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13.09.2007

Ruben Um Nyobe : modèle d’homme de culture 

Le procès de l’assassinat de Um Nyobè

Instituteur, syndicaliste, tribun, homme politique, Ruben Um Nyobè fut le porte-parole des masses camerounaises. Il porta les revendications d’indépendance jusqu’à l’Onu. Un combat qui lui coûta la vie le 13 septembre 1958.


Il y a 49 ans, jour pour jour, le peuple camerounais en général et, les militants et sympathisants de l’Union des populations du Cameroun (Upc), étaient plongés dans la consternation. Le 13 septembre 1958, la nouvelle de la mort de Ruben Um Nyobè, charismatique leader nationaliste, s’est répandue à travers le pays comme une traînée de poudre. Il a été privé d’obsèques après sa mort et enterré à la sauvette au cimetière de la mission presbytérienne d’Eséka. Une douloureuse évidence de l’inhumain traitement infligé à sa dépouille mortelle et que l’on continue aujourd’hui d’infliger à sa mémoire.
Au Cameroun, longtemps après l’indépendance, il était interdit de prononcer publiquement son nom, de lire ses écrits, de garder chez soi son effigie, ou encore de se souvenir de sa vie, de son enseignement et de son action. Longtemps après son martyre, tout se passait toujours comme s’il n’avait jamais existé. Cette officielle mise au ban cachait le sens réel de sa vie. Celle-ci a été une succession d’épreuves, de luttes et de souffrances ; les unes toujours plus difficiles que les autres.
Après tant de temps, les circonstances de sa mort n’ont jamais été élucidées. “ Pour ce qui concerne les conditions de l’assassinat de Ruben Um Nyobè, la vérité reste cachée. La plupart des documents sont encore confisqués par l’ancienne puissance coloniale ou dissimulés par l’administration du Kamerun ”, écrit Bakang ba Tonje dans “ Les derniers jours de Ruben Um Nyobè ”, Editions Kunde, 2005, P. 16.

Un haro de mystère
Quarante-neuf ans après, la mort de Ruben Um Nyobè reste couverte d’un épais voile de mystère. Ce qui donne lieu à diverses interprétations, les unes plus plausibles que les autres. Il aurait été trahi par ses proches, par des membres de l’Eglise, par des combattants de l’Upc ralliés. Qu’importe ! Deux thèses s’affrontent sur les circonstances, les conditions et le lieu de l’assassinat de celui qui est classé au premier rang des martyrs africains de l’indépendance.
La première thèse, la plus connue parce que la plus répandue, indique que Ruben Um Nyobè a été tué le 13 septembre 1958 dans le maquis de Libél li Ngoï, aux encablures de Boumnyébél, par une patrouille militaire. Cette version heurte certaines données. La nouvelle de sa mort a été rendue publique autour de 10 heures du matin, quelques heures après le passage de la patrouille militaire à Boumnyébél. La patrouille a embarqué Esther Ngo Manguelle capturée le 9 septembre dans un maquis et gardée au secret pour exploitation pendant quatre jours. “ Ce qui paraît invraisemblable pour celui qui connaît le fonctionnement de l’administration coloniale. Une nouvelle de telle importance ne pouvait pas être diffusée aussitôt sans le visa de l’administration centrale ”, raconte Nathanaël Mboua, militant de l’Upc et ancien greffier près les tribunaux du Nord Cameroun.
En effet, la thèse officielle soutient que Ruben Um Nyobe avait été tué dans le maquis au même moment que son compagnon Yem Mback. Mais curieusement, “ la dépouille de Yem Mback est en état de putréfaction avancée (4 jours) alors que celle de Um Nyobè est plus fraîche (2 à 3 jours selon l’heure de l’exécution) le matin du 13 septembre lorsqu’elles sont ramenées de la forêt sur la route carrossable, puis à Eséka ”, révèle Bakang ba Tonje. Tous ces témoignages sèment le doute dans l’esprit des Camerounais. Nombre d’entre eux pensent que le récit officiel voulait criminaliser Ruben Um Nyobè et sa bande. D’où d’ailleurs le nom de “ maquisards ” équivalent de “ terroristes ” qui leur est collé.

