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11.06.2007

Ousmane Sembène, panafricaniste et pionnier du cinéma africain, est mort 

Considéré comme l’un des doyens des cinéastes africains, il avait à son actif 12 films dont le premier, "Borom Saret", est un court-métrage réalisé en 1963. Parmi ses films les plus connus figurent "Le Mandat", "Xala", "Ceddo", "Guelwaar" et "Camp de Thiaroye", tourné en 1987, qui retrace le massacre de Tirailleurs sénégalais à Thiaroye, dans la banlieue de Dakar, le matin du 1er décembre 1944, et bien sur Mooladé en 2004.

M. Sembène, 84 ans, était aussi l’auteur de neuf romans et essais dont le plus célèbre est sans nul doute "Les Bouts de Bois de Dieu", publié en 1960, roman qui retrace la grande grève menée en 1947 par les cheminots du Dakar-Niger, le chemin de fer reliant Dakar à Bamako, la capitale du Mali.

Faisant parti des classiques de la littérature africaine, "Les Bouts de Bois de Dieu" avait connu un succès retentissant au point de figurer dans le programme scolaire de plusieurs pays, dont le Sénégal.

M. Sembène avait gagné de nombreux prix cinématographiques dont celui du meilleur film étranger qui lui a été décerné en 2004 par la critique américaine et le prix spécial du jury au Festival international de Marrakech, au Maroc.

Né à Ziguinchor, dans le Sud du Sénégal, Ousmane Sembène, avait été mobilisé en 1942 par l’armée coloniale française et avait vécu en France de 1946 à 1960 où il avait travaillé comme docker au port de Marseille.

Lire son interview par afrik.com : Sembène Ousmane, une vie de cinématographie

Filmographie :
1963 : Borom Saret, court-métrage
1963 : L’empire Songhay, court-métrage documentaire
1964 : Niaye
1966 : La Noire de... (long-métrage)
1968 : Le Mandat (long-métrage)
1970 : Taaw (court-métrage)
1971 : Emitat (Dieu du tonnerre)
1974 : Xala (long-métrage)
1976 : Ceddo (long-métrage)
1987 : Camp de Thiaroye (long-métrage)
1992 : Guelwaar (long-métrage)
2000 : Faat Kiné
2004 : Mooladé
1963 : Borom Saret, court-métrage 1963 : L’empire Songhay, court-métrage documentaire 1964 : Niaye 1966 : La Noire de... (long-métrage) 1968 : Le Mandat (long-métrage) 1970 : Taaw (court-métrage) 1971 : Emitat (Dieu du tonnerre) 1974 : Xala (long-métrage) 1976 : Ceddo (long-métrage) 1987 : Camp de Thiaroye (long-métrage) 1992 : Guelwaar (long-métrage) 2000 : Faat Kiné 2004 :
Bibliographie :
1956 : Le Docker noir
1957 : O pays, mon beau peuple
1960 : Les Bouts de bois de Dieu
1962 : Voltaïque
1964 : L’Harmattan
1965 : Le Mandat
1973 : Xala 1981 : Le Dernier de l’Empire
1987 : Niiwam, suivi de Taaw.



Sembene Ousmane

www.ouestaf.com

Mort de Sembene Ousmane, le Samedi 9 juin 2007 à son domicile à Dakar - le dernier clap d´un pionnier du cinéma africain
 
Le cinéaste et écrivain sénégalais Sembene Ousmane, décédé samedi soir à Dakar à l´âge de 84 ans, était le prototype de l´homme d´action, de l´artiste engagé dans les combats essentiels de son temps, pour la justice, la liberté et la dignité des peuples africains.

´´Il y a des combats que l´on mène pas à pas, jour après jour´´, aimait-il à dire aux journalistes qui parvenaient à lui arracher des mots, tant l´homme était avare en paroles. Il préférait l´action et en cela, il a fait preuve, tout au long de sa carrière, d´un courage et d´une ténacité sans pareille.
En témoin de son temps, il a mené sa part de combat, ne perdant jamais sa capacité d´indignation autant dans ses œuvres que dans ses interventions. Et quand on lui reprochait ce franc-parler souvent cru, il répondait : ‘´ce n´est pas un défaut, c´est ma liberté´´. Libre, Sembene l´a été jusqu´au bout.

