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29.12.2006
Sawanité , Grand Sawa, Pacte des Générations : Une année fructueuse, un espoir pour demain
Bona tétè, en cette fin d’année je me découvre finalement être de ceux qui auront appris la valeur du temps, comme ces ouvriers à qui on paie à l’heure. Je suis de ceux qui désormais pensent que la patience, la vraie, est une ascèse. Je suis de ceux qui ont accepté de regarder les autres frères sawa, autrement qu’a travers la lunette d’un fusil ou d’une paire de jumelles. Frères et sœurs sawa, je parle ici comme un homme dont l’amour pour cette terre sawa est vif et complexe mais néanmoins évident. Je parle aussi comme quelqu’un dont le lien qu’il a avec son sawa natal est désormais, pour son bonheur, débarrassé de méfiance et auréolé d’espoir. Les difficultés qui ont émaillé le démarrage du chantier de la Sawanité et de la guerre ‘’incivile’’ inhérent à la sensibilité réactive qui s’en ai suivie, au cours du printemps dernier, ne me donnent pas certes le privilège particulier pour tirer de manière unilatérale le bilan de notre œuvre. Mais il me semble que faire face à l’agitation et à la mise à mal de son honneur prédispose chacun de nous à une sorte de sobriété et de lucidité, ou tout au moins dote d’une aptitude à séparer le bon grain de l’ivraie, à faire le départ, dans notre sawanité, entre ce qui peut être réalisé et ce qui ne peut l’être. A distinguer la réalité de l’imagination. J’ai attendu assez longtemps pour ne pas écrire sur l’emprise de la colère puis de l’euphorie qui m’a ensuite animé. J’ai fini par comprendre que vivre dans un climat de méfiance, de rancœur et de haine, cela coûtait un prix que notre fraternité n’avait pas les moyens de payer. Non pas que la belligérance soit un luxe mais au contraire une mécréance. Nous ne pouvons plus être prisonnier de l’enseignement du mépris et de la dictature des instincts. Cela est onéreux !
Alors Mboa , Pourquoi devons toujours adopter ces postures de duellistes prêts à en découdre ? Pourquoi devons nous souvent faire de nos stylos, des escrimes prêtes à piquer là où cela fait mal et de la toile Internet un tatami déguisé ? Qu’une partie d’entre nous se découvre une âme de redresseur de tord ou de Robin des bois n’a rien d’affligeant. Ce qui est à redouter c’est la tentation du dirigisme idéologique de certains qui pourrait ressembler à celui de ces hurluberlus ‘’illuminés’’ d’Orient. Il y a aujourd’hui dans le débat inter-sawa un risque de communautarisation des interdits , une privatisation des tabous dirai-je. Il suffit qu’un pan de notre famille s’estime choqué par une opinion pour que celle-ci soit jetée aux bûchers de la censure. Durant cette année finissante il s’est levé des moralines groupusculaires qui ont scandé acrimonieusement des slogans va-t-en-guerre pour enfin s’apaiser dans des louvoiements consensuels. Le domaine de la manipulation occulte, on le sait, est vaste et tous les intégristes aujourd’hui ne portent pas forcément la barbe.
A bona Bam tout comme il y a des guerres inévitables, il y a des paix inévitables ! Nier l’existence de l’autre est signe d’inadéquation. Seul le pardon fait progresser l’humanité disait Edgar Morin. Cela est aujourd’hui plus valable encore dans notre Cameroun trop souvent justicier et où il y a pourtant très peu de justice. Dois-je encore le rappeler : celui qui n’évolue pas stagne ; celui qui n’avance pas recule. Le temps est venu de discerner si la sawanité que nous essayons de bâtir ensemble est un chance ou une adversité pour 2007. Le moment n’est-il pas venu aujourd’hui de transformer pour demain notre valeur intrinsèque en potentiel artistique, technologique, politique ou tout simplement professionnel ? Réfléchissons-y ! Pour ma part, la grandeur d’un chemin spirituel, c’est qu’il ne peut jamais être solitaire.