Loin d’un problème de sémantique
La deuxième thèse rappelle que “ le 13 septembre 1958, si l’on s’en tient à la date de l’annonce officielle, sans même un semblant de jugement, Ruben Um Nyobè, secrétaire général de l’Upc alors âgé de 45 ans, est froidement exécuté d’une balle dans la tête par l’armée française après avoir été lâché par les siens et trahi par certains de ses compagnons du maquis ”, relate Bakang ba Tonje, médecin et militant de l’Upc depuis 1969. Cette thèse est d’ailleurs partagée par nombre d’Upécistes et de Camerounais. “ L’ensemble des photographies judiciaires montrant bien l’impact de la balle parvint trois ans plus tard à la section de France de l’Upc, par l’intermédiaire de Nicolas Kelbe, alors greffier au tribunal d’Eséka et interprète des prisonniers politiques, et Simon Ngan Yon, beau-frère de ce dernier et étudiant upéciste en France, et fut confié à Henri Hogbe Nlend, alors vice-président à l’information de la section ”, poursuit-il.
Les tenants de la deuxième thèse pensent que leur “ Mpodol ” (celui qui porte la parole des siens : traduction libre du bassa) a été exécuté le 11 septembre 1958, soit deux jours après son départ du maquis de Mamélél. Ils font foi aux témoignages de sa compagne Marie Ngo Njock. Elle déclare avoir vécu un “ souvenir de l’irréparable ” entre le 12 et le 13 septembre 1958. Qu’a-t-elle vu et vécu ces jours ?
Dans tous les cas, l’autre élément évoqué c’est la valise blanche de Ruben Um Nyobè découverte par Mayi ma Matip ma Ndombol et Yembel le 11 septembre 1958 entre les mains d’un soldat de l’unité militaire qui a attaqué le groupe du “ Grand Maquis ” à Lia li Mbend. La même valise a été aperçue par Esther Ngo Manguelle dans les locaux militaires à Makaï, le même jour. “ Peut-être que Um Nyobè, captif, est aussi emmené par cette unité ? Ou bien a-t-il été emmené par les officiers français blancs à Yaoundé, alors que les soldats noirs ramenaient sa valise au village ? ”, interroge Bakang ba Tonje. Um Nyobè aurait alors été arrêté, maintenu au secret pendant deux jours et traduit devant le conseil de ministres présidé par Ahmadou Babatoura Ahidjo. En attendant les instructions de Paris, Ahmadou Babatoura Ahidjo, Premier ministre, aurait engagé des consultations avec des dignitaires du sérail, dans la plus grande discrétion.
Selon Bakang ba Tonje, “ Um Nyobè est conduit à Yaoundé, en secret ; en effet, les Français espèrent qu’Ahidjo et ses agents réussiront où Mayi ma Matip a échoué, c’est-à-dire à le retourner.” De nombreuses propositions sont faites au secrétaire général de l’Upc. Ruben Um Nyobè aurait alors demandé à ses interlocuteurs d’engager plutôt le dialogue avec l’Upc et non avec lui en personne. Car son parti est prêt à discuter sur la base du Manifeste du bureau du comité directeur du 22 avril 1955, ou sur la base des propositions contenues dans le document publié et intitulé “ Les vraies solutions pour la détente politique et morale au Kamerun ”.
Le gouvernement français n’accède pas à cette démarche. “ Le surlendemain, sur ordre de Jacques Focart au nom du gouvernement français, Ruben Um Nyobe est exécuté ” après la délibération du conseil des ministres. Cette version est rapportée à Abel Eyinga par Charles Okala, ministre des Travaux publics, des transports et des mines. Il a participé à ce conclave. “ Tout ceci est édifiant et révoltant en même temps. Il est quand même étonnant de voir comment les "civilisés" règlent leurs problèmes avec les "sauvages". Entre ceux qui ont utilisé leurs voix et ceux qui ont usé des armes, on se demande finalement qui sont les vrais sauvages ”, déclare Ndjel Kunde.

Les responsabilités
“ Que le sang de Ruben Um Nyobè ait été versé, la France en porte totalement la responsabilité. Elle est, de part en part, responsable de ce crime. Comme de coutume, elle se servit de ses relais indigènes pour atteindre son objectif ”, reconnaît Achille Mbembe. Au-delà des larmes versées face à cet odieux et lâche crime, il est temps d’ouvrir le vrai procès de l’assassinat de Ruben Um Nyobe. Afin de se lancer sur de nouveaux chemins de la libération. Georges Chaffard n’écrivait-il pas dans “ Les carnets secrets de la décolonisation ” que l’histoire rendrait un jour hommage à Um Nyobè ? En septembre 2008, ne faudrait-il pas organiser proprement ses funérailles ? Car, selon Daniel Abwa, afin que même “ traqué, assassiné et rejeté par les régimes de Yaoundé, le “ Mpodol ” se dresse comme un phare dans l’histoire tourmentée du Cameroun. ”
Son péché aura été son engagement à modifier l’ordre colonial, la vision de l’homme. “ Peu de mouvements révolutionnaires africains auront eu un chef de sa valeur ”, écrit Georges Chaffard dans “ Syndicalisme, politique et naissance de l’Upc ”. Il se rend à l’Onu trois années de suite (1952, 1953, 1954) pour plaider pour l’indépendance et la réunification du Cameroun. Il revendique l’application de la Charte des Nations Unies sur le Régime international de tutelle. Car pour lui, le véritable décollage économique du Cameroun passe par la rupture avec le pacte colonial. Quarante-neuf ans après, on en est toujours là.
 


Par Noé Ndjebet Massoussi
Le 13-09-2007


Ruben Um Nyobé : modèle d’homme de culture

Le grand nationaliste kamerunais fut assassiné le 13 septembre 1958. Quarante neuf ans après sa mort, son personnage est toujours l’objet d’une nombreuse littérature dont les buts ne sont pas toujours des plus nobles. Nous avons voulu restituer ici ce qui constitua le principe cardinal du grand homme : la culture politique. Grâce à elle, Um peut s’élever au-dessus des contingences tribales et donner un élan national au patriotisme kamerunais.

