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07.08.2006
Bialati ba 1500 Mina. Dictionnaire des noms propres Sawa
Dis-moi comment tu t’appelles…
Au-delà de la signification des noms portés par les Sawa, cet ouvrage donne également le symbole totémique de chacun de ces noms ainsi que les traités signés par les dignitaires de la côte du Cameroun de 1840 à 1900
Ekindi évoque le crissement du pas. Ceux qui portent ce nom sont “ d’une remarquable vitalité, courageux et ne sont guère démoralisés par les échecs. Sans le faire savoir, ils ont un grand sens de l’amitié. En somme, ils aident leurs amis de manière souterraine. Ils surmontent leur timidité avec aisance ” leurs symbole totémique est le buffle (gnati en duala). Ainsi le dictionnaire (bialati) mis au point par Ekuala Ebele civilement dénommé Moïse A. Ekwalla comporte 1500 noms que l’on retrouve essentiellement dans l’aire géographique Sawa (région côtière du Cameroun). Parmi les 1500 noms répertoriés, 400 sont encore largement répandus de nos jours. Tous les 1500 vont de paire avec leur symbole ou valeur totémique. “ Cette dernière est aisée lorsqu’elle correspond au sens emblématique du nom lui-même. Dans le cas contraire, il s’agit d’une science tout autre pour les noms Sawa et peut-être africains ”. Selon le révérend pasteur Edoubé, préfacier de cet ouvrage. Celui-ci comporte trois parties. La première répertorie les 400 noms les plus courants, avec la singularité du caractère de ceux qui les portent. A en croire l’auteur, au regard des archives compulsées, à chaque nom, il a affecté un symbole totémique qui est un animal, un poisson, un oiseau, un arbre ou un arbuste. Le totem étant non seulement un interdit, mais également un parent ou un ancêtre mythique.
Avec les aléas des temps, explique-t-il, certains noms ont subi des transformations. Citant les archives de Edimo Ekoko secrétaire d’état civil des années 50 – 60 à Akwa, dont le manuscrit date de 1918, Dibongo est devenu Dibonguè, Dikia est devenu Dika, Ku est devenu Kuo, etc. Certains noms ont même disparu. Raison pour laquelle la deuxième partie du livre comporte le 1100 noms que ne portent plus les contemporains. Le souci de clarté a néanmoins porté l’auteur à mentionner ce qu’ils évoquent. Si de nos jours, on n’est pas choqué lorsqu’une personne se nomme Dale (la pierre), Mbassa (la croix), Mondo (la queue), Epundé (le furoncle), on sursaute plutôt devant quelqu’un qui s’appellerait Songo (la tombe), Mpemba (le nez) ou Lowina (le pus).
Défi et rappel à l’ordre
Dans la troisième partie de ce dictionnaire, sont consignés des divers traités et lettres signés entre 1840 et 1900 par les dignitaires Sawa. Soupçonnant de duplicité les interlocuteurs européens (négociants et missionnaires) les représentants locaux de l’époque optaient pour des pseudonymes anglicisés. Ce qui ne les a pas épargnés de la politique de la canonnière et de la potence le moment venu.
L’autre originalité de ce livre repose sur son titre duala : Bialati. Et l’auteur d’expliquer : à l’écoute d’un débat focalisé sur l’empire du Mwanamotapa dont Zimbabwé était la capitale entre le IX et le XVII siècle, un intervenant lui a soufflé que “ dictionnaire ” correspondait à Bialati. Ce qui voudrait dire “ biala ba lati no ” (les mots assemblés). D’où la traduction visée à la couverture de son manuel. Ce qui voudrait aussi dire que l’ouvrage de Moïse Ekwala est le résultat d’un travail de la fourmi et de l’abeille ; une œuvre de recherche, faite de patience et de persévérance. D’où ce mot du préfacier, le pasteur Edoubé qui loue l’initiative de l’auteur qui n’écrit pas pour se faire aduler mais plutôt “ pour partager le fruit d’un héritage familial restructuré et approfondi… ” Pour ce préfacier, ce livre est donc un défi et un rappel à l’ordre.
Un défi à tout un peuple et à tous les peuples d’Afrique, une perche tendue pour un retour à l’usage de nos valeurs intimes et identitaires dont l’élément est la langue ; l’origine de toute vie et cément de tout peuple. Un rappel également à chacun de nous pour que nous fassions preuve de sagesse dans le choix des noms de nos enfants. Au lieu de prénommer un enfant Falone ou Phalone (Phalus) et l’exposer à une vie de légèreté pourquoi ne pas l’appeler simplement Ndolo, Ebossè, Ebongué, Bona… Etant donné que “ la tradition bantoue dans une moindre mesure celle de la collectivité sawa concède à tout nouveau-né un nom qui lui est propre. Ce nom est généralement tiré d’une circonstance particulière ”. Bien que ce ne soit pas une évidence, écrit il dans la note aux lecteurs, derrière chaque nom peut se cacher des sentiments, un caractère voire un comportement et un destin commun à tous ceux qui le portent. Ainsi un nom peut revêtir un message d’une importance capitale qui pourra influencer la vie de celui qui le porte.
Le dictionnaire de Moïse A. Ekwalla doit avoir une place prépondérante dans nos bibliothèques familiales. Il est un jalon important pour d’autres recherches qu’il peut bien inspirer. Malgré quelques coquilles insignifiantes décelées par endroits.
Ekuala Ebelè – Bialati ba 1500 mina…–Editions ImpriMedia. Bonanjo – Duala – Novembre
Par Jacques Doo Bell
Le Messager
Le 07-08-2006
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