J’entends par là mes frères et soeurs que tout travail intérieur qu’on peut faire uniquement sur soi ou pour soi est en même temps un travail pour tous ceux auxquels on est lié par l’amour et le sang. La Sawanité pour 2007 devra donc être consciente du devoir qui lui incombe désormais de préserver le verbe et les mots qui en découlent en les gardant de la dévaluation relativisante de nos langages qui cousinent souvent avec des déjections de toutes sortes. Sans aucun penchant pour le désordre et sans aucune solidarité pour la destruction, la Sawanité devra exalter la pratique du bien, du beau et du juste. Echangeons donc des idées et non des boulets. Au risque de couler ce fragile esquif avant même qu’il ne prenne la mer. Même lorsque beaucoup de choses dans la réalité de nos vies m’exaspèrent et me dépriment ; même lorsque notre grâce se désagrège dans les fragments de la vulgarité et de la misère, je me rappelle toujours de l’épopée douloureuse de notre histoire commune. Cette indignation qui a naguère réuni les Sawa tandis que, dans la suite, sa mise en lumière, son explication les a divisé ; aujourd’hui le chantier de la sawanité ne devra-t-il pas les réunir à nouveau? Nous sommes face à l’Histoire mes frères et sœurs.
Dans la difficulté abyssale que je ressens pour mon peuple à luire telle un aube matinière, je ne voudrais plus que mes frères sawa aient à choisir entre la "réalité déformée" et les "faits déréalisants " de notre mémoire commune ; entre les ornières et les sentiers battus des facilités, entre la blanc bonnet et le bonnet blanc. Mais en revanche je voudrais par dessus tout qu’avec Ma Communauté nous ayons un sens du juste, une raison mûrie par la droiture avant de l’être par la réflexion et l’expérience. S’il y a eu dans la foi en la Sawanité des jours d’interstice, il ne doit jamais y avoir dans nos cœurs une impiété, ni sur nos lèvres un blasphème. Evitons d’en faire un discours revanchard qui fera de la xénophobie un monument de la vertu, et de l’orgueil mal placé un chemin de l’excellence. C’est dans la joie de vivre, dans le mouvement de la vie que des polarisations exacerbées pourront se sublimer en amitié. Celle qu’on ne saurait jamais feindre, ni fabriquer de toute pièce, ni paver de peaux de bananes. Celle qui découle du tact avec le géni de cette élégance sawa qui est précisément la nôtre. Ce n’est pas toujours aisé j’en conviens, mais il est vital que la sawanité continue à favoriser de nouveaux enlacements polyphoniques entre les sawa eux même.
Vérité révélée contre intransigeance, le choc des absolus restera une préoccupation majeure du bâtisseur de la Sawanité de 2007. La consistance éthique du projet d’élaboration de la Sawanité n’est donc jamais séparée de la question non pas du pouvoir, mais du rassemblement et de l’action. Beaucoup d’entre nous, fort heureusement, amorcent cette odyssée intérieure de vérité que souhaitait le frère Ngalle dans sa dernière Feuille de Route. D’aveux circonstanciés en méa culpa complets, en passant par des coming out, j’ai pour ma part choisi choisit de faire grandir l’amour entre nous par le moyen de l’estime envers chacun. Mais tout cela n’est qu’une différence d’ingénieurs. Le plus important restant bien évidement la bonne volonté d’aller de l’avant. Il n’existe pas de haine ni de conflit qui puisse résister à la foi du pardon et de l’amour. Rien n’est perdu avec le dialogue tout est possible avec la paix. Si nous voulons nous présenter sous un beau jour à la fenêtre de demain, il nous faudrait d’abord faire de la sawanité une lumineuse terrasse pour le futur.
