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11.11.2007
Fritz Dikosso-Seme : Interview "Le Ngondo en plein Sahel"
“ Nous célébrons nos valeurs culturelles avec les peuples du Sahel ”
Président du comité d’organisation du Ngondo 2007, à Ngaoundéré. L’évènement se tient du 24 novembre au 2 décembre 2007.
Lorsqu’on dit Ngondo, de quoi retourne-t-il ? Au départ, il s’agit d’une réunion des chefs traditionnels Sawa, c´est-à-dire de la côte, du bord de la mer. C’est lors de cette réunion que se prenaient les grandes décisions. Ces assises étaient assorties de réjouissances populaires. La tradition du Ngondo est perpétuée jusqu’à ce jour.
Il se dit que le Ngondo revêt également une dimension mystique… Vous savez que nous sommes des peuples de l’eau. Le Ngondo se fait donc en principe autour de l’eau. Si vous avez déjà assisté à cet évènement à Douala, il y a des gens qui vont chercher des messages au coeur de la rivière. C’est ce message publié par les initiés qui guide la vie du peuple Sawa durant l’ensemble de l’année. En réalité, le Ngondo est une association qui prône la paix et le rassemblement. Le tout en bonne entente avec les ancêtres. Lorsqu’on va au fond de la rivière, c’est pour communier avec nos ancêtres.
Est-ce à dire qu’ici à Ngaoundéré, vous allez rentrer dans le fleuve Vina, afin de chercher le message en question ? Vous savez que dans les traditions africaines, l’on n’entre pas dans les eaux étrangères. En fait, pour nous de Ngaoundéré, le Ngondo n’a pas de dimension mystique. Nous mettons en exergue le rassemblement et la promotion de nos valeurs culturelles. Nous voulons pérenniser la tradition du Ngondo auprès des jeunes, de nos enfants qui vivent loin de Douala. Peut-être jusque-là, il n’ont pas pu prendre part à la partie invisible du Ngondo. Parce que le côté mystique, c’est la partie immergée de l’iceberg. Donc, nous voulons rappeler à la jeune génération et à nous-mêmes que nous venons de quelque part. Nous voulons également marquer l’unité du Cameroun. Partout où nous nous trouvons, on peut célébrer nos valeurs traditionnelles.
C’est donc une fête des peuples de la cote en plein Sahel … Le Sahel a besoin d’eau. Si nous pouvons y apporter en surabondance l’eau dont nous disposons, c’est une bonne chose. Ici à Ngaoundéré, le Ngondo consacre une union entre les peuples de la cote et ceux du Sahel, les peuples des plateaux, en l’occurrence. Et puis, vous êtes sans savoir que l’eau qui irrigue le sud du pays vient de l’Adamaoua, le château d’eau du Cameroun. Ça ne vient pas du Wouri.
Peut-on chiffrer la colonie Sawa ici dans l’Adamaoua ? Nous avons près d’une quarantaine d’associations Sawa. Dans Ngaoundéré et ses environs, nous sommes environ 3000 natifs Sawa.
Quelle est la touche particulière de l’édition de cette année ? Cette année, des manifestations traditionnelles sont inscrites au programme. Mais sur le plan culturel, nous avons fait venir un artiste Sawa de renom ici à Ngaoundéré, à savoir, Missé Ngoh François. Il a confirmé sa participation. Je pense qu’il fera entendre la voix de l’eau. Egalement, cette édition nous permet de ratisser plus large. Nous avons fait une grande sensibilisation pour que tous ceux qui ont la sensibilité, la fibre Sawa participent à l’évènement. Je vous ai dit que nous mettons un point d’honneur sur le volet culturel. La mystique, nous ne la connaissons pas. En dehors de la musique, nous allons faire valoir les qualités culinaires Sawa à travers les journées gastronomiques. Nous avons aussi au menu un spectacle de musique religieuse, des rencontres sportives, une visite au Lamido de Ngaoundéré. En marge de la prestation de l’artiste Missé Ngoh, nous allons esquisser des pas de danses traditionnelles qui ne sont pas encore forcément connus du grand public. Ceux qui viendront aux manifestations sauront également comment on nous un pagne chez les Sawa.
Quel avenir pour le Ngondo face au vent de la mondialisation ? Nous entendons la mondialisation comme un patchwork. Chacun apporte sa contribution. Au cas contraire, nous courons le risque de devenir tous Américains. Comme toutes les autres fêtes traditionnelles camerounaises et africaines, le Ngondo aura toujours sa raison d’être. Nous revendiquons cette différence culturelle. Nous ne sommes pas pour l’unicité, mais pour l’unité.
Par Propos recueillis par Georges Alain BOYOMO Le 26-11-2007
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