´´J´ai bavé, je baverai encore mais avec dignité. Je ne me mettrai jamais à genoux´´, disait-il en 2003 dans un reportage du journaliste burkinabé Yacouba Traoré. ‘´J´ai un travail que j´aime et personne ne m´a demandé de le faire. Je veux parler avec mon peuple et cela je ne peux pas le faire en cachette´´, ajoutait l´homme. Autant, il y avait la liberté dans son choix de faire du cinéma son métier pour ‘´parler à (son) peuple´´, autant il a usé de cette liberté dans ces œuvres littéraires comme cinématographiques.
Sembene, Ousmane de son prénom, est né le 1-er janvier 1923 à Ziguinchor. Son père ne le déclare que huit jours plus tard.

Très tôt, il est confié à un de ses oncles, instituteur. Mais il ne fera pas d´études. A 13 ans, en 1937, en pleine époque coloniale, il gifle le directeur de son école qui voulait lui apprendre le corse. Renvoyé, il doit se débrouiller pour survivre. Il devient pêcheur, mécanicien, maçon pour finir militaire. Il est mobilisé dans l´armée coloniale en 1942. Il est envoyé au Niger, au Tchad, en Afrique du Nord, puis en Allemagne.

Démobilisé, il participe en 1947 à la grève des cheminots, la première en Afrique, dont il tire un de ses premiers romans : ‘´Le bouts de bois de Dieu´´, publié en 1960.

En 1948, Sembene a 25 ans. Sans travail et pratiquement sans instruction, il décide de partir en France. Il s´embraque clandestinement dans un bateau pour Marseille. Il s´instruit, milite au Parti communiste français en 1950, puis à la Confédération générale des travailleurs (Cgt). La France est alors en guerre au Vietnam Avec ses collègues, il bloque le port de Marseille pendant trois mois pour empêcher l´embarquement d´armes destinées à l´Indochine.
Devenu responsable syndical, il rencontre des écrivains de passage à Paris pour le premier Congrès des écrivains et artistes noirs et se met à écrire. L´autodidacte qu´il est, se lance dans le roman. Ça donne ‘´Le docker noir´´ (1956). Il publie aussi ‘´Ô pays, mon beau peuple´´ (1957), ‘´Voltaïque´´ (1962), ‘´L´Harmattan´´ (1964), ‘´Le Mandat´´ (1965), ‘´Xala´´ (1973), ‘´Le Dernier de l´Empire´´ (1981), ‘´Niiwam´´, suivi de ‘´Taaw´´ (1987).

Mais après la sortie de ses premiers livres, il commence à s´intéresser au cinéma, réfléchit à une démarche plus grand public, ‘´politique, polémique et populaire´´ comme il disait. Conscient qu´il était de la portée limitée des livres dans une Afrique encore en proie à l´analphabétisme.

Avec ce projet en tête, il monte à Paris, à 38 ans, avec l´idée de s´inscrire dans une école de cinéma. Il n´y trouve aucun soutien de la part des intellectuels engagés. C´est alors à Moscou, au studio Gorki, avec Marc Donskoï et Serguei Guerassimov, qu´il apprend à tenir une caméra.

Dans ses films, Sembene s´immerge dans les quartiers populaires. Il connaît tout le monde, organise des projections aux prisonniers, parle de culture aux enfants A 40 ans (1963), il réalise son premier court métrage : ‘´Borom Sarrett´´. Il y dépeint avec humour la journée d´un transporteur qui véhicule clients et marchandises. Il réalise en 1963 le documentaire ‘´L´Empire Songhay´´.

En 1964, il réalise son deuxième court métrage, ‘´Niaye´´, primé l´année suivante au Festival de Locarno. Ce film raconte l´histoire d´un chef de village qui a fait un enfant à la fille du griot.

