
1957, le 30 juin : le Grand Maquis déménage de Limaï pour Mamélél à Libél li Ngoï. Le Secrétariat Administratif/ Bureau de Liaisons déménage pour Mode.
10 juillet : Mayi Ma Matip Théodore est admis au Grand Maquis sur décision personnelle de Um Nyobe, contre l’avis unanime des membres du secrétariat administratif.
20 septembre : sur dénonciation, l’ancien Secrétariat administratif / Bureau des liaisons de Limaï est découvert et détruit par l’armée française. Le village de Limaï est incendié ; tous les élevages sont abattus et toute la population est déportée.
1ier octobre : rencontre à Njock Nkong, sous maquis, entre le Secrétaire Général de l’UPC et l’évêque Thomas Mongo, émissaire du Haut- Commissaire de la République Française. Thoma s Mongo rend public sur la place du marché de Bôtmakak, cette rencontre et en divulgue et le nom des organisateurs, et le détail des préparatifs, et le lieu, et la date et l’heure précises, et le contenu, contrairement à ce qui avait été convenu avec UM NYOBE.
03 novembre : dispersion du maquis de Esther Ngo Manguelle et Jean Mbamba.
09 novembre : discours à Boumnyébél de André Marie Mbida, premier Ministre.
23 novembre : découverte et destruction des installations du SA/BL et destruction d’un important stock de documents et de matériels.
25 novembre : regroupement au Grand Maquis de Mamélél des membres du SA/BL, à l’exception de Lissok Samuel, Mandeng ma Nop et Boum Samuel Le Bref.
27 novembre : naissance du fils du Secrétaire Général, Ruben Daniel Um Nyobe.
27 décembre : massacre par l’armée française de la quasi totalité des participants à un meeting public de l’UPC à Môm Dibang.
1958, le 04 janvier : en route pour une réunion de section, des délégués tombent dans une embuscade ; Ngo Manguelle Esther est blessée ; elle est transportée et soignée par Lissok Samuel et Yémbél Nyébél entre autres.
10 janvier : sortie de routine pour Yémbél et Basogog, les deux agents de liaison du Grand maquis, en vue de renseignements et d’approvisionnement. Ils ne reviendront que trois mois plus tard, après un séjour clandestin dans l’Etat Major du CNO où ils rencontrent Lissok Samuel.
20 février : chute du gouvernement Mbida.
13 mars : retour au Grand Maquis de Basogog et Yémbél Nyébél. Révélation d’une tentative de sédition ourdie au sein de l’Etat Major du CNO.
Début avril : Samuel Lissok et Esther Ngo Manguelle ouvrent un nouveau maquis.
08 avril : arrestation de Samuel Lissok et ralliement de ce dernier à l’ennemi.
16 avril : le nouveau premier ministre Ahidjo se rend à Makaï ; l’état d’urgence est décrété.
26 au 30 avril : séminaire d’éducation politique réunissant plusieurs comités centraux à Si-Manyaï.
29 avril : assassinat de Basogog Josué, en cours de mission.
10 mai : assassinat de Njôck Yôyôm, président du comité central de Boum Nyébél et ancien gardien du Grand Maquis.
07 juin : assassinat de Nyobe Panjock Isaac, chef d’Etat-major adjoint du CNO.
26 juillet : ralliement à l’ennemi de Boum Samuel Le Bref, membre du SA/BL.
18 août : le Haut-Commissaire Ramadier à Boum Nyébél en compagnie de Lissôk Samuel et Boum Samuel Le Bref, déclare que ses services ont désormais localisé l’emplacement de tous les maquis des dirigeants.
08 ou 09 septembre : le maquis de bas Ong est attaqué et détruit par l’ennemi ; Ngo Manguelle Esther est arrêtée et gardée quatre jours dans un PC secret de l’armée coloniale dans la forêt.
