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02.06.2005
Au cœur de Douala : Djebalè
Au cœur de Douala : Djebalè comme Tanga Nord
Abandonné par les autorités administratives, le village Djebalè traîne une kyrielle de maux, qui le peine.
Djebalè est comme Manoka, Suelaba et Cap Cameroun, ces gros villages perdus derrière la mangrove dans le Wouri. A la différence des trois autres qui font partie de l’arrondissement de Manoka, Djebalè est partie prenante de Douala IV dont Bonassama et non Bonabéri est le chef-lieu d’arrondissement. Bien que faisant partie intégrante de la grande métropole économique camerounaise depuis des temps immémoriaux, Djebalè sommeille dans un sous-développement inénarrable. Très peu de chose rapproche cette île de la vie urbaine de Deido, Bonassama, Bonabéri,… les villages voisins. Seule la voie fluviale relie Djebalè à ses voisins. Le voyage se fait à l’aide des pirogues à moteur ou à pagaie de petite et grande tailles pouvant transporter de cinq à plus de soixante passagers.
Pendant les 20 à 45 minutes que dure la traversée, les voyageurs sont à la merci des intempéries, les embacartions n’étant pas couvertes. Il faut débourser 200 F cfa si on voyage à bord d’une pirogue à moteur ou se préparer à ramer à bord des pirogues ordinaires. Jusqu’à la semaine dernière, l’eau potable était encore une denrée rare dans l’île. On s’éclaire à la lueur du feu de bois ou de la lampe-tempête. Djebalè est l’une des grandes pourvoyeuses de candidats à l’exode. Les Malè Malè sont estimés à quelque deux mille âmes. Mais à peine 10 % de cette population vivent en permanence au village. “ Vous savez, les jeunes aiment l’ambiance, écouter la musique, voir des nouveautés à la télévision. Nous n’avons pas d’électricité chez nous. Ils ont quitté le village. Certains ne reviennent même plus depuis des années ”, se plaint un villageois.
Base arrière oubliée
Djebalè ou Jobalè selon Sa Majesté Tanga Manga Alfred, chef du village Djebale I, signifie : “ Voilà un homme que je ramasse ”. A en croire ce chef, il y a plus d’un siècle, leur ancêtre, Malea qui partait du Congo avec son peuple à la recherche d’un territoire a rencontré une belle sirène sur les bords de la Dibamba. A sa vue, il a crié : “ Voilà une femme que je ramasse et elle a dit, voilà un homme que je ramasse ”. Plus tard, ce couple a fondé le village Jobale, qui s’est d’abord établi sur les terres de l’actuel temple du Centenaire à Akwa. Mais, ces hautes terres ne leur permettaient pas de faire facilement la pêche, une de leurs principales activités. Ils se sont mis à la quête d’un nouveau territoire. C’est au cours d’une partie de pêche sur le Wouri que le premier fils du chef Malea, Mangale, a découvert l’actuel emplacement du village. La paix a régné jusqu’au décès de Malea. Les guerres fraticides sont venues diviser ce village en deux entités : Djebalè I et Djebalè II.
Lorsqu’arrive la colonisation, cette île sert de base arrière aux Allemands. Les restes d’un canon enterré à l’entrée du village et quelques cases aux toits coniques le prouvent à suffire. Cette alliance avec les Allemands aurait causé de nombreux problèmes aux Djebalè. Certains de ses fils, parmi lesquels Essombè Elessa ont connu les gêoles des colons. A la mémoire de celui-ci, un maussolée a été construit non loin de la concession du chef Tanga.
Bétail électoral
Djebale a aussi été une plaque tournante pour les populations de l’arrière pays. “ Pour arriver en ville, les populations du Mungo passaient par Djebale. C’est la raison pour laquelle de nombreux fils Djebale ont des mères Pongo, Deido, etc ”, explique sa majesté Tanga. Il soutient aussi que son école primaire, qui fut une des premières à être construites sur la côte, a vu passer plusieurs grosses têtes de ce pays. Aujourd’hui cet établissement n’a plus l’air de rien. Elle a trois enseignants vacataires et son effectif, depuis des années, atteint difficilement cent élèves. Ces enseignants ne survivent que grâce à quelques élites de cette localité.
De son côté, l’administration semble avoir laissé ces citoyens qui ne constituent que du bétail électoral, notamment pour le Rdpc. S’il est un homme que les Malè Malè regrettent encore c’est feu Christian Tobie Kouoh dont le plan d’urbanisation prévoyait un pont sur Djebalè pour désenclaver l’île jusque-là abandonnée. Mais, le chef Tanga Manga ne veut pas plonger dans le désespoir total. Il lance un cri de détresse. “ Si les autorités ont oublié que Djebale existe, au nom de tous ses fils, que les diplomates et elles, fassent quelque chose pour Djebalè qui est sinistré. Nous sommes dans cet état parce que nos fils n’ont pas de grands noms. Les projets pour sortir Djebalè de sa situation ont toujours été détournés. Le deuxième pont du Wouri qui devait passer par Djebalè a été une fois encore détourné ”, s’indigne Sa Majesté Tanga Manga.
Par Vanessa Nana
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