Ruben Um Nyobé et les dirigeants upécistes actuels
Le discours politique des enfants de Louis Paul Aujoulat, depuis l’époque coloniale, semble n’avoir pour fonction que la duperie intellectuelle et idéologique, avec pour fondements la course effrénée vers la mangeoire. En ce sens, nos contemporains Bello Bouba Maïgari, Augustin Frédéric Kodock, Dakolé Daissala, et les autres fils, même adultérins, du régime actuel – y compris beaucoup de dirigeants de partis républicains de l’Opposition - sont la figure ultime de Louis-Paul Aujoulat, le père-fondateur du système néocolonial dans notre pays. Et c’est pourquoi, en règle générale, ces hommes politiques disent … ce qu’ils ne font pas, et font … ce qu’ils ne disent pas. C’est aussi pourquoi, dans le but de transformer subrepticement les valeureux héros de notre lutte de libération nationale et leur formidable organisation (l’UPC) en fonds de commerce politique, les Kodock et autres Charly Gabriel Mbock et Hogbe Nlend s’acharnent désespérément, avec l’assistance théorico-livresque des Achille Mbembe, à réduire Ruben Um Nyobé en un héros bassa. Cette escroquerie, espèrent-ils, leur permettra d’embrigader nos compatriotes bassa dans ces prisons politiques que sont leurs partis, pour les livrer pieds et poings liés à M. Biya, et recevoir en retour quelque strapontin à l’Assemblée nationale ou dans le gouvernement. Dans cette démarche alimentaire, ils dépouillent l’UPC et Ruben Um Nyobé de ce qui précisément faisaient leur force : “ l’activité résolue de production résolue d’une culture. ” Cette démarche purement gastronomique veut faire de l’UPC et de Ruben Um Nyobé des hommes et des faits de “ coutume ” que l’on puisse manipuler à souhait, parce qu’on aura vidé ces hommes et leur épopée de leur substrat historique et, en quelque sorte, de leur être réel. Mais les Kodock et autres Charly Gabriel Mbock et Hogbe Nlend se trompent d’époque ! Le Kamerunais d’aujourd’hui, qu’il soit bassa ou non, n’est plus ce qu’il était dans les années 90, quand nous aspirions tous, goulûment et avec peu de circonspection, à l’air frais de la liberté.

Culture, coutume et costume
La refondation du patriotisme kamerunais, qui est une nécessité inéluctable si les patriotes d’aujourd’hui veulent poursuivre fidèlement l’œuvre de leurs prédécesseurs (Samba Martin Paul, Rudolf Douala Manga Bell, Madola, Um Nyobé, Moumié, Ouandié, Kingué, Osendé Afana, etc.), si elle veut être efficace, doit se faire, chez chaque patriote, sur un certain nombre de “ comportements idéologiques ”. Nous devons, dans notre pensée comme dans notre pratique, retrouver les ressorts “ secrets ” qui ont fait de nos prédécesseurs les héros unanimement acclamés qu’ils ont été. Et l’une des conditions fondamentales à l’adoption de ce type de comportements idéologiques, pour ne pas se laisser entraîner dans les sissonghos par tous les traîtres qui dépècent la dépouille des Um Nyobé pour en livrer des morceaux sanguinolents au néocolonialisme, c’est la distinction claire entre la “ culture politique ” et la “ coutume politique. ” Et la réflexion sur ces notions de “ culture ” et de “ coutume ” est réellement indispensable, car la longue lutte de l’UPC a bel et bien donné naissance non seulement à une culture politique et idéologique, mais également à des coutumes nauséabondes. Comme leurs prédécesseurs dans la lutte (Samba, Manga Bell, etc.), les Um Nyobé sont fondamentalement des êtres de culture. Ils ne sont pas des êtres de coutume. Ils sont encore moins des hommes de ... costume (c’est-à-dire des hommes habillés physiquement, mentalement, idéologiquement et politiquement par l’Occident impérialiste, à l’instar de Monsieur Biya et de ses acolytes).
Mais qu’est ce qu’un homme de culture et qu’est-ce qu’un homme de coutume ? La culture peut être définie sous deux angles. D’abord comme activité permanente de création, par une collectivité humaine, de nouvelles idées, de nouvelles institutions, de nouveaux outils, de nouveaux comportements ou de nouvelles pratiques pour s’adapter à un environnement nouveau ou à des situations nouvelles. Ainsi, quand les Kamerunais créent le RACAM (Rassemblement Camerounais) en 1946, à la suite de la JEUCAFRA et de l’UNICAFRA, ils font oeuvre novatrice de culture. Mais le RACAM est très vite dissous par le colon français. Quand les révolutionnaires kamerunais, sous la direction de Ruben Um Nyobé, créent l’UPC deux ans plus tard, ils font d’autant plus oeuvre de culture qu’ils affinent le patriotisme kamerunais pour mieux l’adapter au contexte de la colonisation, mieux comprise désormais comme extension du capitalisme en terre étrangère. La culture peut également être comprise comme l’ensemble des idées, institutions, outils, comportements et pratiques ainsi créés. Dans le premier cas (celui de la pratique novatrice), on parlera de “culture constituante”, parce qu’il s’agit d’un acte, d’une “ praxis ”, comme l’écrirait Marx, et dans le second cas on parlera de “culture constituée”, parce qu’il s’agit de produits de la culture constituante. Prenons un exemple pour que les choses soient claires : quand Ruben Um Nyobé et d’autres patriotes se retrouvent fréquemment, de 1947 à 1948, pour débattre de la possibilité de créer une nouvelle organisation de lutte après le RACAM, ils font acte de culture constituante. Les textes, règlement intérieur, programmes politique et économique, etc. ressortissent du domaine de la culture constituée de l’UPC. Mais ne voilà t-il pas que quarante ans plus tard, Augustin Frédéric Kodock interdit qu’on change même une seule virgule dans ces textes, en dépit de la profonde mutation du contexte historique ? Et pourquoi ? Nous le verrons plus loin.
Pour comprendre ce que c’est que la coutume en général, et ce qu’elle est plus particulièrement dans l’UPC des vendeurs des lambeaux de chair de Ruben Um Nyobé, il faut considérer que la culture constituée se subdivise elle même en deux grands groupes : la culture constituée “vivante” et la culture constituée “morte”. Qu’est-ce que cela veut dire ? La culture constituée vivante est faite des idées, institutions, outils, comportements et pratiques inventées aujourd’hui pour résoudre des problèmes qui se posent aujourd’hui. En quelque sorte, la culture constituée vivante est le produit de la culture constituante d’aujourd’hui. La coutume, par contre, c’est de la culture constituée morte. Elle est composée de “cadavres culturels”, c’est-à-dire d’idées, d’institutions, de comportements, de pratiques et d’outils inventés hier pour résoudre des problèmes qui se posaient hier et qui ne posent plus aujourd’hui. Que nous usions de nos coutumes pour affirmer notre identité folklorique (au sens noble de ce mot) n’a rien d’indécent. Mais un homme de coutume, qui croit pouvoir résoudre les problèmes d’aujourd’hui avec les solutions d’hier, est homme tout entier tourné vers le passé. Il est aveugle au présent et au devenir de la collectivité, parfaitement improductif, parce qu’il lui manque cette créativité, ce dynamisme, cette inventivité qui font les hommes de culture tels que Ruben Um Nyobé, et qui permettent que des mortels tout à fait ordinaires comme vous et moi puissent se dépasser dans le cadre d’actions héroïques. Et s’il arrive si souvent aux Kamerunais d’accuser l’UPC de Kodock (et ses succédanés tel le Mouvement National) de passéisme, c’est bien à raison, parce que dans ces prétendues UPC, les militants sont tous devenus des hommes de coutume plutôt que des hommes de culture.

