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31.05.2007
L´HORREUR, L´HORREUR : DIX MILLIONS DE MORTS?
Pendant une vingtaine d´années, les agents territoriaux, la force publique, et les milices armées des sociétés privées, allaient répandre la terreur dans les régions de l´Équateur, de l´Aruwimi, du Lomami, du Mai-Ndombe, de l´Itimbiri, de l´Uele, du Kasaï et de la Mongala. Esclavagisme, déportations, guerres, massacres, pillages, captures, emprisonnements et tortures étaient les moyens et les méthodes utilisés pour forcer la population à récolter le caoutchouc et à le livrer aux autorités coloniales. Selon certaines sources, des millions de Congolais allaient mourir à cause du régime mis en place par le roi Léopold II. Ce régime de terreur ne sera quasiment jamais dénoncé par les missionnaires catholiques qui participaient à la prétendue mission civilisatrice du roi. Pourtant de larges zones d´ombres subsistent encore sur cette période durant laquelle périrent 10 millions de Congolais selon Adam Hochschild . Adam Hoschschild s´appuyant sur les relevés démographiques, estime que la moitié de la population aurait disparu durant une vingtaine d´année. Cette estimation semble confirmée par des écrits officiels :
« En 1919, une commission officielle du gouvernement belge estima que, depuis l´époque où Stanley avait commencé à établir les fondations de l´Etat de Léopold, la population du territoire avait été réduite de moitié. Le commandant Charles Liebriechts, qui exerça de hautes fonctions au sein de l´administration de l´Etat Congo pendant la majeure de l´existence de ce dernier, parvint à la même conclusion en 1920. De nos jours le jugement qui fait le plus autorité est celui de Jan Vansina, professeur émérite d´histoire et d´anthropologie à l´université du WISCONSIN ; et sans doute le plus grand ethnographe actuel spécialisé dans les peuples du Bassin du Congo. Il fonde ses calculs sur d´innombrables sources locales de régions différentes : prêtres remarquant que le nombre de leurs ouailles étaient en nette diminution, traditions orales, généalogies, et bien d´autres. Son estimation est la même entre 1880 et 1920 la population du Congo a diminué de moitié. La moitié de quoi ? Les premières tentatives de recensement territorial ne firent effectuées que dans les années 1920, le décompte effectué donna comme résultat dix millions de personnes. Villages incendié, otages affamés, réfugiés terrifiés mourrant dans les marécages, ordre d´extermination ». Adam Hochschild, p.273 .
Dans un documentaire de la BBC réalisé par Mark Dummet, le professeur congolais Elikia Mbokolo reprend le même chiffre et fait état de dix millions de Congolais qui auraient disparu des statistiques. Ce chiffre reste controversé et est lié à une interprétation des chiffres démographiques. Néanmoins il montre l´ampleur et l´ignomonie du régime mis en place par Léopold II.
«En 1986, le Kölniscje Zeitung fit paraître, en se référant à un «Belge jouissant d´une haute estime, un communiqué selon lequel 1308 mains coupés avaient été remises au tristement célèbre commissaire de district Léon Fievez en l´espace d´une seule journée». Le journal allemand publia cette nouvelle à deux reprises sans que l´état du Congo réagisse ou publie un démenti.» (Jules Marchal, L´Etat Libre du Congo , L´Histoire du Congo, 1876-1900, tome I, p. 339).
«Chaque fois que le caporal s´en va chercher du caoutchouc, on lui donne des cartouches. Il doit rendre toutes celles non employés ; et pour chacune des cartouches brûlés il doit rapporté une main droite !.Pour prouver jusqu´où cela pouvait aller, (Roi) me dit qu´en six mois de temps ils avaient eux, l´Etat, sur la rivière Momboyo, tiré 6000 cartouches, ce qui voulait dire que 6000 personnes avaient été tuées ou mutilées. Cela veut dire plus de 6000, car on m´a dit à diverses reprises que les soldats tuaient fréquemment des enfants à coup de crosse » (Lagergen, Mission and State in Congo).
Adam Hochschild relie les causes de mortalité à des causes directes : meurtres de masse, assassinats,mais aussi à des causes indirectes liées au régime de terreur exercé par les vassaux de Léopold : famines, maladies, chute du taux de natalité. « Presque toujours les maladies tuent davantage, et plus vite, lorsqu´elles s´attaquent à des populations sous-alimentées et traumatisées : les nazis et les soviétiques n´avaient pas besoin de gazs toxiques ou de pelotons d´exécution pour achever nombre de ceux qui sont morts dans leurs camps » (p. 271). En 1929, le comité permanent du Congrès national de Belgique alerté par la diminution conséquente de la population et donc de la baisse du nombre de ´travailleurs´ déclara : « Nous courrions le risque de voir un jour fondre et disparaître la population noire au point de nous trouver dans une sorte de désert ». (The Native Problem in Africa cité par Adam Hochschild, p. 273-274).
Nombreux villages avaient été détruits, les populations traumatisées et affamées fuyaient dans une nature pour le moins hostile (forêts vierges, climat équatorial ou tropical, maladies infectieuses et parasitaires). Un missionnaire catholique qui travailla de longues années dans le district du lac Maï Ndombé, importante région productrice de caoutchouc remarqua la disparition de classe d´âge entière d´enfants : « A son arrivée en 1910, il fut surpris par l´absence quasi totale d´enfants âgés de sept à quatorze ans, bien qu´il n´y en eût beaucoup de plus âgés et de plus jeunes. Cela désignait la période 1896-1903, pendant laquelle, précisément, la campagne du caoutchouc battait son plein dans le district. A la même époque, un autre témoin se trouvait dans une région proche : Roger Casement, qui effectuait son voyage d´information. Selon son estimation, la population avait diminué de soixante pour cent. »(Ibid, p.271).
Pressafrique
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