Frères et sœurs sawa, je voudrais à l’avenir que sachions faire de notre jeunesse des citoyens responsables capables davantage de discernement et de jugement nuancés, de libre examen et par conséquent fuyant des refuges illusoires. Illuminé par des étincelles de courage plutôt qu’éblouis par le soleil des dérobades, elle apprendra demain à faire barrage à la rhétorique vindicative. En un mot comme en cent, la sawanité ne doit pas seulement interdire qu’on enfreigne ses principes, elle doit aussi exiger qu’on embrasse son éthique. Notamment celle du courage, du pardon et de la réconciliation. Voilà pourquoi mes frères et sœurs la sawanité mérite qu’on la défende avec le même acharnement que ses ennemis mettent à la détruire. Je n’imagine pas ce que serait la sawanité sans les côtiers et je vivrais certainement mal l’idée d’une côte sans la sawanité. Cela doit rester pour nous une affaire de cœur et même temps un dogme de raison. A bona Bam le moment crucial est enfin là. Notre engagement au projet de la sawanité, nous ne le devons ni à la cooptation d’un parti puissant, encore moins à l’ascendance d’une grande fortune ; nous la devons à nos vertus. Dans ce climat de défiance des quotidiens qui désenchantent, une partie des sawa végète dans le vertige de la crainte, une autre vivote dans la calme des certitudes, une toute autre heureusement espère des lendemains meilleurs. C’est celle là mes frères qui veut épurer les regrets en désir. Ce sont les bâtisseurs de la Sawanité. Cette sawanité qui inspire déjà toute les pensées de la communauté côtière du Cameroun et commandera sans doute demain toute nos actions de développement.
Nous le voyons tous, nous le vivons tous. Peu à peu l’irréel de l’utopie se fait jour. Toutefois je continue à m’interroger : Que seraient une politique économique dépourvue de stratégie mais encore, un progressisme snobant des classes modestes ou des sujets sociétaux ? Rien ! En d’autres termes la sawanité est d’abord à la base une réflexion des sawa sur les questions qui les concernent, des sawa sur les interrogations qui les anime, des sawa sur le territoire qu’ils habitent. C’est sans doute exaspérant d’avoir à procéder de proche en proche, de niveau en niveau mais c’est la seule chance que nous ayons de ne pas nous condamner à faire du sur place. Il vaut mieux progresser par petit pas sur l’essentiel que de faire de superbes bonds en l’air pour retomber au même endroit. A certains de nos séjournants, pas seulement ceux venus du ponant, qui prétendent que nous ne sommes pas assez industrieux "comme eux", que nous ne nous astreignons pas assez à la privation du bien être, je leur répond sans vanité aucune qu’il est d’abord question pour nous sawa de construire des conditions concrètes, collectives, permettant à l’individu de sortir de ses intérêts à court terme, de sa course à l’immédiateté du gain, pour penser et bâtir des rapports fraternels, à l’altérité et au temps. Et lorsque sur ce chantier arrivera l’étranglement de la soif c’est à la fontaine de nos mains réunies qu’il faudra l’étancher.
Le bien être de tous a toujours été consubstantiel notre harmonie communautaire. Et ce, bien avant la christianisation du Cameroun. C’est notre manière d’être au monde et je comprends que cela ne soit pas le cas pour toutes les communautés. Aussi, le refus d’intelligibilité de nos pourfendeurs s’apparente t-il à une forme abâtardie de surdité intellectuelle voir de cécité culturelle. Cramponnés à leurs préjugés comme des syndicalistes au code du travail, les plus inconséquents parle de "seconde colonisation de Douala" comme si la raison avait définitivement pris congé de leurs cervelles ou de ce qu’il en reste. Les vexations débitées sur les Bana Ba Mboa que l’on entend sur des étals du marché Nkololoun ne sont rien à côtés de celles que l’on n’entend pas !
Toutefois mes frères, cela n’ayant pas beaucoup de relief à nos yeux, ces provocations requièrent une tempérance de la plus grande acuité. S’émanciper, se dégourdir par la parole ou l’écriture, c’est déjà refuser de revêtir les camisoles de passivité que d’aucuns voudrait nous obliger à porter jusqu´à la fin des temps.
Au Cameroun, comme beaucoup d’entre vous mes frères, j’y ai bâti le socle de ma démarche vers la lucidité, j’y ai dressé les piliers de mon éducation à l’hospitalité. Aujourd’hui même si notre voisinage le plus immédiat des compatriotes venus d’ailleurs se comportent comme des cosaques en terrains conquis ; même si cette ingratitude déraisonnée fait suffoquer mes aspirations spirituelles profondes cela m’amènent à ne point renoncer et à ne point brader à mon patrimoine sawa de paix et de galanterie. Je ne sais pas si le dépassement de soi est assez fort pour m’élever au dessus des contingences quotidiennes, mais je sais que la culture de paix dont nous sommes dépositaires à notre façon nous éloigne des flammes de la folie même lorsque le découragement s’interpose entre mon amour propre et l’accueil des autres. Parce que nous sommes tous immergés dans la complexité et dans la multiplicité, nous sawa avons très tôt refusé à vivre dans les limites de notre monde mais aussi et avons élever la culture de l’accueil dans au rang de valeur.