Culture upéciste
et coutumes upécistes

Au début des années 1920 meurt au Congo, assassiné par les Français (cela va de soi !), un grand patriote africain : André Matswa (alias Matswa ma Ngoma). Ce membre du Parti Communiste français, qui décide volontairement d’aller au front combattre pour libérer la France du joug de l’Allemagne (guerre de 1914-1918) sera l’un des authentiques précurseurs du panafricanisme révolutionnaire, et les Kwamé Nkrumah en sont en quelque sorte les descendants. L’influence de ce Matswa a été telle sur les masses congolaises qu’à sa mort, le peuple éploré et inconsolable en a fait un prophète, et a créé, aux alentours de son action politique, cet avatar du christianisme qu’est le matswanisme. Quel rapport avec le sujet du présent article ? Que mon lecteur veuille bien me suivre au paragraphe ci-après.
Le 13 septembre 1958, Ruben Um Nyobé meurt dans les maquis de la Sanaga Maritime, assassiné par les Français (cela va de soi !). Le peuple éploré et inconsolable essuie ses larmes et jure de continuer la lutte. Mais c’est sans compter avec les manœuvres perfides de la France néocoloniale et des autres impérialismes occidentaux, dont voici quelques exemples. Dans l’Ouest du pays, la répression aveugle s’accompagne d’actions diversifiées et pas toujours légales, pour transformer la petite bourgeoisie débrouillarde bamiléké en une véritable bourgeoisie d’affaires. Il s’agit d’appâter les masses en faisant miroiter à leurs yeux un éventuel enrichissement rapide. Dans le Littoral et le Centre, la distribution de postes administratifs, à tour de bras, subjugue l’enthousiasme de ceux qui ne veulent pas rater une chance de devenir “ngomna” ou de voir leurs fils ou filles le devenir. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux ! Tout ceci vise à couper l’UPC de sa base sociale. Dans la Sanaga Maritime, les choses se présentent tout autrement. Dans aucune région du Kamerun, et pour des raisons que nous n’avons pas le loisir d’exposer ici, l’UPC n’est aussi solidement implantée et organisée. Elle fait corps avec la vie sociale - pourrait-on dire, et imprègne jusqu’à la conduite des affaires de la famille ou du clan. Pour la déssoucher, la répression violente ira avec le regroupement des populations le long des routes (pour mieux les contrôler), et la prostitution de personnages tels Mayi Matip qui, se proclamant “Mpodol II”, invite “ ses frères Bassa ” à sortir de la brousse. Mais la défaite politique et militaire de l’UPC en Sanaga Maritime n’entraînera pas immédiatement sa défaite culturelle, malgré le terrorisme et le lavage de cerveaux auxquels se livreront successivement André-Marie Mbida et Ahmadou Ahidjo. Aussi l’upécisme devient-il une réalité refoulée (comme disent les psychanalystes) et le demeurera jusqu’aux années 90, à l’ère de la démocratisation administrative.
Or, comment une culture politique survivant si longtemps sans aucune prise sur le pays concret, sur le vécu quotidien des populations, sans appareil partisan pour la déployer et la soumettre à la critique contradictoire et intransigeante des faits, comment une telle culture, assujettie à l’idéologie dominante, détournée totalement de son objet initial et coupée des patriotes révolutionnaires encore en lutte, comment une telle culture pourrait-elle garder sa pureté originelle ? (Si tant est qu’on puisse parler de pureté originelle pour ce qui est des réalités humaines). Quoi d’étonnant qu’à l’image du matswanisme, l’upécisme se soit transformé progressivement, presque insensiblement, en une mytho-culture, c´est-à-dire en un ensemble de coutumes ? C’eût été un vrai miracle qu’il en allât autrement.
L’upécisme mytho-culturel (qui est un ensemble de coutumes) est une idéologie identitaire des masses bassa opprimées, violentées, vilipendées comme terroristes pendant plusieurs décennies (et l’on se souvient d’une époque où le substantif “Upéciste” équivalait à “Bassa” et à “terroriste”). L’upécisme mytho-culturel est, pendant ces décennies, une forme illusoire de résistance à la tentative de meurtre psychologique orchestrée par le régime néocolonial contre un groupe ethnique réputé “ rebelle. ”

