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05.08.2006
Tet´Ekombo n´est plus
Le Procès de Duala Manga Bell et de Adolf Ngosso´a Din se déroule au camp militaire allemand en territoire Bell (Bonajo). Le juge Niedermeyer préside la cour. Hermann Röhm, l´administrateur du district de Douala est présent.
Il est 17 H 00, Rudolf Duala Manga est le premier à comparaître. Après la lecture de l´acte d´accusation de haute trahison, Rudolf Duala Manga plaide non coupable. Le juge Niedermeyer invoque l´épisode des émissaries envoyés par Rudolf Duala Manga et ses contacts frequents à Duala avec Martin Paul Samba et Madola pour étayer son accusation de haute trahison.
Rudolf Duala Manga assume dignement sa demarche. A travers ses émissaries il a souhaité sensibiliser les kamerounais sur les abus des colons allemands. Quant aux rencontres avec Matin Paul Samba et Madola elles se justifient par les reflexions qu´ils mènent ensemble sur l´avenir du Kamerun.
Le juge Niedermeyer lui oppose les propos accablants du sultan Njoya de Foumban. Rudolf Duala Manga met en doute la retranscription des propos du sultan qui ne s´exprime pas en allemand. En juriste avisé, Rudolf Duala Manga s´interroge ironiquement sur l´absence de ce témoin capital au procès. Il s´interroge également sur l´absence des preuves matérielles. Il n´est pas là pour se défendre. Il est là pour incriminer le racisme et l´arbitraire du système colonial; il est là pour entretenir l´espérence des kamerounais.
L´administrateur Herrmann Röhm intervient au cours du procès pour proposer un arrangement ultime à Rudolf Duala Manga. Herrmann Röhm invoque leur amitié et leur camaderie pour justifier son initiative. Ce qui est proposé à Rudolf Duala Manga c´est l´argent et de la liberté contre l´acceptation de l´expropriation. Indigné par le chantage de son ancien condisciple à l´Université de Bonn, le refus de Rudolf Duala Manga est catégorique. Herrmann Röhm brandit les menaces de mort qui pèse sur Rudolf Duala Manga au regard de la gravité de l´accusation. Il souligne les bienfaits que Rudolf Duala Manga peut légitimement attendre de la vie à son âge (42 ans) et dans sa position sociale (Chef de la communauté Bell). Il ne parvient pas à arracher le consentement de Rudolf Duala Manga pour l´expropriation des communautés Duala.
Le Procès se poursuit avec la comparution d´Adolf Ngosso´a Din accusé d´être sorti sans autorisation du territoire et de complicité de haute trahison.
Adolf Ngosso´a Din plaide également non coupable dans une attitude digne, résignée et solidaire de Rudolf Duala Manga.
Peu avant 20 H 00, la Cour se retire pour délibérer. A 20 H 00, la Cour regagne le prétoire et rend son verdict:
"La Cour déclare Rudolf Duala Manga Bell coupable de Haute trahison. Elle le condamme à mort par pendaison. Il sera excécuté demain samedi 8 août 1914 à 16 heures et enterré dans le cimétière indigène"
"La Cour déclare Adolf Ngosso Din coupable de Haute trahison. Elle le condamme à mort par pendaison. Il sera excécuté demain samedi 8 août 1914 à 16 heures et enterré dans le cimétière indigène"
"Ce jugement est sans appel !"
Le procès a duré trois heures d´horloge.
Le 8 août 1914, Rudolf Duala Manga et Adolf Ngosso´a Din sont pendus dans la cour du poste de police allemande à Bonanjo en fin d´après midi. La ville de Duala est pétrifiée.
“Ces Allemands ” ont réellement excécuté la sentence! Ils l´ont fait en territoire Bell, publiquement. “Tet´Ekombo” n´est plus ! Il est privé de deuil. Sa sépulture au cimétiére indigene de “ New Bell ” est négligée, bâclée. Le traumatisme de ce sacrilege afflige tous les kamerounais du district de Duala. Mais la ville est tranquille, silencieuse, “morte”. Aucune velléité de soulèvement. L´objectif est atteint. La théâtralisation de l´exécution de Rudolf Duala Manga a valeur d´example et d´avertissemnt en ces temps de guerre.
La description du procès s´inspire de la reconstitution effectuée par David Mbanga Eyoumbwa, Ngum’a Jéméa ou foi inébranlable
© La quête de libération politique au Cameroun 1884-1984, p.[27..29] Bouopda Pierre Kamé
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