Renoncer à cet acquis éthique équivaudrait le replis sur soi même et cela présupposerait que notre bonheur ne se vit qu’en autarcie. Or ce postulat ne reste pas à l’examen notre histoire communautaire. Gardons nous de la fatuité et des égocentrismes qu’affichent ostentatoirement les nouveaux maîtres de la dissimulation. Notre connaissance de nos compatriotes dans le règlement social de la vie doit s’étendre aux obligations de choisir aussi une existence à laquelle nos esprits et nos corps son habitués : la paix ! Pour 2007, il s’agira pour nous de faire du sawaland une société de progrès humain, qui permet d’unifier le désir d’être soi et d’être avec les autres, qui favorise le contact avec l’altérité, la solidarité et la coopération. Pas la haine et le dénigrement. Pas non plus l’auto-flagellation et l’auto abandon dans le désert affectif du manque de reconnaissance. Et si l’on nie l’aspiration fondamentale des hommes à vivre ensemble, on a plus que des acteurs rivaux. Le Cameroun a-t-il besoin de cela ? Soyons vigilents, Inutile de souffler sur des braises, de mener des guerres "inciviles" et de prêcher les croisades de toute sorte. Nos mots doivent donc être jugés, jaugés, pesé dans la minéralité de notre langage. Mboa, vous n’êtes pas des clercs d’un genre nouveau ou des servants d’une église sans dogme, encore moins d’une liturgie sans sacrément. Vous êtes simplement des bâtisseurs de la Sawanité. C´est-à-dire ceux qui militent aussi pour l’émergence dans le Sawaland d’une société civile agissante. Nous devons pas seulement limiter notre savoir, notre devoir et notre pouvoir à la courtoisie ou aux manières de se tenir à table ; nous devons apprendre à nager dans les aux parfois troubles de la contradiction et surtout de l’action. L’action c’est ce qui en 2007 formera à coup sur les sédiments agrégés de mes idées. Le Grand Sawa dans son ensemble à plus que jamais besoin d’une réponse aux stimuli de sa jeunesse. De ce point de vue, dans une cohabitation parfois houleuse, les frères Ngalle Menessier, la sœur Ndedi Priso et dans même dans une certaine mesure le frère Mpeke Mu Ntonga, et la soeur Endalle Misse et bien d’autres seront restés pour cette année 2006 des personnes de synthèse et pas seulement de fusion. Ngome Kangue et Metusala Dikobe eux étant restés sages et humbles dans leur rôle de "gardiens du temple".
Parlant de la Sawanité, il y a une façon qui consiste à aimer ses idées pour elles-mêmes, pour le principe fécond qu’elles portent en elles, à les aimer d’un amour dont la clairvoyance, le désintéressement et la fidélité les gardent du danger d’égoïsme. Cette manière nécessite surtout à savoir les aimer lorsqu’elles sont défendues et propagées par d’autres. Quand on aime ainsi ses idées, on croit à leur vertu, à leur victoire nécessaire et l’on n’éprouve guère la tentation d’en servir le progrès par des actes violents ou des procédés "infraternels". A bona Bam pour cette nouvelle année 2007 nous voulons retrouver notre âme et la renouer avec l’art de la profondeur spirituelle de la fratrie. Rappelons-nous toujours ce qu’en 1961 avait dit le Pasteur Martin Luther King :
"J’ai cherché mon âme, mais je ne l’ai pas vue J’ai cherché Dieu, mais il m’a échappé, J’ai cherché mon frère et j’ai trouvé tous les trois"
Pourquoi la sawanité gagne t-elle tant nos cœurs ? Les grands concepts ne sont pas à interroger, ils s’imposent d’eux même. En cela, ils incarnent le vrai idéalisme.
Amitiés et bienvenue à bord
R. Mandjombe
"Les grands esprits se préoccupent du devenir de l’humanité, les hommes génèrent des événements, mais les petits hommes se préoccupent des hommes." Martin Luther King
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