Coutumes upécistes, élitisme et lutte des classes
Dès son avènement après la mort de Ruben Um Nyobé et la défaite politique et militaire de l’UPC en Sanaga Maritime, l´upécisme mytho-culturel est récupéré de manière très tribaliste et opportuniste par Mayi Matip, qui se proclame l’héritier testamentaire de Um Nyobé et veut organiser l’ensemble du peuple bassa autour de sa personne, pour mieux le livrer en pâture à Ahmadou Ahidjo et au néocolonialisme.
Cette même démarche permettra plus tard l’ascension de Frédérick Augustin Kodock. Ici, les statuts de 1952 sont une véritable bible à laquelle il ne faut point toucher sous peine d’excommunication. Um Nyobé (qui n’en demandait pas tant) est vite transformé en prophète, et une véritable censure s’abat sur les Moumié, Kingué, Ouandié, Osendé Afana, ainsi que sur les activités ininterrompues de l’UPC en clandestinité. Et l’histoire de s’arrêter à 1958 ! Et les Achille Mbembé de pondre moult ouvrages et articles dans lesquels les termes “UPC” et “Bassa” deviennent des synonymes inéluctables. Tout vise à, au grand bonheur du néocolonialisme, la mutation de la culture upéciste en ensemble de coutumes.
Que le tribalisme soit structurel à cette démarche de “ coutumiérisation ” de la culture upéciste est une évidence que ne peuvent nier que ceux qui profitent de cette étrange “culture politique”, au détriment de l’ensemble de notre peuple. Et qui sont-ils ? Ce sont les répliques sociales, parmi les populations Bassa, de ceux qu’on nomme ailleurs les “élites”, et qui agitent la fibre tribale des Kamerunais pour les ranger derrière elles afin de se faire une place au soleil. Mais chez les Bassas, grâce à cette “ coutumiérisation ”, l’entreprise est moins compliquée. Il suffit de se réclamer de l’UPC, ou plus précisément des coutumes upécistes, c´est-à-dire de l’upécisme mytho-culturel. Et qui sont donc ces répliques sociales de ceux qu’on nomme “ élites ” ailleurs ? Ce sont les Kodock et autres Charly Gabriel Mbock. Et l´on comprend que même un Marcel Yondo, ancien ministre d´Ahidjo (Un des pires ennemis de l’UPC) se soit un temps fait passer pour Upéciste. Après tout, n´est-il pas Bassa ? Et être Bassa n´est-il pas une condition suffisante pour être Upéciste ? Car ce type d’équivalence figée, d’où est absent tout dynamisme conceptuel, est caractéristique de la pensée “ coutumière. ”
* Cadre dirigeant du Manidem
 


Par par Ghonda Nounga *
Le 13-09-2007




Ruben Um Nyobe : Un grain de blé sur une terre ingrate ?

Bientôt un demi-siècle qu’il est mort. D’un bord à l’autre de la scène politique camerounaise, il est soit respecté, soit vénéré. L’idée motrice de son engagement politique n’est pas réalisée.
Une enquête de Jean Baptiste Ketchateng

Réhabilité, du bout des lèvres, son nom n’est pas rentré au Panthéon des héros camerounais, dès lors qu’on relève la considération qui s’attache à Ahmadou Ahidjo, John Ngu Foncha, manifestée sur nos places, rues et édifices publics. Ruben Um Nyobe paraît cependant réveiller au sein de l’opinion une certaine idée du Cameroun. Ce retour sur le parcours et les choix politiques de l’homme peut-il contribuer à débloquer ce que les acteurs politiques, quels qu’ils soient, s’accordent à reconnaître comme le "problème camerounais"?

"Le ministre est vraiment désolé, mais il ne pourra pas répondre à vos questions." Hier, ce proche collaborateur du ministre délégué à la présidence de la République chargé des relations avec les Assemblées semblait vraiment peiné de ne pas apporter de bonnes nouvelles. Grégoire Owona, sollicité en sa qualité de secrétaire général adjoint du Rdpc, reste cependant disponible, souligne-t-il. Si les réunions des dirigeants du parlement camerounais où des ministres ont dû prendre beaucoup de temps au très médiatique Grégoire Owona, le sujet aurait-il pu effaroucher le politique qui en général se prête plutôt de bonne grâce au jeu des interviews?

Ruben Um Nyobe, assassiné le 13 septembre 1958 à 45 ans par des soldats français et des supplétifs camerounais dans le maquis de la Sanaga-Maritime, durant la guerre d’indépendance du Cameroun, n’est pas un personnage politique banal. Contraint à la clandestinité dès après les émeutes qui secouèrent plusieurs villes du Cameroun en 1955, ce n’est qu’en… décembre 1991, qu’un décret présidentiel réhabilitera le secrétaire général le plus remarquable de l’histoire de l’Union des populations du Cameroun, dont il fût l’un des fondateurs en avril 1948. Soit dix ans seulement avant sa mort !
Dans les démocraties modernes, cela correspondrait à deux mandats. Aurait-il eu le temps de faire une révolution qui transformerait fondamentalement le visage de la société? Ce qui est sûr, c’est que son nom, comme par un effet magique, fédère les opinions. En juin dernier par exemple, une statue d’Um Nyobe était érigée à Eseka. A la tribune d’honneur, à côté d’Augustin Frédérick Kodock, SG de l’Upc ralliée au gouvernement, Pierre Moukoko Mbonjo, émissaire du comité central du Rdpc. Trois semaines plus tard, alors que la campagne pour les législatives bat son plein, une émission d’Equinoxe télévision rassemble Manfred Gouett Gouett, candidat de l’Upc, Patrick Nelle, candidat du Manidem et Oscar Eyoum, qui sera élu comme député du Wouri-Ouest pour le Sdf.

