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28.08.2010

Les migraines de la diaspora ! 

Camdiac, Code, CDD, la valse des acronymes en dit long sur l’agitation fébrile qui anime certains de nos compatriotes à l’étranger. Ils organisent foras, colloques et instances de réflexions, pour se pencher sur leur continent dont les maladies sont difficiles à soigner à coup d´incantation !

Ils en viennent même à revendiquer un statut spécial pour "qualités spécifiques acquises au cours des longues et bonnes années passées ailleurs à se former.". Grâce à ces longues années passées ailleurs, ils auraient accumulés une plus-value qui doit être reconnue et estimée à son juste poids. Par conséquent, il leur faut un statut à part. Payer un ancien diasporé 200.000 FCFA ? Vous n’y pensez pas ! Surtout si ce maigre salaire correspond à la grille des salaires applicables. Une grille de salaires misérables certes, qu’il faut changer mais pas en créant des catégories nouvelles de privilégiées. En somme pour un diasporé enseignant, gagner 200.000 FCFA est une insulte pour lui, mais pas pour son collègue "Kamer" ayant les mêmes compétences, qualifications et diplômes et surtout plus d’ancienneté même sur le terrain. Non ! Le diasporé entend faire valoir son capital «risques pris à l’étranger» ou encore «contrainte d’avoir fui le pays parce qu’il y avait vraiment trop d’insécurité»... Le pays devrait être reconnaissant au retour de l´enfant prodigue, Père Noël, aux bras remplis de savoirs qui va faire décoller le pays, réparer toutes les erreurs.

Cette mythologie structure de manière subliminale les discours des théoriciens de la diaspora qui postulent cette catégorie comme un parti politique: association de personnes bienpensantes ayant un projet de société, une alternative structurée qu´ils proposeraient au peuple. Comme si être un migrant donnait d´emblée la puissance d´une vision de rectification automatique des erreurs du "Kamer"... La vérité viendrait d´en haut ! La diaspora serait donc une catégorie sociale brimée d’être restée trop longtemps ailleurs malgré elle, et dont on devrait récompenser le retour au pays par une gratification pour la garder au pays ! La logique est pour le moins surprenante, désarmante et pour tout dire désopilante ! Au lieu de lutter sur un plan général, on aspire à des privilèges parce que diasporé! Ainsi être diasporé donnerait droit à des compensations et une qualité ex cathedra avec des primes particulières.

La flopée d’arguments qu’élaborent ces diasporés finit par leur donner la migraine tant les incohérences s’accumulent. La question de l’utilité de la diaspora n’a de pertinence "sociologique" que lorsque celle-ci s´assume comme la conséquence d´une trajectoire (dissémination) avec l´ambition de " rassembler les graines dispersées ici et là"... Elle est forte lorsque ceux qui sont partis s’estiment redevables vis-à-vis de leur pays. Elle est légitime dans la mesure où il n’y pas une césure entre Kamers. Mais elle devient incongrue lorsqu’on la pose à ceux qui manifestent un discours prompt à nier le travail des acteurs politiques sur le terrain, en se posant comme les sauveurs du combat révolutionnaire. Ils ne prennent ni la mesure du temps, ni celles des mutations qui travaillent la société camerounaise. Ils ont l’impatience de ceux qui voient que leur temps est passé et qu’il leur sera difficile de prétendre gouverner le Kamerun, à l’âge de soixante ans. Enfin, décider d´être utile à son pays, ne dépend pas du pays. Mais de soi-même. En sachant quelles sont les difficultés de ce pays en ayant la responsabilité d’y travailler avec ses limites pour les repousser toujours plus loin. C’est ce travail de titan qui peut accessoirement donner lieu à une reconnaissance. Mais ce n’est pas l’auto proclamation d’utilité d’une catégorie socio difficile, sans que l’on ne sache comment elle s’est constituée.

Il fut toute un période où l’on n’osait rien dire, de peur d’être accusé de complicité avec "les bourreaux en place qui martyrisaient le peuple camerounais." Mais dans le malaise des diasporés, leur difficile relation avec l’Etat-Nation, il faut voir leur culpabilité à n’être pas rentrés au pays. Du moins ceux qui finalement ont choisi d’y fonder une famille , de faire carrière et qui vers la retraite se décident à revenir en s’étonnant que le pays n’ait rien prévu pour eux … En choisissant de rester, ils ont cultivé une certaine culpabilité, pour une situation, dont personne à part eux-mêmes n’est responsable. Ils ont développé une sorte de prétention à l’excellence en affirmant que c’est le pays qui leur doit des égards. À eux... Mais que doivent-ils au pays ? Ils répondent par une pirouette en disant qu’ils ne veulent pas courir le risque de s’enliser, de se fossiliser, ou d’être enterré sous les feuilles de ndolé, enivrés par le parfum des ilang ilang et des seringuas blanches. Ils ont fini par façonné une certaine forme de paranoïa, qui les conduits à des actions spasmodiques n’ayant qu’une seule et même forme : des gouttes d’eau dans la mer sans impact sur le plan macro-économique.

