"J’ai fait beaucoup de recherches. J’ai d’abord commencé avec les cheveux et les fils et puis est arrivé le problème de tapioca. Petit à petit je me suis rendu compte que j’avais trouvé une manière véritable de m’exprimer à travers cette matière. J’étais arrivé à la maîtrise parfaite de mon sujet, je veux dire de ma technique. Vous voyez quand on verse de l’eau dans du tapioca il gonfle. Quand on l’eau déborde, le tapioca arrive toujours à la taille de l’eau". Francis Mbella, parle depuis de longues minutes. Debout, il est face aux journalistes au cours d’un échange improvisé au carré des artistes à Douala à l’occasion du vernissage de son exposition baptisée "au-delà des couleurs".
38 tableaux sont exposés jusqu’au 30 juin 2005 dans cet espace qui se veut un lieu de rencontre et d’échanges de techniques pour les artistes et un lieu d’initiation aux arts et loisirs pour enfants et adultes. Le visiteur découvre le génie de cet artiste hors du commun qui allie la farine de manioc avec de l’huile ou l’acrylique pour traduire l’exactitude des sensations, le réel y est transfiguré par l’émotion et la subjectivité. Pour ceux qui découvrent pour la première fois ces tableaux, il pourrait facilement attribuer la paternité à Picasso, à Van goth etc tant la le génie et le trait sont parfaits Précurseur d’une nouvelle technique de peinture, la technique du tapioca, Francis Mbella acquiert sa notoriété en 1987 comme peintre de relief. "En commençant mon métier je m’étais fixé un certain nombre de règles. Cela était certainement dû à ma situation d’immigré. Il fallait que je me débarque des autres." explique t-il. L’homme accumule les distinctions. Mérite culturel de la ville de Paris en 1990, il reçoit la même distinction de l’Etat de Californie en 1994 à Sacramento. A Genève en 2004, l’organisation des Nations Unies lui décerne une distinction au terme d’une exposition à son siège. Né le 18 décembre 1961 à Douala, de père sculpteur et de mère couturière styliste. Francis Mbella connaît un parcours scolaire des plus ordinaires au collège King Akwa de Douala, avant de s’envoler à la demande de sa famille pour la France.
"C’est mon professeur de peinture en classe de terminale qui m’avait demandé de passer le concours de l’Ecole nationale des beaux arts de Paris. Mais je dois vous dire qu’en classe de terminale mon sort était déjà scellé" déclare Francis Mbella. Et de poursuivre "C’était difficile à cet âge d’être aussi sûr de ce qu’on voulait faire et devenir. Moi je l’étais. Au début j’étais livré à moi-même. Il fallait se poser des questions. Comment orienter sa vie, ses choix. La motivation était là mais c’était très difficile.". Aujourd’hui, l’artiste compte 120 expositions à travers le monde dont Paris, Moscou, Berlin, Douala, Hambourg, Londres, Munich Los Angeles Tampa. Auteur de plusieurs ouvrages dont le plus récent est "le traité de l’esthétique", Francis Mbella ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. "Ma peinture est une peinture d’engagement. Je me sers de mon œuvre pour combattre les fléaux qui minent notre société. L’art est nécessaire à la vie mentale pour laquelle il constitue une sorte de respiration. Son rôle et son utilité ne se découvrent que si l’on se hausse jusqu’au plan philosophique."
Mutations. Dominique Bela |