Alors que ce dernier réclame l’héritage de "l’Upc originelle", Manfred Gouett Gouett dénonce une escroquerie : "Voulez-vous hériter alors que les enfants sont encore là?" L’un appartient pourtant à l’opposition jugée "radicale" par une bonne partie de l’opposition, tandis que l’autre défend avec le Rdpc au pouvoir, le bilan d’une gestion des affaires publiques. Comment Mpodol, le porte-parole, a-t-il réussi en dix ans à marquer autant l’histoire du Cameroun, avant et après son "indépendance"? C’est que bien avant la création de l’Upc, Um Nyobe avait posé et proposé une solution au "problème kamerunais".
L’historien camerounais Achille Mbembe, répondant aux questions de notre confrère panafricain Grioo, souligne ainsi qu’"Il fut le premier intellectuel camerounais moderne dans le sens où c’est lui qui, le premier, pensa de manière critique les conditions d’émergence d’un sujet libre dans cette partie de notre monde". Le Cameroun tel que le voyait Um Nyobe et ses camarades de l’Upc à l’époque, devait relever deux défis : l’unification de ses parties occidentale et orientale, l’indépendance. Réunis, les Camerounais auraient alors pu tirer le meilleur parti des richesses de leur pays.

Kamerunais
Mais, relève Richard Joseph dans son ouvrage Le Mouvement Nationaliste au Cameroun publié en 1986 aux Editions Karthala (page 223), "A chaque fois que Um Nyobé se présentait aux Nations unies, la France mettait en avant des délégués camerounais qui tournaient en dérision l’idée d’unification. Il y avait donc de multiples obstacles : l’idée de réunification des Cameroun n’emporta jamais l’adhésion des Nations unies. Tous les adversaires politiques de l’Upc s’y opposaient avec véhémence… Si aujourd’hui les Cameroun sont unifiés, tout le mérite en revient à l’Upc qui réussit à imposer à tous les Camerounais, et même à ses adversaires politiques, cette idée comme un corollaire nécessaire de l’indépendance du Cameroun."
Contre l’Upc, le colonialisme français et l’Eglise catholique, entre autres forces sociales, avaient invoqué de terribles arguments cependant. Pierre Messmer, haut-commissaire de la France au Cameroun durant les années chaudes d’avant l’indépendance (1956-1958) accuse ouvertement l’Upc d’user de violences. "Désormais, ma stratégie sera simple: ayant réussi à contenir la révolte de l’Upc dans son berceau du pays bassa, je l’y étoufferai.

Et j’y parviendrai, remportant l’un des deux succès français de l’après-guerre contre des insurrections outre-mer (l’autre étant Madagascar)”, rapporte le journaliste français David Servenay de Rue89 en faisant parler Messmer. Peu avant l’interdiction de l’Upc en mai 1955, une déclaration des évêques du Cameroun préviendra les fidèles catholiques contre "le danger communiste" que véhiculerait le mouvement nationaliste.
Aujourd’hui encore, le dirigeant historique de l’Upc ne semble pas avoir trouvé grâce aux yeux des dirigeants camerounais. A la mort de Pierre Messmer, le 29 août dernier, le président de la République, Paul Biya, a envoyé un message de condoléances à son homologue français regrettant qu’ "avec lui [disparaisse] à la fois un homme d’Etat de grande envergure, qui aura notablement marqué la vie politique française, et un grand artisan de la décolonisation. Le peuple camerounais, en particulier, s’en souvient comme de ceux qui ont contribué de manière significative à l’établissement des liens historiques et profonds entre la France et le Cameroun".

Ce 13 septembre, l’homme que Paul Biya a "réhabilité" méritera-t-il une quelconque attention? Rien n’est moins sûr. Depuis le décret de 1991 en effet, aucun acte officiel de la plus haute autorité de l’Etat n’a permis d’aller au-delà de cette "reconnaissance" de l’œuvre d’Um Nyobe. Est-elle d’ailleurs achevée la mission du Mpodol? Pour Maurice Makek, vice-président de l’Upc dite des "fidèles à l’esprit des pères fondateurs", aujourd’hui, "la vraie bataille […] doit porter en priorité sur la revendication d’un code électoral démocratique et commission électorale consensuelle, débarrassée de toute influence partisane". La démocratisation combinée à une libre gestion de leur pays, permettrait donc aux Camerounais de se libérer du joug "néocolonial" et de bâtir "une prospérité partagée". Un demi-siècle après Um Nyobe, l’histoire donnera-t-elle raison à ce militant?

Mpodol : Leader d’une révolution échouée

Autodidacte, organisateur hors pair, syndicaliste, le nationaliste n’a pas atteint un but qui hante toujours le Cameroun.
Mbanga-Kack

"Intelligent il cherche à acquérir par lui même une culture supérieure (...). Depuis les 18 derniers mois, il a consacré toute son activité à créer de nombreux syndicats réunis en union régionale, dont il est le secrétaire général... (...) Est l’un des plus actifs du mouvement démocratique Camerounais, bien que ne paraissant pas lui-même (...) élément dangereux. Sort très peu, mène une vie retirée, ayant un noyau d’amis très restreint..." Ces lignes sont contenues dans un rapport officiel des autorités coloniales françaises au sujet de Ruben Um Nyobè, le père de l’indépendance du Cameroun.