Estimant que le cinéma doit devenir ‘´le cours du soir du public africain´´, il se lance dans son premier long - en réalité un moyen métrage - ‘´La Noire de...´´ (1966) qui est l´histoire d´une jeune Sénégalaise que ses patrons blancs amènent avec eux en France. La jeune fille ne supporte pas les humiliations, le paternalisme, l´exil. Elle se suicide, préférant la mort à l´esclavage.

Ce film obtient le Prix Jean Vigo, le ‘´Tanit d´or´´ aux Journées cinématographiques de Carthage (1966), le prix de meilleur réalisateur africain au Festival mondial des Arts nègres tenu la même année à Dakar.
Sembene Ousmane réalise son deuxième long métrage en 1968. C´est ‘´Le Mandat´´, dans lequel le rôle principal est merveilleusement tenu par Makhourédia Guèye. Le cinéaste y offre une saisissante peinture de la société sénégalaise postindépendance, où tout le monde vole, est voleur et où le peuple est exploité par des Noirs dit ‘´modernes´´.

Animé du souci d´être un témoin de son temps, il se penche en 1971 sur la seconde Guerre mondiale qu´il a lui-même vécue, en réalisant ‘´Emitaï´´. Dans ce long métrage, une partie des hommes d´un village diola de Casamance a été enrôlée de force pour se battre dans l´armée française. Ce sont les femmes qui récoltent le riz, dont un colonel de l´armée coloniale veut prélever la plus grande partie. Il va se heurter à leur résistance.

Trois ans après ce film, il se remet en 1974 à la description de la nouvelle société moderne sénégalaise amorcée avec ‘´Le Mandat´´. ‘´Xala´´ est un réquisitoire. Sembene y dénonce l´attitude d´une bourgeoisie noire qui imite tous les défauts des Blancs (corruption, arrogance et défaut de scrupule).
Le riche homme d´affaires, Abdel Kader Bèye, a décidé de prendre une troisième épouse. Mais le soir du mariage, impossible de consommer l´union. Bèye est impuissant. Lui, le moderne, va se tourner vers la tradition dont il s´était affranchi et senti libéré. ‘´Xala´´ est un procès des nouveaux dirigeants africains qui se sont arrogés tous les pouvoirs.

En 1977, Sembene réalise ‘´Ceddo´´. Ce film porte sur la résistance d´une communauté africaine à l´avancée de l´islam au 17-ème siècle. A cette occasion, Sembene a le commentaire suivant : ‘´on peut faire autre chose que de regarder vers l´Arabie Saoudite ou vers l´Occident. On peut regarder vers l´intérieur de l´Afrique, sa culture, sa spiritualité´´.

Ce film est interdit au Sénégal par le président Léopold Sédar Senghor qui estimait qu´il y avait une ‘´faute´´ d´orthographe dans la transcription du titre. Pour Senghor, le terme ceddo ne devait s´écrire qu´avec un seul « d ». L´œuvre attaque les invasions du catholicisme et de l´islam en Afrique de l´Ouest, le rôle de ces religions dans la destruction des tissus sociaux traditionnels.

Infatigable, jeune dans ses idées et toujours sur la brèche, ‘´l´aîné des anciens´´ comme il aimait à se faire appeler revient à la seconde Guerre mondiale. Il réalise en 1988 avec Thierno Faty Sow ‘´Camp de Thiaroye´´.
Sembene dénonce l´injustice faite aux tirailleurs qui, après avoir libéré la France de l´occupation nazie, se retrouvent démobilisés, sans décoration, ni reconnaissance. Et leur solde cristallisée par le général De Gaulle. Parce qu´il fustigeait l´attitude du pouvoir français, le film n´est pas autorisé à Cannes. Malgré tout, ‘´Camp de Thiaroye´´ reçoit le prix spécial du jury au Festival de Venise (Italie).

Dans ‘´Guelwaar´´ (1992), où le rôle principal est tenu par Thierno Ndiaye Doss, il s´en prend à l´aide internationale qui cache à ses yeux une exploitation des richesses des pays du Sud par l´Occident. Ainsi, Sembene espérait l´émergence d´une nouvelle Afrique qui refuse de tendre la main et de mendier.