Force est d’ailleurs de considérer non pas les efforts des individus, mais de ce groupe qui s’autoproclame diaspora, comme un parti politique engagé dans un projet collectif et de société, mobilisant ses membres. Ils ont ce discours de fuite en avant précisément à cause d´un choix ambiguë et incommode. Avec en plus la difficulté à assumer les contradictions, les déchets et les dépôts, d´un pays, écartelé par la politique d´un Etat-nation, mais dont le seul rejet de la politique de cet état-là, ne suffit pas à renoncer à croire au pays, chez lui, au Kamer! Ce recours à la mémoire historique de leur origine joue un rôle important dans la structuration des communautés. Elle peut s’inscrire en référence à un territoire réel ou mythique, lorsque l’existence de ce territoire est elle-même sujette à controverse. Dans ce rapport difficile, Ils ont décidé de rendre coupables le système qui les aurait contraint à ne pas savoir choisir ou du moins à s’enfermer dans la logique facile d’un ordre politique et social qui exerce au nom du mimétisme, un monopole coercitif sur les choix individuels. C´est un peu une externalisation du " on va faire comment. Hein ? On prend la nationalité. On reste à Mbeng»! Puis ils s’enferrent dans leur ailleurs en affirmant devoir contribuer au pays, en esquissant des pas de deux jusqu’au bercail et proclamer que l’Etat-Nation leur doit : honneur, tapis, machine et tout le tralala... Puis ils pavoisent avec une moue arrogante sur les faits et gestes de ceux qui sont restés, jurant doucement sur leur état d’arriérés mentaux, satisfaits de raser les murs des métros parisiens ou londoniens ou new-yorkais, sans faire preuve particulièrement de génie stratégique dans les combats pour les droits des migrants là-bas! Le CAMDIAC a fait appel aux militants de bonne volonté et a donné longuement la parole à Mboua Massock, Bernard Muna, Adamou Ndam Njoya, Guérandi, le regretté Pius Njawé, pour tenter de tirer d’eux, le fil conducteur de l´alternance en 2011 avec un possible candidat qui rassemblerait les débris des restes des stratégies sans lendemains qui chantent. Alors lorsque l´on revoit le casting, force est de constater à quel point cette diaspora là a raté le coche. On pourrait reprendre un à un chacun de ces leaders d´opinion, et retracer leur trajectoire en politique. Leur implication dans les luttes sociales de ces dernières années et ce qui pourrait être mis sur leur actif, au sens des avancées. On comprend alors Guérandi, lorsqu´il revient sur la logique insurrectionnelle faute de n´avoir pas su réussir le premier coup d´Etat dans l´histoire du Cameroun. Ces différents profils en disent long sur le discernement de ces diasporés et traduit bien l’idée de départ développée dans cette chronique : une certaine myopie dans la manière de voir, un automatisme dans les préconisations, et une précipitation spectaculaire pour des motifs qu’il faudra bien élucider un jour. Car pourquoi donc essentiellement, essentiellement des "has been" ? Dont le palmarès politique, en termes d’efficacité n’est pas très reluisant ?

Le débat certes ne doit pas ses stériliser sur la catégorie de la qualité "des Kamer" selon leur territorialité : sont-ils biens ceux qui sont ici ou sont-ils meilleurs ceux qui sont là-bas ? Seule la position de plusieurs intellectuels de la diaspora oblige à soulever quelques contentieux sur le sens des responsabilités et le niveau de compétences pour répondre à... Et vu l’ampleur du débat, sans doute faut-il revenir aux prolégomènes de la question du déplacement des populations africaines d’un pays à l’autre et surtout de la transhumance. Pour ce qui est du Cameroun, le déplacement des populations ne s´est pas toujours fait de manière organisée, massive et calculée. Sauf au cours de ces 20 dernières années. Où dans certaines régions on a effectivement fini par constituer des diasporas au sens d’une communauté qui s’est déplacée de manière consciente en usant de la procédure de filières comme hier les filières des travailleurs du Sahel qui venaient grossir les rangs des ouvriers et éboueurs de France . Comme si elle fuyait une possible persécution collective, comme hier les juifs … En essayant de remonter le temps et l’histoire des mouvements migratoires au Cameroun, on pourrait mieux comprendre la sédimentation ou non, d’un collectif de camerounais avec un positionnement particulier vis-à-vis de l’Etat-Nation.


La presse privée contribue à amplifier et à spectaculariser les émois des diasporés et certaines de leurs actions. Comme si elles avaient une force incontournable, et que l’actualité essentielle du Cameroun se polarisait sur ces plans hâtivement élaborés, jetant ici et là, quelques slogans généraux des plans d’actions qu’elle organise, concocte de New-York à Boston, en passant par Bruxelles, Bonn ou Paris. En réalité la diaspora se donne des migraines, a besoin de sensations fortes pour rester plus longtemps et en son âme et conscience dans la diaspora. Beaucoup sont implantés et comme ils disent souvent ont fondé une famille, acheté une maison n´attendant plus que leur retraite pour rentrer au pays en préparant le retour par des incursions régulières d’affaires et des projets de "co-développement", jetant ici et là, des ponts, construisant quatre puits ici, deux maisons en carabote là-bas et un pont de pierre plus loin. Puis elle retourne là-bas, devient aphone à force de crier des slogans prophétiques et des incantations pathétiques, accumulant des formules toutes faites.

Dès lors, si on analyse la fonction et le les méthodes de ces acteurs, on peut s’interroger : à qui profite cette agitation multisectorielle et supranationale ? Sans orientation précise, ni dimension stratégique? Comment comprendre la revendication d’un statut exceptionnel, tout en fustigeant l’indolence, l’incapacité voire la nullité, de tous ceux et toutes celles qui sont restés ? Eux (les Kamer du dedans) qui serait restés dans la barbarie en réussissant à peine à sortir de la sauvagerie ? On a peine à croire que le discours de La diaspora – obligée d’utiliser ce concept et j’en abuse un peu mais, il faut bien écrire avec les mots usuels- ne soit rien d´autre que l´écho pernicieux du discours colonial, sur l’incapacité congénital du nègre à diriger ses propres affaires. Oui, vraiment la diaspora se donnent des migraines et ça, c’est une maladie facile à soigner : un comprimé d’air Kamer et ça soulage.

Suzanne Kala-Lobè
 

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