Ruben Um Nyobè dès son jeune âge a une passion pour la pédagogie, il aime écouter et expliquer les faits et les gestes de son entourage. Chez des missionnaires protestants où il commence son enseignement après un cycle primaire sans peine ; il passe avec brio le concours de l’Ecole Normale de Foulassi près de Sangmelima en 1931. En 1932, il est renvoyé de cette institution pour avoir organisé une grève pour mauvaises conditions de traitement à l’internat des missionnaires. Néanmoins, en candidat libre, il prépare et passe l’examen de moniteur indigène. C’est ainsi qu’il commence une carrière d’enseignant, les autorités de l’époque trouvent son enseignement ’’étrange’’ et mettent fin à sa carrière.

Nations Unies
Brillant sujet, il est recruté dans l’administration des finances à Douala. Inscrit aux cours par correspondance, il passe la première partie du baccalauréat en 1939. C’est ainsi qu’il embrasse une nouvelle carrière de commis de greffe du tribunal de Yaoundé. Mais sa base idéologique, il l’acquiert auprès d’un instituteur économiste français du nom de Gaston Donnat au Cercle d’études marxistes où il côtoie Charles Assalé, Jacques Ngom, Moumé Etia... Ruben Um Nyobè est dès lors clairement désigné par les colons français comme communiste, donc dangereux pour la géopolitique occidentale.
Militant à la Jeucafra (Jeunesse Camerounaise Française) en 1936, il la quitte pour des questions idéologiques. Pour lui il faut combattre la France coloniale. D’où qu’il crée avec d’autres le Racam (Rassemblement Camerounais). Très actif dans le mouvement syndical, à l’issue du premier congrès de l’Union des syndicats confédérés du Cameroun qui se tient en 1945 à Douala, il en sort élu à l’unanimité comme secrétaire général.

Sillonant le pays pour y installer les structures de son mouvement et en avril 1948, il crée en compagnie de ses camarades l’Upc. Avec l’aide du Parti Communiste Français, il prend la parole à plusieurs reprises à la tribune des Nations Unies au sujet de l’indépendance du Cameroun et son unification. 1955, la France décide de lancer l’assaut final sur le mouvement nationaliste camerounais. Um Nyobè entre en clandestinité. L’Upc est dissoute. Traqué, il crée le Cno (Comité National d’Organisation), une branche de lutte armée pour résister aux colons. Connaissant le rapport de forces, il opte pour la ruse et galvanise les masses populaires. Le maquis prend corps à l’Ouest du Cameroun et dans la Sanaga maritime. Le 13 septembre 1958, son maquis est découvert à Libei Li Ngoi près de Boumnyebel. Des militaires français l’abattent en pleine forêt et son corps est jeté au cimetière protestant d’Eséka avec un certificat de genre de mort "décédé à la suite d’accident".


Abanda Kpama : Um Nyobe est d’une actualité brûlante

Le vice-président du Manidem souligne la nécessité de poursuivre l’œuvre entamée par le leader nationaliste.
Propos recueillis par Jean Baptiste Ketchateng

Quelle image gardez-vous, en tant que militant du Manidem, de Ruben Um Nyobe, le défunt secrétaire général de l’Upc ?
Un authentique intellectuel, ami à moi, Ghonda Nounga, a dit de Um Nyobè qu’il était un homme de culture. A l’époque où le grand nationaliste lance l’Upc après le Racam (Rassemblement camerounais interdit par les colons), il a déjà une claire conception du combat qu’il doit mener. Cet atout, il le tient d’une part d’une vaste culture politique acquise auprès de Gaston Donnat, communiste français et syndicaliste qui séjournait dans notre pays et d’autre part d’une bonne connaissance du Kamerun et de ses populations, ayant beaucoup voyagé et rencontré des compatriotes. C’est donc grâce à ces atouts culturels et à son intelligence politique qu’il réussira, en dépassant les contingences ethniques et régionales à mettre sur pied l’Upc et à en faire la formidable organisation nationale, soutenue par la majorité des Kamerunais et qui réussit à ébranler le pouvoir colonial au point d’obliger la France à imaginer une riposte meurtrière que Félix-Roland Moumié a baptisé néo-colonialisme.
Um Nyobè est donc, pour le militant du Manidem que je suis et pour tous les patriotes africains, un leader politique cultivé, proche des masses populaires qu’il côtoie inlassablement, un leader politique qui mène avec engagement un combat sans jamais le renier au point de sacrifier sa vie pour ce combat. C’est ainsi que son exemple fut perçu par ses deux jeunes compagnons, Félix-Roland Moumié et Ernest Ouandié qui ne renièrent jamais leur engagement et leur combat. C’est un bel exemple pour la jeunesse de notre pays et d’Afrique !

Que pensez-vous du projet de société qu’il défendait : réunification, indépendance et amélioration du standard de vie des Camerounais?
Formellement, les deux premières revendications de Um Nyobè ont été réalisées en 1960 et 1961. Mais dans le fond, nous sommes toujours à la recherche de notre souveraineté, de notre unité et du développement économique et social de notre pays. Le projet de société de Um est donc d’une actualité brûlante et c’est bien dans la continuité de ce projet, en tenant compte des réalités d’aujourd’hui, que le Manidem a formulé son projet de société : nous sommes dans l’upécisme quand nous revendiquons la nouvelle indépendance, la démocratie, le panafricanisme et le développement économique dans la justice sociale. Le Manidem c’est bien le digne continuateur de l’upécisme.