Toujours animé de la volonté de marquer son temps, de faire réfléchir et de tenter de faire évoluer des situations archaïques, il se lance, à la fin des années 90, dans la réalisation d´une trilogie sur ce qu´il appelait ‘´l´héroïsme au quotidien´´.

Le premier film de cette série est ‘´Faat Kiné´´, réalisé en 2000. Le deuxième, ‘´Moolaadé´´, aborde le thème sensible de l´excision. Mais pour le cinéaste, c´est une œuvre qui défend la liberté d´expression. Celle de femmes ayant décidé de s´opposer à une tradition qu´elles jugent archaïque. ‘´La Confrérie des Rats´´, le troisième de la série, était en préparation.
Sembène a reçu plusieurs récompenses pour ‘´Moolaadé´´ : prix du meilleur film étranger décerné par la critique américaine, prix Un Certain Regard à Cannes, prix spécial du jury au Festival international de Marrakech. Auparavant, il avait reçu, entre autres distinctions, le prix Harvard Film Archive décerné par l´Université Harvard de Boston en 2001.

La camera de Sembene ne tournera donc pas ‘´Samory´´, l´œuvre à laquelle il tenait, pour rendre hommage au résistant à la pénétration coloniale. Philosophe devant les difficultés rencontrées pour réaliser ce film, il disait : ‘´si je ne fais pas +Samory+, d´autres le feront´´.

Il ajoutait : ‘´on essaie de le faire mais il y a des priorités. Quand je pense aux souffrances que je peux avoir pour faire un film, quand je pense à nos hôpitaux, nos écoles, nos dispensaires, je dis que ce n´est pas un problème´´. C´était ça Sembene. Libre et sensible aux préoccupations de son peuple.(APS)

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AFP
Le cinéaste sénégalais Ousmane Sembène, considéré comme l´un des pionniers du cinéma africain, est décédé à Dakar à l´âge de 84 ans...

"Il a souffert, mais il est mort dignement", a indiqué à l´AFP l´assistant du cinéaste Ousmane Sembène, Clarence Delgado avant de préciser que M. Sembène était "malade depuis décembre" et qu´il était décédé à son domicile.
Né en janvier 1923 dans une famille de pêcheurs de Ziguinchor, en Casamance (sud), Ousmane Sembène a réalisé depuis 1963 une dizaine de films.
De "Borom sarret" (1963), racontant une journée dans la vie d´un pauvre transporteur, à "Mooladé", plaidoyer contre l´excision et hommage aux femmes, en passant par "Le Mandat" (1968), "Ceddo" (1976), sa filmographie montre un "cinéma progressiste profondément populaire", selon plusieurs critiques.
Son premier long-métrage, "La noire de ...", est considéré comme le premier long-métrage négro-africain.

Ousmane Sembène a été récompensé à deux reprises au festival de Venise. Il a reçu le prix de la critique internationale pour "Le mandat" en 1968, et le prix spécial du jury en 1988 pour "Le camp de Thiaroye", un film retraçant la violente répression de tirailleurs sénégalais réclamant leur solde par l´armée française.

Egalement écrivain, il était membre fondateur du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), organisé tous les deux ans.
Ousmane Sembène doit être inhumé lundi à Dakar, a indiqué M. Delgado.

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AFRIK.com

Par Valérie Ganne
Cannes, correspondance particulière

Afrik : Pourquoi avoir choisi de traiter le sujet de l’excision, maintenant, à plus de 80 ans ?

Sembène Ousmane : Ce n’est pas vraiment un choix. J’avais décidé de faire un triptyque sur l’Afrique moderne, sur les femmes et les hommes d’aujourd’hui, à la ville et à la campagne. La campagne Africaine n’est plus ce qu’elle était même si les traditions sont restées. Parmi les coutumes il y a des choses à enlever, et l’excision, contre laquelle beaucoup de femmes militent, en fait partie. Cette évolution lente de l’Afrique, c’est ce que j’appelle « l’héroïsme au quotidien », ce sont ces gens dont on ne parle jamais et qui font bouger l’Afrique.

Afrik : Collé, l’héroïne de Moolaadé, en est un exemple ?