09 septembre : dactylographie et signature de la Recommandation n°4. Décision de suspendre les activités du Grand Maquis, mettre certains effets en lieu sûr et déménager pour se réfugier au maquis de Hop Béa. Départ du Grand Maquis à Mamélél en vue de faire étape au maquis de Mbénd Libot.
9 au 10 septembre : Encerclement par l’ennemi qui exécute sur place Yém Mback Pierre, Ngo Kam Ruth (la mère de Marie N. Njock), Poha Jean- Marc; Um Ngos est blessé à la cuisse; Marie Ngo Njock est saine et sauve avec son bébé qui est touché aux jambes, heureusement sans gravité ; Yémbél Nyébél s’en tire miraculeusement sans une égratignure; Mayi ma Matip s’est éclipsé avant et a disparu dans la nature. Um Nyobe est fait prisonnier, gardé au secret pendant deux (02) jours. Ahmadou Ahidjo procède aux consultations des dignitaires de son régime dans la plus grande discrétion. Um Nyobè est conduit à Yaoundé, en secret. Les Français espèrent que qu’Ahidjo et ses agents réussiront à le retourner. Des propositions lui sont faites dans le but de se désolidariser de ses camarades upécistes et de la justesse de sa cause. UM Nyobè répond :
a) que le dialogue devait être engagé avec l’UPC et non en tant que personne ;
b) que l’UPC est prête à discuter, notamment sur la base du Manifeste du Bureau du Comité Directeur en date du 22 avril 1955, ou sur la base des propositions contenues dans le document déjà rendu public et intitulé : « Les vraies solutions pour la détente politique et morale au Kamerun ».
Le gouvernement français ne veut rien négocier. Il prend la décision de l’abattre et donne des instructions nécessaires à cet effet via Fort Lamy.
11 septembre : Um Nyobe est exécuté sommairement par l’armée française.
13 septembre : Annonce officielle de la mort de Um Nyobe par l’armée française. Les dépouilles de Ruben Um Nyobe, encore fraîche, et de Yém Mback, en décomposition avancée, sont transférées et exposées à Eséka, avant d’être inhumées dans un bloc de béton pour Mpôdôl Um Nyobe au cimetière de la Mission Protestante , et au cimetière de la Mission Catholique pour Makô Makô Pierre Yém Mback.
Tout le monde le comprend, le Secrétaire Général de l’UPC a été trahi par les siens. Mgr Thomas MONGO d’abord, ses compagnons de lutte ensuite. Ahmadou Ahidjo n’a été qu’un exécutant servile aux ordres de la France qui, face aux revendications légitimes de l’UPC incarnées par son leader, avait perdu la bataille politique et juridique devant les instances internationales.
Tout le monde sait également, et le pouvoir colonial le premier : le Secrétaire Général de l’UPC n’a jamais eu pour ambition de prendre le pouvoir ni pour lui – même, ni par la force, encore moins par les armes de guerre. Ses seules armes dans le maquis sont un crayon et du papier. Etant resté ferme contre les visées annexionnistes sur notre pays par la France , l’administration coloniale française avait programmé son élimination physique depuis le mois de Mai 1955.. La décision était prise. Raison pour laquelle, toutes les manifestations de bonne volonté de la part des leaders de l’UPC sont restés vaines.
Ruben Um Nyobe a été réhabilité et proclamé Héros National par l’Assemblée Nationale du Cameroun le 27 juin 1991.
Aux obsèques du célèbre philosophe Socrate, la foule rassemblée avait les yeux rivés sur son fils spirituel et fervent disciple Platon. Tout le monde attendait son allocution funèbre. Après un court moment se silence en fixant le corps inerte de son vénéré maître, Platon dit : « Socrate n’est pas mort, il est vivant ».
Héritiers de UM Nyobè que nous sommes, nous pouvons affirmer légitimement et sans risque de se tromper que UM Nyobè n’est pas mort, il est vivant.
Louis Noé Mbengan
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