Le retour au multipartisme et au régime de libéralisation de la vie politique a réhabilité Ruben Um Nyobè. Ne trouvez-vous pas qu’il n’est pas aisé de voir la traduction de cette reconnaissance dans la cité?
C’est effectivement cela. On dirait que le régime de M. Biya a réhabilité Um, Ouandié et Moumié comme prétexte pour réhabiliter le dictateur Ahidjo. Car depuis sa " réhabilitation ", Um n’a eu droit qu’à une statue géante érigée dans sa ville natale d’Eséka, sur l’initiative d’une Ong. L’Etat du Kamerun continue d’ignorer non seulement le héros, mais bien pire, son œuvre et travaille au contraire à l’effacement de celle-ci de la mémoire collective de notre peuple. Mais au-delà des symboles, le meilleur service qui pourrait être rendu à Um et à ses compagnons Moumié, Ouandié et Kinguè ainsi qu’aux milliers de martyrs qui ont sacrifié jusqu’à leur vie pour notre liberté, ce serait de réaliser enfin son projet c’est-à-dire de mettre en œuvre une politique résolue de nouvelle indépendance, de démocratie et de progrès dans la justice. En bref il s’agit de faire du manidémisme ou de l’upécisme.


Le temps de la reconnaissance viendra

Pour ce cadre de l’Udc, les leaders nationalistes seront réhabilités tôt ou tard.
Propos recueillis par J. B. K.

Quelle image gardez-vous, en tant qu’homme politique, de Ruben Um Nyobe?
Ruben Um Nyobe, Félix Moumié, Ernest Ouandié et bien d´autres, sont de ceux-là qui ont donné leurs vies pour que vive la nation camerounaise d’aujourd’hui; ils resteront ainsi à jamais dans le coeur de tout patriote camerounais comme des figures historiques qui méritent respect, amour et reconnaissance. Je suis d´une génération qui a connu les périodes sombres de notre histoire. Bien que très jeune à l´époque, les images des exécutions sommaires et de gazage au napalm de patriotes, m´ont fait connaître très tôt les injustices, les humiliations et surtout l´anachronisme du fait colonial, de la nuit coloniale. Cette nuit où pourtant surgissaient ça et là des étoiles humaines à qui nous devons aujourd’hui le jour et l’espoir. L’Udc a fait sien non seulement le sens de l’abnégation et celui élevé du devoir qui jadis animait les luttes de ces patriotes mais surtout le sens de l’honneur et du respect de la parole donnée.

Que diriez-vous aujourd’hui du projet de société qu´il défendait?
Ces compatriotes sont morts pour une cause juste car il est aujourd´hui indéniable que nous sommes une nation parce que le Cameroun est libre, indépendant surtout, une République indivisible. Mais nous nous rendons bien compte que nous devons en permanence lutter pour que vive dans le quotidien de chacun de nous ces idéaux qui animaient leurs combats, à savoir l´unité nationale, la paix.
L´élévation du standard de vie des Camerounais, c´est-à-dire l’amélioration des conditions de vie, ne devrait plus être aujourd’hui l’objet d’une lutte quotidienne mais un acquis compte tenu des immenses richesses dont la nature a comblé notre pays. Hélas, nous en sommes loin , vous n’avez qu’à regarder dans nos rues : tous ces enfants en âge d’aller à l’école qui ne le peuvent faute de moyens ; tous ces jeunes hommes, bien souvent diplômés de nos "grandes écoles qui sont devenus " sauveteurs " se débrouillent à longueur de journées pour joindre les deux bouts ; allez dans nos hôpitaux, et vous verrez que des enfants en bas âage meurent de paludisme et par milliers, ceci faute de traitement. Que voulez-vous, notre société est faite de tant d’inégalités et d’injustices que nous nous devons de combattre sans cesse pour prétendre exister comme peuple !

Lors de la campagne présidentielle d´Octobre 2004, Adamou Ndam Njoya avait annoncé sa volonté de rapatrier le corps de Félix Moumié. Pourquoi lui? Et qu´en est-il des autres nationalistes?
Je pense que le président Adamou Ndam Njoya a annoncé sa volonté de rapatrier le corps de Félix Moumié mais aussi celui de l´ancien Président Ahmadou Ahidjo, et il me semble que les corps de ces deux personnalités sont à l´étranger. Le président Ndam Njoya n´a pas parlé seulement de Félix Moumié et ce voeu nous semble à l´Udc rejoindre celui d´un bon nombre d´autres Camerounais.

Le retour à la libéralisation de la vie politique a réhabilité Um Nyobe. Mais cela ne semble pas se traduire dans la vie quotidienne de notre pays…
Cette question rejoint un peu la précédente, mais pose surtout celle du sort réservé à la mémoire des héros nationaux dans leur ensemble. Ce problème est national et fera tôt ou tard l´objet d´un débat national; il ne saurait être la préoccupation ou du ressort me semble- t-il d´un seul parti ou d’une partie de la nation camerounaise.
Par ailleurs, la gestion quotidienne de la cité dans une structure décentralisée, donne à chaque commune le droit de baptiser les rues ou les places de sa circonscription comme elle le désire; mais il faut avouer que dans un contexte sociopolitique où tous les démons ne sont pas encore exorcisés, il faut toujours plus de temps pour se rendre à l´évidence de reconsidérer les faits historiques comme un patrimoine. Je pense que le moment viendra où ceci sera pour une nation comme la nôtre une nécessité.
 

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