Sembène Ousmane : Oui, il ne s’est rien passé dans sa vie, si ce n’est ce combat contre l’excision. L’actrice qui incarne Collé, Fatoumata Coulibaly, anime des émissions radio au Mali, est elle-même excisée, et milite contre l’excision. Dans le film, jouent beaucoup de femmes militantes. Le soir, après la journée de tournage, il y avait des débats entre les partisans et les militants de l’excision.

Afrik : Comment avez-vous trouvé le village du film, au Burkina Faso ?

Sembène Ousmane : Je l’ai cherché pendant un an et je l’ai déniché à 600 km de Ouagadougou. Je voulais un endroit où la nature est toujours verte, où les habitants n’ont pas faim. Je tenais à sortir de la représentation de l’Afrique miséreuse. La mosquée est un élément très important du village : c’est une des plus vieilles du pays. Il y en a plusieurs de ce genre, elles datent du 7e ou 8e siècle, des débuts de la conversion de l’Afrique à l’Islam. Au plus haut du toit, il y a un œuf d’autruche, car dans la mystique des Bambaras, le monde a commencé dans un œuf d’autruche. Ce n’est que bien plus tard que sont apparus les croissants de lune sur le toit des mosquées Africaines. La forme de la mosquée est aussi inspirée des termitières. Je voulais montrer aux Africains que nous avons un passé. Par exemple, dans ce village, il n’y a pas de cimetière, chaque famille enterre ses morts à la maison. C’est une tradition africaine. Ce village s’appelle Djiery So, c’est toute une légende, cela signifie « terre de sang » : c’est un lieu où il y a eu beaucoup de batailles. Il y a encore trois ethnies différentes qui y cohabitent.

Afrik : Quelles langues sont parlées dans le film ?

Sembène Ousmane : Il fallait que je trouve une belle langue et des gens qui la parlent très bien. En Afrique de l’Ouest, les deux langues les plus parlées sont le Pulaar et le Bambara, et ce sont dans ces deux langues qu’il y a le plus de femmes excisées : ce sont les langues du film, qui sont parlées au Burkina aussi.

Afrik : Vous montrez que l’excision est également une affaire de pouvoir, des hommes contre les femmes, des anciens contre les jeunes. Mais Collé, l’héroïne, utilise la tradition pour se battre contre la tradition...

Sembène Ousmane : C’est le conflit de deux valeurs africaines : le droit d’asile (le Moolaadé) et l’excision. Ces deux valeurs s’affrontent.

Afrik : Comment sera diffusé le film en Afrique ?
Sembène Ousmane : Le Mali, le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire sont partenaires de ce film, la diffusion pour moi est déjà prête, je vais faire des avant-premières dans ces trois pays. Il faut absolument que ce film circule. Nous pouvons le sortir en vidéocassette, nous appuyer sur les mouvements de femmes, comme introduction aux discussions. Et j’espère bien que j’aurais les télévisions africaines, que je n’ai pas pour l’instant.

Afrik : Pensez-vous que Moolaadé puisse faire changer des choses ?

Sembène Ousmane : En Afrique, hommes et femmes doivent travailler là-dessus. C’est un film contre l’oppression de la liberté, cette oppression des femmes qui est aussi une oppression des hommes : le père dit à son fils qu’il ne peut pas épouser celle à qui il était promis car elle est « bilakoro », c’est-à-dire non excisée. Lorsque le fils décide de s’y opposer, c’est déjà un acte de courage. La majorité des hommes sont contre l’excision, mais ils ne l’avouent pas. Par mon travail, je suis bien placé pour dire les choses, je suis à même d’exprimer la parole non dite de la majorité des personnes. C’est mon métier qui me confère cette autorité.

Afrik : Pouvez-vous nous en dire plus sur le troisième volet de votre triptyque, un projet sur la corruption ?

Sembène Ousmane : Oui, il est déjà écrit, cela s’appellera « La confrérie des rats ». Un juge est assassiné en pleine ville. Il enquêtait sur l’enrichissement illicite. La presse fait des articles, attaque le gouvernement, qui nomme un autre juge : ce dernier va découvrir pourquoi on a tué son prédécesseur et ses découvertes vont faire trembler la Nomenklatura.
 

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